Allez,c'est dimanche, le moment idéal pour une petite chanson à teneur sociologique. Puisque la mode est au "film de traders", pourquoi ne pas s'intéresser à une petite évocation très poétique de l'anomie qui menace ces derniers ? Bon, il faut interpréter un peu, mais c'est tout le plaisir...
Je pense qu'il est intéressant d'écouter cette chanson en ayant en tête l'idée d'anomie chère à Durkheim, et en considérant que c'est d'un trader (ou de tout autre "travailleurs de la finance" selon l'expression consacrée) qui s'exprime. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, semble-t-il, à voir les choses de cette façon.
Les références à la finance ou tout au moins à un univers marchand sont nombreuses : évidemment, il est question de "filer vers le bénéfice" et d'une "nappe de pétrole", symbole de la richesse, mais aussi des signes extérieurs de richesse qu'affectionnent ces milieux là ("sapé comme un prince") ou au caractère international des activités menées ("sans pouvoir ni province"). On s'étonnera peut-être dans ce contexte de la proposition "sans pouvoir" : les évènements récents, le fameux "précipice" vers lequel on file pendant toute la chanson, ont contribué à diffuser l'idée que les travailleurs de la finance avaient un pouvoir excessif. Louise Attaque a bien compris que ce n'était pas le cas : c'est la finance qui a du pouvoir, pas les financiers. Rappelons que pour Marx, l'aliénation n'est pas réservée aux seuls prolétaires : parce qu'elle consiste à la soumission de l'homme à un principe extérieur (qui est en fait sa création, que ce soit dieu ou le capitalisme, ce qui fait que l'aliénation est d'abord une inversion dans laquelle le créateur devient créature), les capitalistes en sont tout autant victimes. Le trader dont toute l'existence est vouée à la seule accumulation de richesse, au point d'user sa santé ("difficile de se détendre de s'allonger") et son intelligence n'est pas moins aliéné que l'ouvrier qui perd sa vie à la gagner.
Le commentaire de la chanson va cependant encore plus loin : la recherche continuelle du profit, l'accumulation pour elle-même dont Max Weber fait la marque même du capitalisme, révèle finalement toute son absurdité. Elle s'empare de toute la vie de l'individu à tel point qu'il ne regarde plus le monde qu'avec un oeil marchand ("je vois la mer qui n'a pas de prix"). Mais c'est l'exténuation qui domine la chanson, tant dans les paroles que dans la musique : la poursuite du bénéfice ne peut trouver de satisfaction totale, l'individu se trouve donc sans normes, sans règles pour limiter quelque peu ses désirs infinis qui en viennent à englober l'univers entier : "ce qui brille prendre mes doigts, l'étoile du Sud, la panthère rose, etc.". Voici donc le travailleur moderne dans une situation d'anomie, confronté à une absence totale de limites sociales à ses désirs, et donc destinés à ne jamais pouvoir les assouvir. Durkheim aurait adoré.
D'ailleurs, Louise Attaque avait traité pratiquement le même thème sur leur premier album. La chanson s'appelait alors "Vous avez l'heure s'il vous plaît ?" et évoquait plutôt la spéculation immobilière ("Je suis là pour l'appartement, moi j'investis dans l'immobilier"). Mais l'insatisfaction, ou plutôt l'impossibilité d'être satisfait qui se traduisait par la répétition à plusieurs reprises de la même scènette (un procédé repris dans "Sean Penn Mitchum") était déjà là : "Et le sourire de dépression, ça c'est con, quand ça vous prend là, ça vous colle au corps, ça vous gratte partout, tout l'temps". Le dénouement de cette anomie était également très durkeimienne... Allez, on se l'écoute en live pour finir.
Les paroles
Sapé comme un prince
au moment idéal
fils, fonce
je file vers le bénéfice
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
Ma quête d'identité
(dans) ma tête difficile
de se détendre
de s'allonger
ce qui brille
prendra mes doigts
L'étoile du sud
la panthère rose
etc...
Sapé comme un prince
Maverick dans mes rêves
l'exemple unique
Sean Penn Mitchum
Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde
Sapé comme un prince
au moment idéal
fils, fonce
je file vers le bénéfice
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde
Assis sur une nappe de pétrole
il vaut cher
moi d'où je suis
sur mon banc assis
je vois la mer qui n'a pas de prix...
Assis sur une nappe de pétrole
il vaut cher
moi d'où je suis,
si mon banc décolle
il me libère
Sapé comme un prince
Maverick dans mes rêves
l'exemplaire l'unique
Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
d'où je suis
sur mon banc magique
ce qui brille prendra mes doigts
des tissus, des couleurs
des impressions
et tout autour
l'étoile du sud
de la musique etc.
Je pense qu'il est intéressant d'écouter cette chanson en ayant en tête l'idée d'anomie chère à Durkheim, et en considérant que c'est d'un trader (ou de tout autre "travailleurs de la finance" selon l'expression consacrée) qui s'exprime. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, semble-t-il, à voir les choses de cette façon.
Les références à la finance ou tout au moins à un univers marchand sont nombreuses : évidemment, il est question de "filer vers le bénéfice" et d'une "nappe de pétrole", symbole de la richesse, mais aussi des signes extérieurs de richesse qu'affectionnent ces milieux là ("sapé comme un prince") ou au caractère international des activités menées ("sans pouvoir ni province"). On s'étonnera peut-être dans ce contexte de la proposition "sans pouvoir" : les évènements récents, le fameux "précipice" vers lequel on file pendant toute la chanson, ont contribué à diffuser l'idée que les travailleurs de la finance avaient un pouvoir excessif. Louise Attaque a bien compris que ce n'était pas le cas : c'est la finance qui a du pouvoir, pas les financiers. Rappelons que pour Marx, l'aliénation n'est pas réservée aux seuls prolétaires : parce qu'elle consiste à la soumission de l'homme à un principe extérieur (qui est en fait sa création, que ce soit dieu ou le capitalisme, ce qui fait que l'aliénation est d'abord une inversion dans laquelle le créateur devient créature), les capitalistes en sont tout autant victimes. Le trader dont toute l'existence est vouée à la seule accumulation de richesse, au point d'user sa santé ("difficile de se détendre de s'allonger") et son intelligence n'est pas moins aliéné que l'ouvrier qui perd sa vie à la gagner.
Le commentaire de la chanson va cependant encore plus loin : la recherche continuelle du profit, l'accumulation pour elle-même dont Max Weber fait la marque même du capitalisme, révèle finalement toute son absurdité. Elle s'empare de toute la vie de l'individu à tel point qu'il ne regarde plus le monde qu'avec un oeil marchand ("je vois la mer qui n'a pas de prix"). Mais c'est l'exténuation qui domine la chanson, tant dans les paroles que dans la musique : la poursuite du bénéfice ne peut trouver de satisfaction totale, l'individu se trouve donc sans normes, sans règles pour limiter quelque peu ses désirs infinis qui en viennent à englober l'univers entier : "ce qui brille prendre mes doigts, l'étoile du Sud, la panthère rose, etc.". Voici donc le travailleur moderne dans une situation d'anomie, confronté à une absence totale de limites sociales à ses désirs, et donc destinés à ne jamais pouvoir les assouvir. Durkheim aurait adoré.
D'ailleurs, Louise Attaque avait traité pratiquement le même thème sur leur premier album. La chanson s'appelait alors "Vous avez l'heure s'il vous plaît ?" et évoquait plutôt la spéculation immobilière ("Je suis là pour l'appartement, moi j'investis dans l'immobilier"). Mais l'insatisfaction, ou plutôt l'impossibilité d'être satisfait qui se traduisait par la répétition à plusieurs reprises de la même scènette (un procédé repris dans "Sean Penn Mitchum") était déjà là : "Et le sourire de dépression, ça c'est con, quand ça vous prend là, ça vous colle au corps, ça vous gratte partout, tout l'temps". Le dénouement de cette anomie était également très durkeimienne... Allez, on se l'écoute en live pour finir.
Les paroles
Sapé comme un prince
au moment idéal
fils, fonce
je file vers le bénéfice
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
Ma quête d'identité
(dans) ma tête difficile
de se détendre
de s'allonger
ce qui brille
prendra mes doigts
L'étoile du sud
la panthère rose
etc...
Sapé comme un prince
Maverick dans mes rêves
l'exemple unique
Sean Penn Mitchum
Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde
Sapé comme un prince
au moment idéal
fils, fonce
je file vers le bénéfice
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde
Assis sur une nappe de pétrole
il vaut cher
moi d'où je suis
sur mon banc assis
je vois la mer qui n'a pas de prix...
Assis sur une nappe de pétrole
il vaut cher
moi d'où je suis,
si mon banc décolle
il me libère
Sapé comme un prince
Maverick dans mes rêves
l'exemplaire l'unique
Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
d'où je suis
sur mon banc magique
ce qui brille prendra mes doigts
des tissus, des couleurs
des impressions
et tout autour
l'étoile du sud
de la musique etc.
2 commentaires:
C'est intéressant, et c'est vrai que Louise Attaque avait, disons, des paroles. Mais mon dieu comme c'est dur d'imaginer que c'est ce même Gaëtan Roussel qui chante aujourd'hui "Help myself", comme s'il était à son tour tombé dans le système.
Tout à fait d'accord. Le titre de sa chanson est d'ailleurs assez clair...
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