Le fétichisme du déficit commercial

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il y a des modes plus pénibles que le retour de la moustache : par exemple, celle qui consiste à se couvrir la tête de cendres parce que la France a un déficit commercial. Nos amis économistes ne cessent de le répéter : un déficit commercial n’est en rien un indicateur pertinent de la santé d’une économie. Alexandre Delaigue est particulièrement remonté cette année, et il a bien raison. Pourtant, l’idée a incontestablement du mal à passer : il suffit de voir les commentaires laissés sur les différents billets qui traitent de la question. Pourquoi la raison scientifique a-t-elle tant de mal à s’imposer ? Petite tentative d’éclaircissement.




A l’origine de l’incompréhension de ce résultat pourtant classique de l’analyse économique, il y a évidemment des problèmes liés à un manque de culture scientifique en la matière ou des fautes de logique parfois assez grossières. Par exemple, un commentateur des éco-comparateurs pense que si le déficit commercial n’a pas de conséquence négative, il en a forcément des positives : comme l’économie française va mal et est en déficit commercial, alors le déficit commercial est nécessairement mauvais. Etienne Wasmer s’en arracherait les cheveux.

Il y a aussi, peut-être, un intérêt pour certains à utiliser un tel discours. L’hystérie du déficit commercial peut être bien utile pour faire accepter certaines politiques, comme tout discours décliniste. C’est par ailleurs un excellent moyen de vendre du papier (mais pourquoi tous les regards se tournent-ils dans cette direction ?).

Mais cela n’explique pas tout. Même des gens qui ont eu la chance de recevoir un enseignement en science économique, comme les journalistes issus de Sciences-po, les hommes politiques ou des cadres et des chefs d’entreprise, peinent à saisir le raisonnement, de façon souvent dramatique. Comment expliquer cela ? En recourant à un peu de sociologie. Et en s’inspirant de Marx.

1. De qui parle-t-on ?

Pour mener à bien une telle analyse – expliquer pourquoi l’idée que le déficit commercial n’a, finalement, aucune importance en soi pour l’économie, qu’il est nécessaire de regarder ailleurs – il serait utile de disposer de quelques données concernant ceux qui ont du mal à y croire. Par exemple, les commentateurs du site Internet de Libération : leur catégorie socioprofessionnelle, leur profession, etc. Evidemment, je ne dispose pas d’une telle banque de données. On peut cependant faire quelques hypothèses.

Ainsi, la lecture de la presse nationale est « plus élevée chez les plus diplômés, chez les hommes et les catégories sociales supérieures » [1]. Il est raisonnable de penser qu’il en est de même pour les lecteurs des sites émanant de cette presse nationale, avec peut-être un profil plus jeune. Une présence dominante des cadres et professions intellectuelles supérieures et des employés est tout à fait probable. Dans tout les cas, il s’agit de personnes qui disposent d’un capital culturel et scolaire élevé ou tout au moins honorable.

Rajoutons que concernant un site comme celui des éco-comparateurs, il n’est pas déraisonnable de penser que les lecteurs sont porteurs d’un capital « politique » relativement important : positionnement politique assez clair, connaissance des débats et des enjeux, intérêt marqué pour ces questions, éventuellement militantisme ou engagement divers, etc. La fréquentation de tels sites et le sentiment que l’on est autorisé à y laisser un commentaire supposent un certains nombre de connaissances et de ressources qui ne sont pas réparties de façon égalitaire dans la société.

Le mystère n’en est que plus grand : pourquoi des individus issus des catégories socioprofessionnelles les plus favorisés, disposant de capitaux scolaires et culturels non négligeables, refusent-ils aussi fortement une conclusion scientifique dûment expliquée et motivée ?

2. Les deux sens de l’idéologie

Posons tout d’abord qu’il s’agit là d’idéologie. Le terme « idéologie » est assez compliqué à définir. Il renvoie, dans tous les cas, à un système d’idée plus ou moins organisé concernant la représentation du monde. Sa connotation négative le relie souvent, mais pas forcément, à des idées fausses ou, du moins, non démontrées. C’est de cela dont il s’agit ici. L’idéologie qui nous préoccupe ici est celle qui nous dit qu’un pays doit avoir un excédent commercial pour être performant économiquement. Cette idée est le plus souvent exprimée sur le mode de l’évidence, sans qu’il soit nécessaire d’en expliquer les enchaînements.

C’est chez Marx que nous allons chercher les deux façons d’approcher ce type d’idéologie. Les théories marxistes sur la question sont tout sauf unifiées, cela parce que l’approche marxienne, c’est-à-dire qui vient de Marx lui-même et non de ses exégètes ou de ses critiques, est elle-même tendue entre deux conceptions : une conception « stratégique », une conception « cognitive ».

3. L’idéologie comme arme des dominants

La première est une conception que l’on pourrait qualifier de « stratégique » : l’idéologie est produite par la classe dominante pour assurer sa domination sur la classe dominée. « Les idées dominantes sont les idées de la classe dominante ».

« Les individus qui composent la classe dominante "règlent la production et la distribution des idées de leur temps". » [2]

C’est l’idée vulgarisé de la « religion comme opium du peuple » (idée qui est d’ailleurs beaucoup moins simple chez Marx que ce qui en est le plus souvent retenu, je la reprend à titre d’exemple) : la religion serait, dans cette perspective, une arme des dominants pour endormir la révolte des dominés.

Dans cette perspective, notre idéologie du déficit commercial serait l’arme de quelques groupes – des hommes politiques, par exemple – pour endormir la méfiance du peuple et faire accepter une domination politique ou économique. Ce que j’avais évoqué en introduction : le déficit commercial est un moyen de faire accepter certaines réformes, certaines politiques.

Ce n’est peut-être pas le point le plus intéressant pour nous, même si on ne peut l’exclure. En effet, elle n’est pas suffisante pour expliquer le phénomène – ce que Marx avait bien senti puisque sa conception de l’idéologie n’est pas aussi simple. Il faut en effet comprendre pourquoi cette idéologie trouve un écho auprès de certaines catégories de la population. En outre, la population que nous avons retenue – les lecteurs de Libération, du blog d’éconoclaste – ne sont pas vraiment des « dominés ». Ils disposent de capitaux particuliers, qui leur permettraient de mettre à distance cette idéologie si on voulait simplement la leur imposer. Et leurs intérêts dans l’affaire n’est pas forcément évident. Il faut donc recourir à l’autre conception de l’idéologie.

3. L’idéologie comme conséquence de la position sociale

Pour Marx, l’idéologie est également la conséquence de la position sociale de l’individu, de ses conditions matérielles d’existence : les idées dépendent directement, sont déterminées par l’existence de l’individu.

« La production des idées, des représentations, de la conscience est d’abord directement et intimement imbriquée dans l’activité matérielle et le commerce matériel des hommes, elle est la langue de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaît ici encore comme l’émanation directe de leur comportement matériel » [3]

C’est ce que l’on appelle le matérialisme. Dans cette perspective, les idées fausses ne peuvent provenir que de la position sociale de l’individu : elles dépendent de ce que cette position lui permet de voir ou de ne pas voir, de ce à quoi il a ou non accès. C’est pour cela que l’on peut parler d’une approche « cognitive ». Marx la mobilise pour comprendre ce qu’il appelle le « fétichisme de la marchandise ».

Marx explique la valeur des biens par la quantité de travail que ceux-ci incorporent. C’est ce que l’on appelle la théorie de la valeur travail. Ainsi, ce qui s’échange, c’est toujours du travail contre du travail. Que cette théorie soit vraie ou fausse n’est pas le problème pour nous ici. Le point important est que Marx doit expliquer pourquoi les individus ont une autre théorie de la valeur : ils prêtent aux biens une valeur intrinsèque, en fonction de leurs caractéristiques plutôt que du travail qu’ils incorporent. Voilà, pour Marx, un exemple d’idéologie : les idées des individus sont manifestement différentes de la vérité que sa méthode scientifique a permis de dégager.

Comment expliquer cette « erreur » ? Cela est du au fait que, de leur position, les individus voient les marchandises s’échanger entre elles sur les marchés, mais ne voient pas le processus de production. De la même façon, on voit que le bâton plongé dans l’eau est coupé, on ne voit pas la réfraction.

« Aussi […] peut-on souligner l’idée importante qui sous-tend cette analyse du fétichisme des marchandises, à savoir que, dans l’ordre social comme celui de la nature, une réalité peut naturellement apparaître à l’observateur comme déformée » [4]

Ainsi, les marchands, les capitalistes, voient clairement les biens s’échanger sur les différents marchés : c’est leur position sociale qui leur fait adopter l’idéologie de la valeur utilité, le fétichisme des biens. (Je le répète : il n’est pas question ici de discuter quelle est la meilleure théorie de la valeur. Il y aurait trop à dire sur la théorie marxienne en la matière. C’est le principe qui est important).

Il en va finalement de même pour l’attachement au déficit commercial. Les cadres, les chefs d’entreprise, et autres savent bien, du fait de leur position sociale, qu’une entreprise en déficit est menacée. Ils savent bien que d’acheter – importer – plus que l’on ne vend – exporte – est mauvais pour l’entreprise. Et ils transportent tout simplement ce savoir sur l’économie globale, parce qu’ils ne voient pas les gains qui se font à l’import (baisse des prix), ne voient pas les entrés de capitaux qui équilibrent la balance commerciale. De plus, s’ils ont un pied dans le commerce international, ils voient très bien que les entreprises françaises sont moins présentes que les autres, ils voient que les produits français ont moins de succès. Mais c’est finalement tout le fonctionnement macroéconomique qui leur est caché.

4. De l’aliénation de la vie politique française

Pour Marx, les idéologies ne posent pas seulement problème parce qu’elles sont dans l’erreur : elles sont aussi des sources d’aliénation. Le terme a été largement galvaudé, parce que l’on en a oublié la moitié du sens. On retient généralement de l’aliénation qu’elle renvoie à l’extorsion de la plus-value par les capitalistes. C’est en fait une notion plus complexe, et plus intéressante.

L’aliénation est en fait un état où l’homme devient étranger à lui-même. Il s’agit toujours d’une inversion : le créateur devient créature, et se soumet à sa création. C’est ce qui se passe dans l’aliénation économique : le travailleur se soumet au produit de son travail, qui lui est retiré par le capitaliste, devenant ainsi étranger à lui. Mais avant cela, la première aliénation que critique Marx est celle de la religion : celle-ci soumet l’homme à Dieu, alors que Dieu est une création de l’homme. De ce point de vue, Marx est un véritable humaniste : l’ensemble de son projet est tourné vers une libération de l’homme de ce qui le rend étranger à lui-même.

Les idéologies de toutes sortes sont donc des aliénations parce qu’elles nous soumettent à des choses qui nous sont étrangères, nous volant ainsi notre humanité, notre capacité d’agir, notre praxis, c’est-à-dire la « transformation de l’homme par l’homme ».

Comment ne pas faire le parallèle avec le débat public français ? Le voilà, de façon régulière, soumis au déficit commercial, problème qu’il a lui-même crée (non pas le déficit lui-même, mais le fait que ce déficit soit appréhendé comme un problème). Et qui plombe les capacités d’action, de transformation, en les orientant dans la mauvaise direction. Voilà pourquoi je pense qu’il n’est pas faux de parler d’un véritablement fétichisme du déficit commercial français. Ce n’est d’ailleurs pas une exception : nous nous créons régulièrement des dieux auxquels nous prêtons des caractéristiques proprement humaines et auxquels nous soumettons nos politiques :

« A écouter les exégètes de cette étrange mélopée boursière, les marchés financiers sont devenus des nouveaux dieux qui commentent et modifient le cours de la vie des hommes en délivrant du haut de leur Olympe leurs verdicts quotidiens : ils saluent telle mesure, applaudissent à tel événement, boudent tel résultat d’élection, sanctionnent telle politique économique. […] Dieu bienveillant et ordonnateur ou Moloch dévastateur, les marchés s’appréhendent sur un mode religieux » [5]

5. Tous aliénés

Parvenu au terme de ces quelques réflexions, il m’en reste une dernière, un rappel, qui me servira de conclusion, toujours à propos de Marx. Dans la représentation la plus vulgarisée du marxisme, seuls les prolétaires sont aliénés. Il faut donc rappeler que c’est loin d’être le cas : pour Marx, nous sommes tous aliénés, tant l’ouvrier qui se voit privé du produit de son travail, que le capitaliste qui soumet sa vie au bon vouloir des marchés et des marchandises. Marx espérait une possibilité de libération, d’émancipation de l’homme, par le dépassement du capitalisme. Sans aller jusque là, on pourrait au moins espérer que la politique française puisse se libérer de ses propres démons.

Bibliographie :

[1] Chantal Horellou-Lafarge, Monique Segré, Sociologie de la lecture, 2003

[2] Pascal Combemale, Introduction à Marx, 2006

[3] Karl Marx, L’idéologie allemande, 1846

[4] Raymond Boudon, L’idéologie, 1986

[5] Olivier Godechot, Les traders, 2001


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[Tag] Six choses que vous ne savez pas sur moi

La consécration, les honneurs, la gloire… Oui, mes amis, j’ai été tagué. J’en remercie infiniment l’ami Frednetick, qui, prenant pour prétexte le fait que nous avons usé nos fonds de culotte sur des bancs proches, me fait ainsi rentrer dans le sérail exigeant des bloggeurs qui reçoivent des chaînes. Me voilà donc contraint de vous révéler six choses que vous ignorez sur mon humble personne. Et de passer la main.




En n°1…

Aux temps lointains de la licence, je n’aimais pas la sociologie et j’y préférais largement l’économie. J’avais l’impression qu’en sociologie, on pouvait dire tout et n’importe quoi, et que l’économie avait une portée politique beaucoup plus forte. Bref, j’étais jeune, bien que n’étant plus boutonneux.

Ce n’est que plus tard que quelques enseignants m’ont expliqué ce qu’était une science, pourquoi la sociologie en était une et pourquoi l’économie n’a pas nécessairement à être de l’économie politique pour être intéressante. Qu’ils soient bénis.

Un an après, je passais l’agrégation.


En n°2…

Sur les trois enseignants de sciences économiques et sociales que j’ai croisé lors de mes années lycées et du début de mes études, deux constituent des mauvais souvenirs. Le premier pour l’ambiance assez peu studieuse qui régnait dans la classe, le second pour sa tendance à mépriser ses étudiants. Entre les deux, une année avec un prof sympa et compétent. C’est toujours ça de pris.


En n°3…

Pour moi, le plus grand écrivain de tous les temps est Terry Pratchett. Aucune contestation ne sera acceptée. Et s’il y avait une justice dans ce monde, il aurait déjà le Nobel.

Le second plus grand écrivain s’appelle Jorge Luis Borges. C’est ce que l’on appelle une dissonance culturelle.


En n°4…

Si, après ma mort, j’arrive au paradis, et que Dieu m’y accueille, je pense que je lui demanderais « Comment vas-tu-yau de poêle ? ».

Comme Bernard Pivot ne me posera jamais la question, je profite de l’occasion pour y répondre.


En n°5…

Sur mon Ipod, on trouvera beaucoup de Louise Attaque et de Tarmac, pas mal de Noir Désir, une bonne dose de Portishead, ainsi que l’intégralité des Aventuriers du Survivaure et du Donjon de Naheulbeuk.


En n°6…

J’ai un truc infaillible pour repérer les gens biens : je leur demande « mais vous êtes fou ? ». Ceux qui répondent correctement gagnent mon respect.


Aux suivants !

A moi maintenant de tagger : ceux que je choisirais devront eux aussi révéler six faits inconnus de leurs lecteurs avant de passer la main à six autres personnes. Alors… je choisis… (suspens)… Pierre Maura, parce que c’est un collègue, Markss et PAC de Libertés Réelles, parce que ça leur donnera l’occasion de mettre à jour, Baptiste Coulmont, pour lui montrer que j’ai fait la paix avec les normaliens, Jean Baubérot, pour voir, et, bien sûr, Dick Rivers.


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[Une heure de lecture #4] En attendant mon retour…

Vacances studieuses, comme je l’avais annoncé. Mais je prends quand même un peu de temps pour vous proposer une nouvelle fournée de liens, commentés par mes soins – ma petite touche personnelle. Il faut dire qu’après avoir reçu l’approbation du maître en la matière je ne peux qu’être encouragé à poursuivre la formule. Et même à l’étendre : cette fois, il y aura plus de trois thèmes ! Allez, c’est parti.




1. Enquête PISA : quelques explications

Sur l’excellent site de La vie des idées, on trouve un excellent article sur les enquêtes PISA qui ont fait couler beaucoup d’encre, peut-être plus à l’étranger qu’en France. Julien Grenet apporte beaucoup de précisions sur le fonctionnement de l’enquête et le mode de lecture des résultats, ce qui manque gravement dans les articles de presse sur le sujet. D’ailleurs, c’est la première fois que je trouve une véritable présentation des résultats…

En tout cas, certains passages de l’article ne peuvent que rappeler sa propre expérience à un jeune enseignant. Celui-ci par exemple :

« Dans le domaine de la culture scientifique, les résultats de la dernière enquête PISA révèlent que les résultats des élèves français sont supérieurs à la moyenne lorsqu’il s’agit de prélever des informations dans des supports habituellement utilisés dans l’enseignement scientifique (graphiques, tableaux, croquis) mais que les jeunes français de 15 ans ont des difficultés à mobiliser leurs connaissances pour expliquer des phénomènes de manière scientifique dans des situations de la vie courante non évoquées en classe. »

Les SES, malgré les critiques dont elles font l’objet, donnent souvent l’occasion de travailler à partir de cas quotidiens, de situations de la vie courante. Ce qui semble souvent apprécié des élèves. Mais les amener à mobiliser leurs cours pour comprendre ces situations est l’une des choses les plus ardues auxquelles j’ai jamais été confronté. Il me semble que le lycéen moyen parvient très facilement à compartimenter ses expériences, mettant d’un côté ce qu’on lui apprend, de l’autre la « vraie » vie. L’un des défis auxquels on ne se confronte peut-être pas assez est de relier les deux.

Autre passage intéressant, qui doit être particulièrement violent pour beaucoup de défenseurs de l’éducation française :

« Moins souvent confrontés à des exercices s’inspirant de situations rencontrées dans la vie quotidienne, rarement sollicités pour débattre oralement, les élèves français ne sont sans doute pas suffisamment initiés au débat contradictoire, à l’élaboration de réponses argumentées et se retrouvent plus souvent démunis lorsqu’on fait appel à leur avis personnel ou à leur expérience propre. Ce phénomène pourrait expliquer le taux plus élevé de non réponse aux questions appelant des réponses longues et la difficulté à envisager un document d’un point de vue critique. »

L’une des fiertés françaises est le développement de l’esprit critique des élèves. Il n’est sans doute pas très agréable de se voir remettre un mauvais point dans la matière… Je pense que le problème est le même que précédemment : nos élèves mettent-ils du sens dans ce que nous leur apprenons ? En voient-ils la finalité, l’intérêt, au-delà de la sacro-sainte note ? Il est possible que ce soit trop rarement le cas… Les SES ont essayé, depuis longtemps, de remédier à ces problèmes : en proposant un enseignement ancré sur l’actualité et une pédagogie ouverte au débat contradictoire. Il est sans doute nécessaire d’en faire plus dans ce sens.


2. Chaud et froid


Tiens, d’ailleurs, pendant ce temps, Enro, scientifique et citoyen, nous parle de science chaude et de science froide : ici, , puis encore ici et à nouveau . De quoi s’agit-il ? La science froide renvoie à une représentation de la science comme simple ensemble de résultats à transmettre tels quels, avec un brin de dogmatisme, tandis que la science chaude insiste sur la production des faits scientifiques, les débats, l’activité de recherche. L’influence de Bruno Latour se fait à peine sentir

Là encore, les SES ne sont pas si loin : dans la dernière note en question, il est question de « scientific litteracy », qui, pour ce que j’en retiens, consiste à donner aux élèves les moyens de comprendre les débats scientifiques, de se positionner en leurs seins, de comprendre les controverses et de critiquer ce que l’on leur propose. Ce n’est pas très éloigné de l’objectif que je proposais pour les SES.


3. Penser en sociologue


D’ailleurs, tant que je traînais sur le blog d’Enro, je suis tombé sur cette ancienne note, que je trouve assez intéressante : Enro nous y explique à quel moment il s’est mis à penser en sociologue. Cela m’a rappelé un de mes propres projets de billet, pour l’instant en stand-by : j’y essayais de dégager quelques règles simples « pour penser en sociologue ». J’étais parvenu à en dégager quatre, dans lesquelles les anecdotes d’Enro trouveraient facilement leurs places. Du coup, je pense que je vais retravailler la chose…


4. Pour un American Pie français


J’avoue ne pas toujours arriver à lire complètement les notes d’Emmanuel Ethis. Pourtant, elles sont souvent plus courtes que les miennes… Mais j’ai trouvé celle-ci simplement brillante. Un passage clef :

« Si l’on considère, comme le font généralement les sociologues, que les sujets sur lesquels sont bâties les fictions cinématographiques et télévisuelles d’une société donnée disent beaucoup des préoccupations dominantes de ladite société, alors on peut commencer à penser, en creux, la considération que tel ou tel pays a symboliquement pour son enseignement supérieur, ses enseignants-chercheurs, ses étudiants, ses campus et les moments de vie qui sont attachés à cette période cruciale pour la formation des individus dans le pays considéré en regardant les oeuvres audiovisuelles qui y sont produites »

A la base, donc, une proposition simple : l’absence de cinéma centré sur l’université n’aurait-il pas à voir avec les problèmes de celle-ci en France ? Une fois dit, ça a l’air tout bête, mais on ferait bien d’y réfléchir.


5. Dessins


Mais les blogs ne se résument pas aux sciences sociales, heureusement. Il existe un autre réseau sur lequel j’erre régulièrement : celui des dessinateurs. J’aime beaucoup celui de Martin Vidberg, alias Everland, dont le Journal d’un Remplaçant mériterait une place en IUFM. Allez donc voir cette note : un peu d'humour dans un monde de réformes.


6. Démocratie


Et tandis que sur le blog d’Econoclaste, on s’interroge sur la différence entre un argument démocratique et un argument anti-démocratique, l’Antisophiste s’interroge « Pourquoi la démocratie ? ». La réponse réside sans doute dans l’une des sept raisons avancées…

« La démocratie n’est pas seulement un processus de gouvernement, elle est aussi un système de droits. Prenez « la participation effective » : ce critère implique que l’on reconnaisse aux citoyens le droit d’exprimer leurs opinions, de discuter des affaires publiques avec d’autres citoyens... »


7. Lecture en F


Christophe Foraison nous parle de la lecture en F : quand vous lisez sur votre écran, vous commencez par un mouvement vertical, de haut en bas, et vous passez à l’horizontal lorsque vous trouvez quelque chose qui vous intéresse. Et tout ça, comme Monsieur Jourdan : sans le savoir. C’est d’ailleurs probablement ce que vous êtes en train de faire en ce moment.

Cette information n’a l’air de rien, mais elle explique finalement bien des choses : les trolls par exemple. « Qu’est-ce qu’un troll ? » me demanderont les newbies. Voici ce que dit Wikipédia, toujours aussi pertinent lorsqu’il s’agit de geek :

« On parle de troll pour un message dont le caractère est susceptible de générer des polémiques ou étant excessivement provocateur, sans chercher à être constructif, ou auquel on ne veut pas répondre et que l’on tente de discréditer en le nommant ainsi. »

Beaucoup de trolls – terme qui désigne aussi la discussion stérile qui va suivre le message en question – découle d’une mauvaise lecture d’un propos initial. Sans doute à cause de cette fameuse lecture en F : le regard du lecteur ne retient qu’une partie du message sur laquelle il va commencer à polémiquer sans prendre en compte le reste du propos. Ce site a en été récemment la victime. Faire une sociologie du troll est également l’un de mes projets : ça viendra, un jour ou l’autre.



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[Une heure de lecture #3] En attendant la rentrée...

Et oui. Je suis en vacance. Enfin, mes élèves sont en vacances, car pour moi le travail continue : cours à préparer, lectures à rattraper, et… blog à remplir. Donc, je vous ressers une fournée de liens, agrémentée comme d’habitude, de mes remarques et de mes commentaires les plus divers.




Les statistiques ethniques ou de la diversité, encore et toujours. Cette fois c’est Michel Wieviorka qui s’y colle, en tant que Président du conseil scientifique du CRAN, accompagné du président de l’association en question, Patrick Lozès. Souvenez-vous, les statistiques ethniques, j’en avais parlé ici. La présente tribune du Monde, bien qu’affirmant la possibilité de réconcilier partisans et adversaires de ces statistiques, tranche sans ambiguïté pour, en avançant que la majorité des Français y serait favorable. L’argument ne me convainc que peu. Plus intéressant, les précisions sur les modalités de ces enquêtes, si elles venaient à se mettre en place : anonymat, pas de fichage, réalisation par un tiers indépendant…

Les auteurs insistent surtout sur la nécessité de faire des enquêtes autodéclaratives : les personnes sont invitées à définir elles-mêmes leur origine ethnique, la façon dont elles se sentent perçues par les autres, plutôt que de rentrer dans des catégories toutes faites. Le problème qui me semble alors se poser est le suivant : si ces données sont trop éparses, vont-elles être exploitables ? Le problème est, comme Hervé le Bras le défendait il y a quelques temps sur France Culture (et probablement dans cet article que je n’ai malheureusement pas lu), que le concept de l’ethnicité est peut être trop fragile pour être utiliser sereinement. Je reste perplexe, et persuadé que l’expérimentation ne serait pas une mauvaise solution.

Pour quoi luttent les stagiaires ? Après avoir obtenu quelques avantages et protection – rémunération des stages de plus trois mois à 30% du SMIC, création d’un fichier dans les entreprises pour connaître précisément le nombre de stagiaires – Génération Précaire lutte encore, et le fait savoir dans cette interview accordé à Libération, ainsi que dans le communiqué figurant à la une de leur site. En la matière, la question n’est peut-être pas seulement celle de la satisfaction d’intérêt (plus d’argent, plus de protection), mais aussi de reconnaissance, comme le dirait Axel Honneth. Les conflits sociaux mêlent toujours conflits d’intérêt et lutte pour la reconnaissance. On peut notamment se reporter à ce très bon entretien. Ici, on peut penser que les stagiaires demandent aussi la reconnaissance de leur travail dans l’entreprise, en étant payé à hauteur de leur productivité, et donc un véritable statut.

Sur le même thème, petite chronique intéressante dans le monde : celle de Sophie Gherardi dans le Monde, intitulée « Souvent stages varient, bien fol qui s’y fie » (dans chaque journaliste, il y a un poète maudit qui sommeille). Intéressante car elle pose une question qui mériterait d’être creusé : les jeunes sont-ils tous égaux face aux stages ? Il est évident que non, mais on gagnerait à en savoir un peu plus.

Je me doute que, parmi les lecteurs, on doit trouver quelques enseignants. Alors au cas où vous seriez passé à côté, vous trouverez ici le compte-rendu d’un ouvrage qui vient de rentrer en bonne place sur ma liste de lecture : Comprendre l’échec scolaire de Stéphane Bonnéry. J’ai ouvert ce blog persuadé de l’utilité de la sociologie. J’avoue que je suis assez déçu de ne la trouver que très peu présente dans la formation des enseignants, ou, lorsqu’elle l’est, elle est particulièrement malmenée. J’espère donc compléter utilement ma formation par une telle lecture.

J’ajoute que le site Liens socio de Pierre Mercklé est un indispensable, particulièrement pour sa section compte-rendu. S’il ne se trouve pas dans vos agrégateurs, c’est le moment de l’ajouter.


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Les Français ont-ils approuvé le traité simplifié ?

Parfois, il y a des arguments qui m'énervent, que je sois d'accord ou non avec l'avis qu'ils servent à défendre. En général, ce sont ces arguments qui ont l'air d'évidences et qui sont répétés à longueur de journée par toutes sortes de perroquets journalistiques et politiques. Dernier en date : celui qui voudrait qu'en votant pour Nicolas Sarkozy les Français aient signifié leur accord avec le traité de Lisbonne qui va être ratifié dans les prochains jours.


J'aurais aimé me tenir aussi éloigné que possible des discussions sur l'adoption du traité de Lisbonne, traité "simplifié" visant à remplacer le projet de constitution européenne. Cette question est devenue, depuis 2005, l'une des plus sensible politiquement, de celles que l'on préfère éviter dans les discussions courtoises de peur d'en venir aux mains. Le camps du "oui" ne semble pas disposé à pardonner au camps du "non", qui lui n'a pas l'intention de se laisser faire. De ce fait, je n'ai pas l'intention de donner mon avis sur la pertinence ou non de ce traité, sur la légitimité ou l'illégitimité de son mode d'adoption parlementaire et non référendaire. D'autres discutent ces aspects beaucoup mieux que je pourrais le faire.

Mais voilà, un argument revient régulièrement dans le débat, argument sur lequel il me semble nécessaire de revenir. Dernièrement, c'est Rama Yade, avouant avoir voté "non" au référendum sur le TCE, qui l'a repris :

Selon Rama Yade,"ce référendum a déjà eu lieu lorsqu'en mai [2007] les Français ont choisi Nicolas Sarkozy". Et de souligner que le président"s'était engagé [avant son élection] pour la voie parlementaire".

La secrétaire d'Etat au droit de l'homme n'est pas la première à brandir l'élection de Nicolas Sarkozy comme preuve que les Français ont accepté, et même approuvé, l'idée d'un Traité simplifié adopté par voie parlementaire. Il n'est pas impossible que vous l'ayez déjà rencontré dans des conversations plus quotidienne.

Cet argument n'est pas recevable, c'est ce que je vais essayer de montrer dans cette note. Cela va me permettre, comme l'un de mes illustres prédecesseurs en matière de blog sociologique (dont je reprend humblement quelques idées), de souligner qu'au travers une élection les Français ne disent... rien.

1. Le vote, un effet "pervers"

Qu'est-ce que le résultat d'une élection ? L'assemblage de quelques millions de micro-décisions, d'arbitrages individuels sur des préférences personnelles, de comportements micro-sociologiques, qui, combinés, donnent un agrégat macro-sociologique, un comportement collectif. Depuis Raymond Boudon, on appelle ça un effet "émergeant" ou un effet "pervers". Dans la perspective qui est la sienne, la société, le social, n'est que le résultat involontaire de la combinaison des comportements individuels.

Pourquoi "involontaire" ? Simplement parce que ce résultat n'a aucune raison d'être cohérent avec les désirs des acteurs qui le produisent. Il peut même aller tout à fait dans le sens inverse. C'est le cas fameux de l'embouteillage : tout le monde a une "bonne raison" (autre concept boudonien fondamental) de se trouver sur cette route-là à ce moment, et tout le monde est pressé, mais la combinaison de ces choix donne une situation globale de blocage. L'agrégation des comportements visant un but particulier peut déboucher une situation en contradiction totale avec ce but.

Une formule superbe est celle qui sert de titre français au livre de Thomas Schelling : "la tyrannie des petites décisions" (Micromotives and Macrobehavior, 1978). Sa démonstration la plus célèbre concerne la ségrégation urbaine. Imaginons, dans une ville fictive, une population où chaque individu désire vivre dans un environnement - le quartier de la ville - socialement ou ethniquement mixte, mais seulement jusqu'à certains point : les individus ne veulent pas se retrouver dans un groupe minoritaire. Considérons un jeu en plusieurs tours : à chaque tour, les individus qui se trouvent dans un quartier où leur groupe est minoritaire déménagent pour un quartier où la situation est différente. Si on continue le jeu suffisamment longtemps, on va obtenir des quartiers homogènes ! (je vous fais grâce de la démonstration mathématique du phénomène, certains le font par informatique). Alors qu'il n'y a pas d'opposition à la mixité - celle-ci peut même être valorisé et apprécié par bon nombre des individus, celle-ci ne se réalise pas.

Le vote n'est pas très différent : confortablement installé chez lui, l'électeur lambda (vous, moi, les autres) prend sa petite décision personnelle, appuyée sur ses préférences politiques (appartenances partisanes, etc.), ses intérêts (calcul rationnel en fonction des préférences), les informations dont ils disposent (connaissances du système politique, médias, etc.), et sa raison. Sa décision est "micro". C'est l'agrégation de ces comportements "micro" qui donne le résultat "macro". Comme précédemment, rien ne permet de dire qu'il reflète les préférences des différents individus. Ainsi, si l'on demande aux électeurs de noter les candidats plutôt que d'en choisir, les préférences politiques exprimées sont différentes de celle du vote, François Bayrou arrivant en tête aux dernières élections. Mais, attention, même si ce système était généralisé, il ne faudrait pas en conclure que les Français ont dit "ceci" ou "cela" par leur vote...

2. Combien de votes ?

En effet, le principal intérêt de l'idée d'effet émergeant ou d'effet pervers est ici de rappeler que l'on ne peut pas conclure d'un résultat macro le sens des comportements micro. Ce n'est pas parce qu'une ville souffre d'une forte ségrégation raciale entre ses différents quartiers que l'on peut immédiatement en conclure que le racisme y est individuellement virulent. Les applications de ce principe sont nombreuses : ainsi, ce n'est pas parce que le public regarde une émission de télévision qu'il approuve forcément tout ce qui s'y dit... Certains commentateurs de la société française feraient bien de s'en souvenir.

C'est donc également le cas pour le vote. Le fait que les Français aient majoritairement choisi un candidat ne veut en aucun cas dire qu'ils ont voulu dire quelque chose de particulier, ou qu'ils approuvent l'ensemble du programme et des promesses de ce candidat. La question qui leur était posé était "qui voulez-vous comme Président ?". Il ne faut pas en tirer de conclusion plus générale que "53% des Français ont voté pour Nicolas Sarkozy".

En effet, les raisons qui ont poussé les individus à ce choix demeurent différentes d'un individu à l'autre, d'un groupe de votant à l'autre. Il n'y a pas eu un vote unanime des Français, cela on le savait (47% d'entre eux ont exprimé* - individuellement - une autre préférence), mais le vote "Sarkozy" lui-même ne doit pas être considéré comme unanime. Derrière ces 53%, il y a des millions de calculs individuels. Bien malin qui pourra dire pourquoi Sarkozy a été élu (certains ne se gênent pas pourtant).

On retombe sur un problème quasiment économique : j'ai un choix à faire parmi plusieurs produits, mais aucun ne satisfait l'ensemble de mes préférences, je vais donc sélectionner le produit qui se rapproche le plus de mes préférences, en en sacrifiant certaines. Ainsi, il est tout à fait envisageable que certains électeurs aient choisis l'actuel président bien qu'en désaccord avec sa position sur l'avenir de feu la constitution européenne. Cela n'est pas une erreur ou une incompréhension de leur part : c'est l'application de leur rationalité ! Même si on décide de rassembler et de typifier les différents comportements, on ne tombera pas sur un vote "Sarkozy" unanime, mais sur plusieurs votes, ayant des intentionnalités différentes. Dire que les Français ont voulu dire ceci ou ont accepté de ce fait cela, c'est forcer la réalité plus que de raison.

3. Le vote n'a pas d'intentionalité

Dès lors, ce qui se joue dans le champ politique après une élection n'est jamais qu'un conflit pour donner sens à la réalité du vote, pour en construire la réalité. Il s'agit pour les commentateurs et les hommes politiques eux-mêmes de construire et de faire vivre des groupes qui, à la base, n'ont pas de véritable réalité : l'électorat d'untel, le vote machin... Dans tous les cas, on assiste à des tentatives de transformation d'agrégats de comportement en entité qui auraient les mêmes propriétés que des individus, à commencer par l'intentionnalité. Or, il n'y a aucune raison pour que les groupes sociaux soient assimilables à des individualités, aient la même réalité que ceux-ci. Le vote est guidé au niveau individuel par une intention, un objectif. Cela n'est pas vrai pour le résultat agrégé. Si une intention apparait, c'est qu'elle est construite de façon quelque peu artificielle et fragile par différents acteurs en lutte.

Ces interprétations et constructions font bien sûr complètement parties du jeu politique normal, qui est en grande partie une guerre des mots et des façons de nommer - ce qui agit toujours, d'une façon ou d'une autre sur la réalité des choses. Mais il n'est pas bon de perdre de vue le côté artificiel et fragile de ces constructions. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit d'une bataille pour la légitimité, pour profiter des profits en terme de pouvoir que procure le prestige du vote. Il est des constructions sociales qui sont particulièrement résistantes. D'autres, comme ici, sont d'une incroyable fragilité : elles ne peuvent guère espérer survivre à la prochaine élection, où les électeurs, se replongeant dans leurs micro-calculs, feront tout voler en éclat. Il est même rarement utile d'attendre jusque là : la division de l'électorat se manifeste généralement beaucoup plus tôt, à l'occasion d'une décision ou d'une réforme mécontentant une partie de l'électorat que l'on voudrait unanime.

Il n'est donc pas très judicieux d'utiliser une intentionnalité factice pour justifier une prise de décision - la ratification par voie parlementaire - qui devrait être soumise au débat. Ces discours qui se réclament de l'onction électorale se présentent trop souvent comme un évitement du débat - les Français ont choisi, le débat a été mené, fin de l'histoire. Dès que l'on cesse de prêter aux électeurs des intentions qu'ils n'ont pas, on est obligé de tenir compte des débats et des messages qui peuvent être envoyés aux gouvernants par d'autres voies que le vote, bref, de refaire de la politique.

4. Lorsque la politique reprend ses droits

Les Français n'ont pas accepté le traité simplifié en votant pour Nicolas Sarkozy, pas plus qu'il n'ont accepté le principe d'une ratification parlementaire. Mais, de façon symétrique, ils n'ont pas non rejeté ces deux possibilités. Ils ne se sont tout simplement pas exprimés sur la question. Tout reste donc à faire pour les convaincre de l'une ou l'autre des options disponibles, pour leur expliquer laquelle est la meilleure, pourquoi il faut soutenir le choix des gouvernants ou au contraire s'y opposer. Bref, faire de la politique, c'est-à-dire débattre de choix. Sur ce plan, nos représentants et leurs opposants ont beaucoup de chemin à faire.

*Précisons d'ailleurs qu'il s'agit des personnes inscrites sur les listes électorales, ayant voté, et dont le vote a été valide, et non "les Français" dans leur généralité.

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