Peut-on gagner une bataille idéologique ?

« La droite affirme avoir gagné la bataille idéologique » nous dit le Monde, reprenant des propos du premier ministre François Fillon. La cause de cette victoire ? L’état actuel de la gauche sans doute. Mais au fait, ça veut dire quoi « gagner la bataille idéologique ».


Si on s’en tient aux propos de François Fillon, tels qu’ils sont rapportés par le Monde, les choses sont assez claires : la droite a gagné la bataille idéologique parce que ses idées sont désormais partagées par au moins une majorité de français.

"Nous sortons du relativisme culturel et moral que la gauche française des années 1980 avait diffusé dans le pays", s'est-il encore réjoui le 26 juin, en se vantant de réhabiliter "des vertus qui avaient été négligées, parfois même ridiculisées : la réussite, le respect ou la responsabilité".

[…] quarante ans après Mai 68, le premier ministre est persuadé que "la France a changé de cap, de culture, de valeurs et de politique".

On ne peut qu’être étonné de la violence du changement décrit : avant, une France relativiste et paresseuse, maintenant, une France qui fait l’apologie de la réussite et de la responsabilité individuelle. Et à peine quelques mois entre les deux... Evidemment, comme dirait l’autre, plus c’est gros, plus ça passe. Personne ne peut être dupe en la matière, à part peut-être quelques militants irrécupérables : il n’y a pas eu de changements majeurs dans la culture politique de ce pays. La meilleure preuve en reste sûrement que l’étatisme, au sens de survalorisation de l’Etat dans le devenir du pays, demeure on ne peut plus fort, avec un président et un gouvernement qui se posent sans cesse en acteurs de toute transformation. Rien de neuf sous le soleil : gauche comme droite jouent sur cette corde.

Mais alors qu’est-ce qui peut donner cette impression à une partie de la droite d’avoir gagné une bataille ? Le changement est plus subtil, moins profond qu’on ne nous le décrit. Pour le comprendre, il faut se demander ce qu’est la bataille idéologique, et ce que peut signifier le fait de la gagner.

La politique est, comme le rappelle très justement Bourdieu, avant tout une affaire de mots, et le langage politique est avant tout un langage performatif. Il faut entendre par là le fait que le discours politique contribue à construire la réalité qu’il entend décrire. Non pas que les problèmes ou les thèmes auxquels il s’intéresse n’existe pas sans lui, mais ils n’existent pas en tant que « politique ». Pendant longtemps, les « jeunes de banlieues » n’étaient ni des objets, ni des acteurs politiques : leurs problèmes et ceux qu’ils posent ne faisaient pas l’objet d’une lecture politique. Ce n’est que progressivement, avec, en particulier, des événements comme les premières émeutes urbaines au début des années 80 et la Marche des Beurs, que cette thématique va se politiser. Par le langage, par la reprise de certaines catégories, à commencer par celle de « beur » dans les médias et les discours politiques, ils vont peu à peu exister politiquement, même si leur représentation fait toujours défaut.

Ces mots qui font la politique sont évidemment objet de lutte et d’affrontement, ce qui fait que la politique est avant tout une lutte de mot, pour faire exister certains problèmes et les instituer comme éléments incontournables du débat. Voilà donc notre bataille idéologique. Son enjeu : parvenir à imposer ses catégories de penser, ses « problèmes », comme catégories du débat public. La pauvreté et l’exclusion n’ont pas été d’entrée de jeu un objet politique : la « question sociale » est apparue au XIXe siècle, et s’est longuement transformée depuis.

Lorsqu’un thème parvient à se politiser (ou, pour le dire mieux, à être politisé par un ensemble d’acteurs), il s’impose de fait à tous les autres acteurs politiques, qui se doivent d’avoir un avis dessus, de construire des solutions ou de s’y opposer le cas échéant. L’écologie fournit ici un cas d’école : de préoccupation marginale, l’environnement s’est très progressivement imposé dans le débat comme une catégorie de pensée incontournable. Les Verts peuvent s’estimer d’autant plus victorieux qu’ils ont des difficultés : s’ils ne parviennent plus à se définir seulement par rapport à cette identité d’écologiste, c’est en grande partie parce qu’ils sont parvenus à imposer ce thème à tous. Reconnaissons cependant qu’ils n’ont pas été seuls : des associations, des médias et surtout des scientifiques ont également longuement travailler dans ce sens.

Pourtant, on voit assez peu les Verts déclarer à cor et à cri « nous avons gagné la bataille idéologique ! nous avons gagné la bataille idéologique ! ». Evidemment, leur situation politique actuelle prête peu aux moments d’autosatisfaction. Mais surtout, si le thème s’est diffusé à tous les acteurs politiques, il a également échappé à ses promoteurs initiaux. Les écologistes de la première ne regardent pas d’un très bon œil les positions des acteurs politiques plus modérées, soupçonnées d’être moins sincères ou de vouloir trop ménager d’autres intérêts. Cela nous indique que gagner une bataille idéologique n’est pas facile, tant l’introduction d’un thème ou d’une problématique peut faire l’objet de réinterprétations, relectures et autres transformations par les autres acteurs, que ceux-ci soit éloignés ou proches. Ce qui veut dire que la bataille idéologique ne finit jamais : il se poursuit encore et encore, parce que les mots qui font et qui sont la politique sont toujours polysémiques, et que les façons de se situer par rapport à ces mots sont toujours diverses.

Alors, victoire ou pas victoire pour le gouvernement ? Pour y répondre, il faut faire appel à la notion d’agenda politique. Les thématiques et problématiques qui font l’objets de discussions et de débats politiques sont hiérarchisés et organisés par un ensemble d’acteurs : la presse et l’ensemble des médias, les hommes politiques et leurs partis, les différentes associations qui peuvent intervenir, etc. Cet agenda politique, qui indique ce qui sera ou non traité, ce qui fera ou non l’objet d’une activité politique, ce à quoi il faut penser plus que ce qu’il faut penser, fait l’objet de luttes et d’affrontements. La presse en est l’artisan essentiel, mais ne le construit qu’en interaction avec les autres acteurs. Lorsque les Enfants de Don Quichotte plantent leurs tentes sur le Canal Saint-Martin, ils arrivent à imposer, par le biais d’une presse à la recherche d’informations marquantes, le thème des SDF sur l’agenda politique à un moment difficile.

Il en va de même lorsque Nicolas Sarkozy prononce un long discours sur Mai 68 en affirmant qu’il faut en « liquider » l’héritage : il parvient, toujours par le biais de médias qui y voient une magnifique occasion d’organiser des débats aussi houleux que stériles sur le thème, à imposer cette question sur l’agenda. Voilà les autres acteurs politiques obligés de se positionner par rapport à Mai 68 (ce qui paradoxalement donne une portée plus importante que nécessaire à cet événement). Lorsqu’il parle de « travailler plus pour gagner plus », il fait également revenir la question du travail contre celle du chômage. Les « petites phrases » des hommes politiques sont certes pénibles, mais elles participent pleinement de l’activité politique, étant donné, bien sûr, la structure des médias.

Sur ce plan, on peut considérer que la droite a bien rapporté une victoire : elle est parvenu à imposer certains thèmes, certaines questions, comme des éléments incontournables du débat public français. Que l’on pense par exemple à la question de l’identité nationale, que Ségolène Royal essaya de suivre pendant la campagne présidentielle en reprenant les « symboles républicains ». La discussion politique se fait aujourd’hui sur des thèmes qui sont donnés par la droite, la gauche, que ce soit celle de gouvernement ou celle plus radicale, ne fait finalement que discuter et réagir à ce qui lui est donné par le camp adverse. Elle n’a pas, ou plus, l’initiative et peine à faire rentrer de nouveaux thèmes en discussion. En cause, ses propres errements idéologiques, liés, en partie, à des difficultés du côté des militants, l’ancrage populaire de ces derniers étant de plus en plus problématiques (au moins pour le Parti Socialiste).

Mais cette victoire, avantage certes important, n’en est pas vraiment une, ou du moins ne signe-t-elle pas l’issue de la « bataille idéologique ». Cette issue signifierait la fin des hostilités, ce qui correspondrait, dans le cas présent, à la fin de la politique, celle-ci n’étant finalement rien d’autre que cette fameuse « bataille idéologique ». Les débats, discussions, et luttes continuent, simplement parce que le conflit est consubstantiel à la politique – le conflit n’étant pas, sociologiquement parlant, quelque chose négatif, comme certains affectent de le croire. La remarque de François Fillon, « Nos idées et nos principes sont acceptés par les Français » devrait plutôt être : « Nos idées et nos principes sont acceptés pour discussion » Le thème du service minimum est certes parvenu à s’imposer, mais il fait et fera encore l’objet de longues discussions, remises en causes et autres oppositions. Sur l’éducation, il est difficile de croire que tout est joué : il est possible que les stratégies syndicales se modifient, mais il n’y aura pas pour autant un accord unanime dans la population française sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire. Les guerres scolaires ont encore de beaux jours devant elles.

Cela n’est pas vrai seulement pour les autres acteurs politiques en tant que tels : il est évident qu’un accord entre droite et gauche n’est pas pour demain (même si cela peut arriver sur certains thèmes et pour certaines franges des deux camps). C’est aussi le cas, à n’en pas douter, pour l’ensemble de la population : la France n’est pas plus un pays « de droite » qu’elle ne l’était hier, pas plus qu’elle n’est un pays véritablement « de gauche ». Les oppositions idéologiques au sein même de la population demeurent fortes. Le terme « pouvoir d’achat » permet certes d’éviter de parler en terme de salaire, mais cela ne veut pas dire pour autant que la répartition des richesses ou la redistribution des revenus ne soient plus des questions clivantes. Le gouvernement semble avoir poursuivi une tendance progressiste en terme de politique de la famille, mais il suffirait que la question du droit d’adoption pour les homosexuels ressurgisse pour que la victoire idéologique vacille sur ses bases. Bref, si pour l’instant le débat public français semble incroyablement consensuel, c’est peut être plus parce que les « questions qui fâchent » ne sont pas ou peu abordé, que par victoire idéologique d’un camp ou même qu’à cause du marasme d’un autre.

D’ailleurs, il serait dangereux pour quelque camp que ce soit de se satisfaire d’un manque de conflits ou d’oppositions. Car le conflit n’est jamais que l’expression, une parmi d’autre, d’un lien : être en conflit, c’est au moins être en accord sur les raisons de se battre et les moyens de se battre. Il n’existe pas de conflit construit entre les « jeunes de banlieue » et le reste de la population (urbaine ou nationale), et c’est là une des causes centrales des explosions de violence émeutière. La morosité du débat public français devrait plutôt s’interpréter comme une situation potentiellement explosive, une poudrière de tensions qui ne s’expriment pas ou trop peu. Le PS a sa part de responsabilité dans l’affaire : son embourbement empêche toute une part de la population d’accéder à un discours d’opposition construit.

Au final, à la question titre « peut-on gagner une bataille idéologique ? », la réponse est bien évidemment : non. Du moins si on veut rester en démocratie, une bonne vieille dictature ne s’encombrant pas de ces problèmes. La bataille idéologique est en effet le propre de l’activité politique, et la société nationale n’est jamais qu’un patchwork de sensibilités, de positionnements et d’appartenances. La droite au gouvernement a certes acquis un avantage important, puisque finalement c’est elle qui donne le ton du débat, avantage qui doit plus aux difficultés de la gauche qu’à ses propres qualités. Mais la victoire idéologique n’est qu’apparente et limité à la sphère très particulière du débat public. Conclusion sans surprise : la gauche pourrait rattraper son retard. J’ai dit « pourrais ».

Deux notes dans la journée, vous êtes gâté avant les vacances, non ?

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A propos de l'utilité des sciences sociales

J'évoquais dans le dernier billet la question de l'utilité des sciences sociales, en soulignant qu'on ne pouvait pas la limiter à l'utilité économique. Or, je viens de finir Pays de malheur !, de Stéphane Beaud et Younes Amrani, long témoignage de ce dernier, "jeune de banlieue", sur sa trajectoire sociale. Un texte brut, qui éclaire beaucoup sur la façon de travailler des sociologues et sur la réflexivité des individus, au moins autant que sur le rôle du quartier comme ressources et contraintes. A la fin de son témoignage, Younes Amrani écrit :


"Après avoir écrit toutes ces lignes, que faut-il ajouter ? La signification de ce travail pour moi ? Quelle utilité cela peut-il avoir ? Pourquoi m'être dévoilé à ce point ? Un seul mot me vient en tête : comprendre... Cela fait des années que je sais que tout est grillé pour nous [les jeunes des quartiers difficiles]... Alors il ne nous reste plus qu'à comprendre. Comprendre comment on en est arrivé là. Pourquoi tant de jeunes se sont démolis ? Pourquoi tant de familles sont déchirées ? Pourquoi tant de vies sont boussilées ?"

Puis, à la toute fin :

"Je n'ai aucune leçon à donner, aucune morale à faire, personne à blâmer. Je veux simplement comprendre, faire comprendre une chose : comment on en est arrivé là."
Voilà donc un exemple d'utilité très importante des sciences sociales : permettre aux individus de mieux comprendre leur propre trajectoire, de mieux saisir ce qu'il leur est arrivé et pourquoi cela leur est arrivé. La reflexivité, capacité à se regarder agir et à chercher à comprendre son action, est l'une des caractéristiques de notre modernité. La sociologie en constitue l'un des moyens essentiels de ce retour sur soi et sur son action. On peut aussi penser à cette justification de la sociologie que Robert Castel, lorsqu'il écrit :

"L'objectif principal, ou tout du moins un des objectifs principaux de la sociologie, serait de comprendre et de prendre en charge ce qui pose problème aux gens, c'est-à-dire aux non-spécialistes, au vulgum pecus" [1]

Point de vue sans doute extrème - la sociologie doit pouvoir s'intéresser aussi bien à ce qui pose problème qu'à ce qui ne pose pas problème, un problème scientifique n'étant pas la même chose qu'un "problème social" - mais qui a le mérite de souligner que la sociologie se doit de s'adresser à tous, et de se diffuser le plus largement possible. Robert Castel ajoute d'ailleurs :

"Nos spéculations n'ont d'autres significations que de prendre en charge ces problèmes qui sont la trame de la vie des sujets sociaux pour essayer de les rendre intelligibles et éventuellement pour éclairer les décideurs comme on dit aujourd'hui" [1]


On retrouve là une idée bien durkheimienne, même dans le choix du vocabulaire - le terme "spéculation" n'est pas là par hasard - selon laquelle la sociologie et les sociologues doivent se préoccuper de leur utilité, ce que font déjà les autres scientifiques, même s'ils se justifient sans doute différemment. Mais il n'y a pas de raison que cette utilité se fasse seulement au niveau des décideurs ou des politiques publiques, mais également au niveau individuel, de celui qui cherche à comprendre ce qui lui arrive. C'est dans cette perspective que l'on peut lire Pays de malheur !, une excellente lecture d'été pour ceux que ça intéresse.

Vous venez de lire la première note de lecture de Une heure de peine, ou du moins ce qui s'en rapproche le plus. Je n'ai pas envie de faire des résumés ou des fiches de lecture sur mon blog, mais plutôt de donner quelques clefs de lecture ou quelques commentaires. Il y en aura peut-être d'autres à l'avenir. Pour l'instant, le blog va prendre quelques vacances, étant donné que je ne suis pas sûr d'avoir accès à Internet pendant quelques temps. Mais bon, je ne suis pas le premier.

[1] Robert Castel, "La sociologie et la réponse à la demande sociale", in Bernard Lahire (dir.), A quoi sert la sociologie ?, 2004

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A quoi servent les sciences sociales ?

Trois rapports en deux semaines sur les SES, c’est déjà deux de trop. J’avoue me fatiguer moi aussi de cette polémique. Aussi je suis gré à Pierre Maura d’avoir frappé le premier cette fois, à propos du rapport de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, ce qui m’épargnera cette peine. Je n’ai jamais aimé les académies en général – comme Samuelson, je pense que « funeral by funeral, theory advances » – et je ne suis visiblement pas prêt de changer d’avis. Une seule remarque, donc : ce rapport, toujours sous la houlette d’Yvon Gattaz, critique l’objectif de formation du citoyen pour les SES. Et là, il y a un problème énorme : proposer, comme il est fait, de se limiter à un apprentissage technique, c’est simplement échouer à comprendre l’utilité des sciences sociales, qu’il s’agisse de l’économie ou de la sociologie. Petite mise au point.




A quoi servent les sciences ? La question n’est que trop rarement posée. Les modes d’évaluation de l’utilité d’une science ou d’un savoir scientifique sont extrêmement variables, en fonction des personnes et des groupes. On peut en valoriser les applications économiques (en termes de création de richesses, de bien-être, etc.), les conséquences philosophiques (implications en terme de justice, d’éthique, d’humanisme, etc.) ou encore les avancées en terme de connaissance pure. C’est souvent ce dernier critère qui est retenu par les scientifiques eux-mêmes : leur pratique est d’abord utile parce qu’elle permet de mieux connaître un ou des phénomènes. Les applications ou connaissances sont intéressantes, mais ne font pas le fond de la pratique scientifique qui, dans une version idéale, ne poursuit rien d’autre que la vérité (il est évident que la réalité est plus complexe, on y viendra).

Ce premier point est important : un scientifique, qu’il travaille dans les sciences de la nature ou dans les sciences sociales, doit être libre de toute recherche indépendamment d’un jugement a priori sur l’utilité de ses travaux. Son travail ne serra utile qu’à la condition qu’il ait pu être produit en toute indépendance, parce que c’est la condition de sa qualité scientifique. Comme le disait Bachelard, la science n’est pas vraie parce que utile, mais utile parce que vraie (dans la limite de l’acceptation de ce qu’est une vérité scientifique, bien entendu). Activité par essence risquée, la science n’aurait pas autant avancée si le démon de la connaissance avait cédé le pas à celui de l’utilité immédiate.

Mais, bien sûr, répondre à la question « à quoi sert l’activité scientifique ? » par un simple « à rien sauf à la science » n’est pas satisfaisant. Si la science sert avant tout un objectif de connaissance, il n’y a pas de raison de penser qu’elle ne doive servir qu’à cela, et il est important pour tout scientifique de s’interroger sur le devenir de ses recherches, certains mettant même leur recherche au service d’une cause bien précise (qu’il s’agisse d’un chercheur qui se lance dans la recherche appliqué ou de celui qui veut simplement servir. La question « à quoi ça sert ? » est souvent irritante pour les chercheurs – comme elle le serait, d’ailleurs, pour beaucoup d’autres professions – mais elle mérite une réponse sérieuse.

En la matière, les sciences mathématiques et celles de la nature peuvent avancer une réponse relativement simple : le progrès scientifique est ce qui permet le progrès technologique, donc, pour une part au moins, une certaine amélioration des conditions de vie. Ce point est soutenu par les nombreux économistes qui mettent en avant le rôle des innovations majeures et de la recherche et développement dans le processus de croissance et d’amélioration du bien-être. Cette utilité se manifeste alors très concrètement, et de façon quantifiable, par les brevets que permettent de déposer les recherches scientifiques dans ces domaines.

Les sciences sociales ne peuvent se prévaloir de quelque chose de semblable. Il est bien rare qu’elles donnent lieu à des dépôts de brevets. Leur utilisation en tant que « technologie sociale » - c’est-à-dire pour la conception de pratiques particulières d’action sur les individus (politiques publiques, organisations, actions collectives, etc.) – ne doit pas être ignorée ni minoré, mais elle ne concerne que quelques recherches bien précises. La sociologie des organisations ou l’économie de l’entreprise disent des choses tout à fait importantes pour celui qui voudrait améliorer le fonctionnement de son entreprise ou de son administration, mais limiter l’utilité des sciences sociales serait avoir une vue bien étroite du problème. Ce serait ramener l’utilité d’un savoir à sa seule composante économique – en tant qu’allocation des ressources rares – qui, aussi importante soit-elle, n’a aucune raison d’être la seule prise en considération.

En effet, les sciences sociales ont bien d’autres utilités. Comme toute science, elles ont pour conséquence une action de transformation du monde. Mais cette transformation n’a pas seulement lieu dans la technologie sociale, mais aussi par la diffusion des résultats de la science dans la société. C’est en effet à ce moment-là que les acteurs se les réapproprient et leur donnent sens en fonction de leurs situations. D’une façon générales, les sciences sociales sont utiles parce que les acteurs s’en servent, et ils s’en servent de façons diverses et difficilement contrôlables. On peut certes penser au militant qui utilise Bourdieu comme argument de mobilisation, mais aussi, pourquoi pas, au père de famille qui utilise Bourdieu pour faire acquérir à son enfant un habitus à même de satisfaire ses désirs d’ascension sociale (ce dernier exemple est inspiré d’une mienne connaissance).

Autrement dit, les sciences sociales se justifient, du point de vue de leur utilité sociale, non pas dans les brevets qu’elles peuvent susciter mais dans la diffusion de leurs résultats et leur réappropriation à des fins diverses par des acteurs. Pour le dire de façon simple, vous n’avez pas besoin de connaître la physique pour pouvoir monter dans un avion, mais vous avez besoin de connaître la sociologie et l’économie pour que ces sciences soient utiles. Le changement est moins radical que celui d’une innovation technologique de grande ampleur, mais il n’en est pas moins réel. Par exemple, le principe des avantages comparatifs en économie – qui explique, entre autre chose, pourquoi les pays se spécialisent et échangent entre eux – n’est pas seulement intéressant parce qu’il peut susciter des politiques économiques particulières (la levée des protectionnismes), mais surtout parce qu’il permet à chacun d’aller contre certains préjugés, ici, contre le biais mercantiliste qui nous fait penser qu’il faut vendre un maximum et acheter un minimum pour s’enrichir. La diffusion de la compréhension de ce principe dans la population est de nature à changer beaucoup de débats et de pratiques.

C’est que les sciences sociales, et au premier rang la sociologie et l’économie, sont par essence des activités critiques, dans le sens où elles refusent tout dogmatisme. C’est là un point très largement ignoré de ceux qui veulent séparer les objectifs de formation intellectuelle et de formation du citoyen. Pratiquer les sciences sociales, c’est avant tout remettre en cause toute proposition avancée de façon un peu trop évidente : les délocalisations sont sources de chômage ? Ce n’est pas évident … les jeunes sont de plus en plus violents ? pas vraiment, non… Cela ne veut pas dire que les sciences sociales vont systématiquement contre le « sens commun », mais simplement qu’elle ne l’accepte qu’après examen attentif. Il peut arriver que « ce que tout le monde sait » soit vrai, mais comme cela n’est pas automatique, il est nécessaire de le vérifier. Les sciences sociales n’ont de sens que lorsqu’on les applique au monde qui nous entoure pour le comprendre, que ce soit dans ses dimensions individuelles (utiliser la sociologie de Kaufman pour comprendre ce qui ne va pas dans son couple) ou collectives (utiliser la sociologie urbaine pour comprendre les « quartiers difficiles »).

De ce point de vue, il est nécessaire d’enseigner les sciences sociales sans les couper de cet aspect fondamental de leur utilité, et ce d’autant plus que c’est souvent un puissant guide pour l’avancée de la recherche. Présenter les sciences sociales comme une pure technique coupée de toute autre considération, ce n’est pas seulement prendre le risque, déjà immense, de démotiver les élèves, c’est surtout se tromper complètement sur la nature des sciences sociales et, même d’une façon plus générale, de la science. Il ne s’agit pas d’une pure technique, de quelques outils ou de « fondamentaux », mais bien d’une pratique vivante où les techniques, les outils et les connaissances prennent sens (et même, selon Passeron, évoluent) dans la confrontation avec le monde empirique. Si les sciences sociales sont par essence critiques, elles ne peuvent s’enseigner de façon autonome de la formation du citoyen, lui-même esprit critique, c’est-à-dire sujet actif capable de se poser des questions et de n’accepter une proposition qu’après réflexion. Sans cela, on ne propose pas seulement une science « édulcorée » mais aussi une caricature de la science tout court.


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Rapport Guesnerie : l'ont-ils lu ?

"Une attaque en règle" selon Le Monde, "un rapport très critique", voire "accablant" pour les Echos... Voilà comment est présenté le récent Rapport Guesnerie sur les Sciences économiques et sociales au lycée. Les articles sont à l'avenant : à écouter ces quotidiens, le rapport brosserait un tableau bien noir des SES. Se pose alors une question grave : les journalistes l'ont-ils lu ?


Il faut bien croire que non, ou alors avec d'épaisses oeillères. Le rapport est, pour le dire simplement, globalement positif, ce que ne traduisent absolument pas les articles cités. Le mieux est encore de le lire soi-même : il est assez court, de l'ordre d'une trentaine de page pour la partie principale (cliquez ici). Les journalistes ont maintenu une lecture de l'évènement en cohérence avec le traitement précédent de la polémique : la virulence des critiques de certaines organisations de promotion des entreprises a amené les journalistes à lire les remarques du rapport comme une simple continuation de celles-ci. Or, c'est là une erreur grave : comme nous allons le voir, les critiques se placent dans un tout autre registre.

Il faut commencer par souligner, ce qui a rarement été fait, que le rapport Guesnerie affirme l'utilité des sciences économiques et sociales en tant que telles, c'est-à-dire de l'enseignement de l'économie dans ce cadre particulier (avec la sociologie) à destination des élèves de la filière générale. Tout commence d'ailleurs par un bilan plutôt positif des SES et de la filière ES, au plus loin des critiques patronales et ministérielles : forte progression des effectifs en filière ES, orientation cohérente des bacheliers de cette filière, ce qui témoigne de leur intérêt, souligné par ailleurs, pour la discipline centrale, réussite satisfaisante dans l'enseignement supérieur. Ce rapport a déjà cela de rassurant qu'il ne semble prédire ni la suppression des SES ni leur fusion avec STG. Mon éloge passée n'aura peut-être pas à être funèbre. En témoigne ce passage qui ouvre les préconisations :

Les sciences sociales constituent ce que certains ont nommé une "troisième culture", à côté des sciences dites "dures" ou "exactes" d’une part, des lettres et sciences humaines d’autre part. À ce titre, tout comme ces deux autres cultures, elles sont un pilier fondamental de la formation du citoyen dans notre monde contemporain. Cette troisième culture repose sur un ensemble de connaissances et compétences rigoureuses dont doivent être dotés les élèves pour pouvoir décrypter le monde économique et social. Si l’enseignement des SES participe – au même titre que tous les autres enseignements – à la formation citoyenne, il poursuit un objectif qui lui est spécifique : former les élèves aux connaissances et compétences propres à l’économie et à la sociologie (pour ne prendre que les deux disciplines de base de cet enseignement) afin de les préparer à la poursuite d’études supérieures dans un large spectre< de cursus où sont présentes ces disciplines (filières économie et gestion, AES, et sciences humaines et sociales à l’Université, classes préparatoires économiques et commerciales, classes préparatoires B/L, IEP, IUT et BTS tertiaires). [Souligné par moi]


Outre l'insistance sur la nécessité d'enseigner les sciences sociales, en tant que troisième culture (sans se limiter, donc, à l'économie), cet extrait souligne aussi - comme d'autres passages du rapport - que l'enseignement de SES est en tension entre deux objectifs : la formation du citoyen d'une part, la formation disciplinaire d'autre part (comme l'a très bien dit C.H. sur son blog). Cette tension tient à la fois à des raisons historiques - les SES se sont constitués en référence à l'objectif de citoyenneté - et thématiques - les sciences sociales s'intéressent à des objets qui sont aussi saisis par les journalistes, les hommes politiques, etc. bref par la Cité.

Le bilan et les préconisations du rapport s'appuient d'ailleurs d'une façon générale sur cette tension : pour résumer rapidement, la commission Guesnerie estime que l'objectif de formation du citoyen a été privilégié de façon excessive et qu'il convient, en quelque sorte de rééquilibrer en réaffirmant l'ancrage disciplinaire des SES et l'apprentissage des disciplines proprement dites (modes de raisonnement, méthodes, outils théoriques et techniques, etc.) :

De manière générale, les programmes de SES au lycée donnent l’impression qu’un enseignement de "problèmes politiques, économiques et sociaux contemporains" est dispensé aux élèves, plutôt qu’un enseignement de sciences sociales visant à leur faire acquérir les fondamentaux de l’économie et de la sociologie.

Ainsi les thèmes traités apparaissent trop comme des "débats de société" et insuffisamment comme des questions de connaissance :

Aussi, les nouveaux programmes devront définir de façon précise de thèmes bien circonscrits (par ex. le commerce international) plutôt que des grands thèmes d’actualité (la mondialisation). Il vaut mieux avoir des savoirs solides dans un champ restreint plutôt que des opinions aux fondements fragiles sur un vaste domaine. La démarche scientifique – pour les sciences sociales comme pour les autres sciences – est une école de modestie.

On peut être en accord ou non avec ce bilan - je dois dire que je trouve certains points sévères, surtout lorsqu'il s'agit de juger les manuels - mais au moins il n'est pas complètement à côté de la plaque comme les critiques précédentes. Voilà une base un peu plus saine de discussion pour les enseignants et tout ceux qui ont à coeur de transmettre les sciences sociales.

Pourtant, me dira-t-on, certains points ressemblent bel et bien aux critiques entrepreunariales : les articles de presse se sont régalés de cette qualification de la sociologie comme "souvent trop abstraite, trop déterministe et trop compassionnelle". Effectivement, on peut y voir une proximité avec certaines des critiques précédemment exprimées, comme celles de Jeunesse et Entreprises sur la "négativité" de la sociologie. Mais cette proximité s'envole dès que l'on prend la peine de lire l'ensemble du rapport et de la section attenante :

Les chapitres sociologiques du programme prêtent le flanc à deux tentations regrettables. La première est de donner à croire que l’objectif majeur ou unique de l’analyse est d’ordre critique et démystificateur, alors que les outils sociologiques visent à décrire et analyser les situations sociales d’une manière qui peut aussi bien ouvrir à des postures intellectuelles critiques qu’à des démarches d’aide à l’action organisationnelle par exemple. La seconde tentation est de se centrer beaucoup trop sur les problèmes sociaux contemporains (nouvelles pauvretés, renouveau et aggravation des inégalités scolaires, etc.), ce qui conduit certains manuels à les aborder dans les termes du vocabulaire médiatique, sans l’effort premier de réélaboration rigoureuse des concepts permettant d’identifier les termes analytiques du problème.
La critique est bien scientifique : il ne faut pas assimiler la sociologie ni à un seul projet - celui démystificateur de la sociologie critique, même si celui-ci a toute sa place - ni à un discours sur les problèmes sociaux. On retrouve ici la distinction entre un problème social et un problème sociologique : pour le sociologue, le crime est autant un problème que l'absence de crime, les deux étant des comportements à expliquer.

De même, qualifier la sociologie faite dans les programmes et manuels de SES d' "abstraite" ne revient pas à demander un traitement athéorique comme on pourrait le penser avec une lecture trop rapide. Il s'agit au contraire de renforcer l'utilisation des théories et des grilles de lecture sociologiques sur des thèmes mieux délimités et en évitant toute tentation de journalisme. Là encore, les critiques habituelles des SES ne se retrouvent pas dans ce rapport. On se demande d'ailleurs pourquoi Les Echos classe l'aspect "théorique" parmi les défauts des SES soulignés par le rapport, alors que celui-ci insiste de long en large sur la nécessité des théories, des modèles, de l'approche disciplinaire, etc.

On peut dire la même chose des remarques sur la place de l'entreprise. Le rapport écrit ainsi que cette dernière "est insuffisamment appréhendée comme un acteur microéconomique, soumis à des contraintes fortes et devant faire des choix dont dépend sa survie". Ce serait une erreur d'interpréter ce passage comme la continuation des critiques de Positive Entreprise et consorts. La proposition est parfaitement acceptable d'un point de vue microéconomique : il ne s'agit pas de tomber dans une apologie de l'entrepreneur courageux faisant des choix difficiles, mais d'analyser d'un point de vue économique comment se font ces choix. Il s'agit bien d'appréhender un acteur économique dans un cadre théorique précis, de comprendre un modèle microéconomique, bref de faire de la science économique.

Certes, certains passages maladroits laissent planer les doutes sur une tentation "bisounoursante" de l'enseignement des SES. Les journalistes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, privilégiant ces quelques passages au détriment de tout le reste : "l’excès de sinistrose", évoqué rapidement à propos des manuels, a fait florès. On peut y voir sans mal la marque de Michel Pebereau, président de l'Institut de l'entreprise, et membre de la commission. Ces quelques passages expliquent en partie l'interprétation excessivement négative qu'en ont fait les journalistes. Dans le doute, j'essaye de me convaincre qu'il s'agit avant tout d'une erreur de communication.

Pour le reste, il est incontestable que le rapport développe des critiques vis-à-vis des SES. Mais ces critiques tendent plutôt vers un toilettage des programmes - que l'on voudrait moins lourds et plus clairs en termes de contenus, objectif qui ne devrait pas déplaire aux enseignants - que vers une remise en cause ou une révolution de l'enseignement de l'économie en France. Ce qui n'est guère évident à la lecture des comptes-rendus de la presse. D'ailleurs, la plupart des points abordés par ce rapport sont déjà en débat, depuis plus ou moins longtemps, parmi les professeurs de SES : place de la microéconomie, des théories et des disciplines, tension entre formation du citoyen, apprentissage des disciplines et préparation aux études supérieures, place des objets... Même si on ne partage pas toutes les propositions formulées, il s'agit d'une base de discussion argumentée, nuancée et finalement recevable - ce que n'étaient pas les précédentes critiques.

C'est en fait le traitement médiatique de ce rapport est inquiétant : les journalistes devraient garder en tête que la façon dont ils traitent les informations a une influence fondamentale sur la façon dont se construisent les problématiques politiques. En inscrivant le rapport Guesnerie dans la droite ligne des autres critiques, de moindre qualité, des SES, ils occultent la façon dont celui-ci maintient les SES comme une dimension essentielle de l'enseignement français. Ils maintiennent l'impression qu'il s'agit d'une "catastrophe ambulante" comme le disait Michel Rocard, avant de se rétracter, lors de la commission Pochard. Peut-être parce qu'ils ont trop peu lu le rapport, ou parce qu'ils ne l'ont lu qu'en référence à la façon dont les différentes associations patronales l'avaient posé. L'information qu'ils donnent s'en trouve donc biaisé. Par exemple, la proposition d'extension de l'enseignement de SES à tous les élèves de seconde est traité de façon presque anecdotique alors qu'elle souligne la pertinence des SES :

L’extension d’un enseignement adapté des SES à l’ensemble des élèves de seconde est souhaitable, afin de donner les bases d’une culture économique et sociologique à tout élève qui quitte le lycée général et donc, dans le futur, à une grande partie de nos citoyens
On peut alors se poser des questions sur la façon de faire de la politique à coup de rapports et de commissions. La lecture de ceux-ci est rarement neutre : elle se fait par de multiples filtres, avant même d'arriver à la presse. Au final, le sens d'un rapport peut se perdre totalement au cours du processus, être dénaturé ou complètement transformé. Et c'est alors tout le problème, dans sa réalité même - qui n'est jamais que la résultante de sa construction par une multitude d'acteur - qui est affecté. Une fois de plus, on ne peut qu'espérer un peu plus de responsabilité de la part de chaque membre de cette chaîne. Comme le dit C.H. :

Si les français ont un problème avec l’économie, cela vient peut être plus de la presse “économique” que de l’enseignement. Enfin bref…


A lire aussi pour une vision complète du problème :
Le rapport Guesnerie lu par l'Apses
Le point de vue de Philippe Watrelot

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Militant, moi ?

Comme mon collègue Pierre, j'ai fait le "grand test de la vache" (via Xavier Zunigo que je rajoute à mes liens au passage, oubli impardonnable), qui est censé me dire "quel sociologue sommeille en [moi]".


Ceux qui ont déjà fait le test se doutent du résultat au vu du titre de la note, je suis de type A "Le militant" :

Vous êtes sensible aux inégalités sociales. Vous pourrez trouver en sociologie des réponses aux questions que vous vous posez sur la condition humaine. Idéaliste, vous souhaitez comprendre la société, mais également travailler pour un monde meilleur.
Conseil de lecture : E. Durkheim, L. Althusser, P. Bourdieu.

Je dois dire que je ne me retrouve qu'imparfaitement dans cette présentation : bien sûr je suis sensible aux inégalités sociales et je n'ai rien contre l'idée d'un monde meilleur, mais les conseils de lecture me laissent un peu dubitatif. Durkheim, j'aime bien, surtout d'un point de vue historique, mais sans plus. Bourdieu, j'admire le modèle théorique et l'ambition scientifique de la grande époque, mais pas l'aspect "militant" et la question de la domination n'est pas celle qui me passionne le plus. Quant à Althusser, on ne peut pas dire qu'il me passionne.

En fait, c'est surtout l'appellation "militant" qui me gêne... Militant pour la science, peut-être, mais si on y met une coloration plus politique, malgré des positions très claires (mais que je ne révélerais), je ne vois pas trop de liens avec mon intérêt pour la sociologie. Du moins aujourd'hui. Comme beaucoup d'autres, je pense avoir commencé à m'intéresser à la sociologie sur un mode militant avant d'abandonner progressivement le questionnement proprement politique pour une curiosité plus générale. En fait, je m'attendais plutôt à être "eclectique" (même si je ne comprend ce que le nom de Maffesoli fait là dedans).

Enfin, tout cela sent quand même un peu l'effet barnum à mon goût. Mais c'est bien marrant. En plus, depuis que je vis en Normandie, j'aime bien les vaches.

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Happy birthday

Souvenez-vous, c'était il y a un an et un jour : sous le pseudonyme de Badtz, j'ouvrais ce blog avec une première (trop) longue note qui ressemblait à une opération de justification préventive. Un an et 52 notes plus tard, Une heure de peine est toujours actif - croyez-bien que j'en suis le premier étonné - et fonctionne plutôt bien. J'avoue en être un peu fier*.


J'aurais voulu faire un long post pour analyser cette année de blogging plus ou moins intensif, mais le temps me manque quelque peu en ce moment. Vous me direz "t'es prof, t'es en vacance, qu'est-ce que tu nous racontes là ?", ce à quoi je vous répondrais que 1/ vous pourriez me parler un peu plus poliment, nous n'avons pas gardé les cochons ensemble, 2/ justement.

Du coup, j'utilise cette note pour annoncer un certain ralentissement du blog pour la période estivale. Quelques notes sans doute, mais plus éparses** que d'habitude, et, à l'instar du couple le plus célèbre de la blogosphère des sciences sociales, des notes plus légères que d'habitude : outre l'analyse de ma pratique de blog, j'ai en tête quelques réflexions sur le sexe et la modernité, des éléments de sociologie pratchettienne, et quelques autres petites choses sympas et enjouées.

Là-dessus, bonnes vacances pour ceux qui sont concernés, bon courage pour les autres, et à dans quelques semaines.

* Pour me féliciter, me congratuler, me jurer obéissance et dévotion, une seule adresse : uneheuredepeine@gmail.com

** Comment ça, "encore plus ?" ?

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