Pourquoi sommes-nous capitalistes (malgré nous) ? Dans la fabrique de l’homo oeconomicus

Alors, bon. Comment dire ? Je sais que le rythme de publication sur ce blog n'a pas été exactement... régulier depuis... on va dire depuis un certain temps. Mais c'est parce que j'ai été occupé ailleurs, et pas seulement à faire régner la justice dans les rues de Gotham. Non, c'est aussi parce que mon énergie a été accaparé par Metroid Dr... je veux dire par l'écriture d'un nouveau bouquin. Après Où va l'argent des pauvres, paru donc en janvier 2020 (vous savez, juste avant que tout se barre en cacahuètes), je suis très heureux de vous annoncer la parution en libraire le 12 janvier prochain de mon deuxième livre : Pourquoi sommes-nous capitalistes (malgré nous) ? (veuillez faire attention à la parenthèse, elle est importante), toujours chez Payot.
Sous-titré "Dans la fabrique de l’homo oeconomicus" (ce qui me vaudra sans doute un point Coulmont), ce nouvel ouvrage est en quelque sorte une continuation des réflexions engagées dans Où va l'argent des pauvres. Dans ce dernier, j'essayais d'analyser l'action économique, et notamment la consommation, dans les classes populaires en restituant les logiques spécifiques du calcul et de l'intérêt qui sont produites non par quelques inclinaisons individuelles mais bien par la position sociale et l'ensemble des dimensions de celle-ci. C'est cette ligne d'analyse que j'essaye de poursuivre ici, en généralisant la réflexion : il ne s'agit plus de se centrer sur une classe ou une fraction de classe particulière, mais plutôt de comprendre comment, sans toujours le vouloir, sans toujours d'ailleurs en être conscient, nous en venons si souvent à agir de telle sorte que le capitalisme, compris comme la quête infinie du profit, se perpétue. Le capitalisme, en effet, est un phénomène profondément paradoxal : d'une part, il est extrêmement facile à critiquer -- le plus souvent, en fait, il suffit d'en le décrire pour en montrer l'absurdité... ; d'autre part, il est également si puissant que nous ne parvenons pas à en sortir. Pour éclairer ce problème, je procède à une synthèse de nombreux travaux récents de sociologie économique, pas forcément connu du grand public mais qui gagneraient, sans doute, à être entendus. C'est du moins le projet de vulgaristion que je me suis donné ici.  
 
En voici le quatrième de couverture :
En un sens, ce livre est né de trois expériences.
 
La première, et la plus académique, est celle d'un enseignant (moi, essayez de suivre un peu) qui a souvent été amené à répété la fameuse remarque de Max Weber selon laquelle "le puritain voulait être un homme besogneux – et nous sommes forcés de l’être" (c'est dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, vous pouvez vérifier), jusqu'à venir à se demander ce que ça voulait dire. Weber décrit le capitalisme comme une "cage d'acier" (traduction contestée, mais bon, l'idée est là) qui nous impose certains comportements. Fort bien. Mais comment se passe cette imposition ? Quelles en sont les mécanismes ? La sociologie économique la plus contemporaine permet de répondre à ces questions. C'est ce que j'essaye de montrer. 
 
La seconde expérience à l'origine de ce livre réside dans certains entretiens réalisés dans le cadre de ma thèse, et notamment l'un d'eux, avec un jeune trader français installé à Londres. Celui-ci m'avait expliqué avec une grande conviction le caractère moral de son activité : c'était au moment de la crise grecque, et il n'avait aucun problème à y participer puisque, disait-il, les Grecs s'étaient gavés et qu'ils fallaient maintenant qu'ils payent... Il m'avait également présenté l'un des avantages de la vie londonienne comme étant le nombre de "nanas" qu'ils pouvaient y rencontrer, transposant en fait les dispositions économiques à l'accumulation aux rencontres amoureuses. Après des années à entendre répéter, aussi bien en sociologie qu'en économie, que l'homo oeconomicus n'existait pas, que ce n'était qu'une hypothèse bien peu réaliste, imaginez ma surprise de me retrouver en face d'un spécimen de celui-ci en chair et en os... "L'homo oeconomicus existe, je l'ai rencontré" aurait été un autre titre possible pour ce livre. Il s'agit non seulement de comprendre comment de tels comportements et de telles dispositions sont possibles, mais aussi comment nous sommes amenés, bien souvent, à nous comporter de cette façon-là, même "à l'insu de notre plein gré". 
 
La troisième expérience est celle de certaines réactions à mon livre précédent. Plusieurs lecteurs et lectrices m'ont dit que, bien que n'étant pas eux-mêmes et elles-mêmes pauvres, l'ouvrage les avait amené à réfléchir à la façon dont ils et elles consomment, achètent, épargnent, etc. Puisque la question semble intéresser un certain nombre de personne, j'ai pensé que cela valait le coup d'y concentrer un peu de temps. Comme dans le livre précédent, il s'agit moins pour moi d'apporter des réponses toutes faites, encore moins de construire un projet politique, que de donner des éléments de réflexions, des outils, des armes peut-être, à charge à chacun, ensuite, de savoir comment il ou elle voudra les utiliser. 
 
Le capitalisme a été un thème récurrent de mon activité de bloguer. J'espère, chers lecteurs, chères lectrices, parvenir à vous y intéresser sous la forme d'un livre. En attendant, bien sûr, la conclusion de la trilogie - sans doute avec des Ewoks dedans.

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