Les statistiques ethniques : pour une sociologie de la réception

Le débat sur la possibilité de statistiques dites « ethniques » rebondit une énième fois en France, tant sur la place publique qu’au sein de la communauté des chercheurs. D’un coté, on y voit un moyen de mieux connaître les discriminations, de l’autre, une rupture d’une règle républicaine ancestrale et un risque de « racialisation » de la société. Comment sortir d’un tel dialogue de sourds ? Peut-être avec un peu de sociologie bien appliquée…




Le débat a repris en France à l’occasion de l’enquête « Trajectoires et origines » de l’Insee et de l’Ined, ainsi qu'à propos de la récente loi Hortefeux sur l’immigration, dont la disposition sur les statistiques ethniques (dont on se demande bien ce qu’elle venait faire dans une loi sur l’immigration…) a été récemment retoqué par le Conseil Constitutionnel. Ce que je voudrais montrer, c’est qu’il est relativement simple de dépasser ce débat : il faut juste s’en donner les moyens.

1. Intérêts et limites des statistiques ethniques

La réflexion qui va suivre – relativement courte au regard de mes habitudes – a pour point de départ mes propres interrogations : je ne parviens pas à développer un avis définitif sur la question de ces fameuses statistiques « ethniques » (ou de la diversité, comme le rappelle Sébastien Fath). Tout au plus puis-je dire qu’aujourd’hui, le camp des « pour » me semble développer des arguments plus convaincants que celui des « contre ». En effet, entre le sérieux de quelques démographes et économistes mettant en avant l’utilité de ces statistiques, et les cris d’indignation de « républicanistes » fermés au dialogue et ne faisant qu'agiter les ombres de Vichy et de la solution finale, mon cœur ne balance pas vraiment…

Les arguments développés par les partisans de ces discriminations me semblent particulièrement intéressants. Il ne s’agit pas seulement d’une meilleure mesure des discriminations, point déjà important, mais également, comme le rappelle avec une grande pertinence PAC sur Libertés Réelles, de la possibilité de sortir d’une lecture « morale » (pour ne pas dire « moralisatrice ») des discriminations. Trop souvent, on en fait la conséquence d’un racisme individuel qu’une action judiciaire suffira à régler.

« Toute la stratégie de la HALDE et de Louis Schweitzer (son président) consiste en effet à dire que les discriminations proviennent de fautes individuelles que l’on peut identifier et pour lesquelles on peut condamner leur auteur devant la justice. » (excellente note à lire ici).

Or, les discriminations peuvent provenir de comportements « involontaires », qui ne sont pas à proprement parler racistes ou xénophobes. C’est ce qu’explique très bien Fabien Jobard, à propos de la justice : les juges condamnent plus durement les « noirs » et les « maghrébins » (ici repérés d’après la consonance du nom et/ou par la nationalité) non parce qu’ils sont racistes, mais parce qu’ils opèrent sur une population déjà triée non seulement par la police mais aussi par l’ensemble d’une situation sociale qui les place dans une position où ils ont plus de chances d’être des « clients » du système judiciaire. Bref, les juges ne discriminent pas, mais il y a bien discrimination… Ce point aidera sans doute à dépasser les incompréhensions entre Etienne Wasmer et Maître Eolas.

Mais, dans le même temps, je perçois très bien les risques liés à de telles statistiques, rejoignant sur ce point le récent « Rebond » d’Esther Duflo dans Libération.

« Le choix est difficile. Être placé dans une catégorie influence la perception de soi-même et les performances : le psychologue Claude Steele a montré par exemple que quand des sujets noirs américains doivent indiquer leur race avant un examen, leur performance est plus faible que s’ils indiquent leur race après celui-ci. On pourrait donc légitimement trouver que le jeu n’en vaut pas la chandelle, ou penser au contraire que les discriminations sont encore plus dommageables quand elles sont implicites. La question est suffisamment importante pour mériter une vraie discussion. »

Si je ne doute pas une seule seconde de la bonne foi de l’Insee et de l’Ined, ni de la capacité des chercheurs et scientifiques à exploiter ces données de façon pertinente, je reste on ne peut plus sceptique quant à la capacité de ces mêmes institutions et individus à contrôler l’utilisation médiatique et politique de ces mêmes données, ainsi que leurs différents effets sociaux.

Il suffit de s’intéresser à l’utilisation générale des statistiques dans la sphère publique pour comprendre ces doutes. Les sociologues rappellent régulièrement toute la prudence qui devrait entourer l’utilisation des statistiques policières sur la délinquance sans jamais être entendus, ni des journalistes ni des politiques. De même, l’un de mes ouvrages de référence, le journal d’enquête de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot [Voyages en grande bourgeoisie, 1997] insiste longuement sur les difficultés des chercheurs à réussir dans le « champ » journalistique, lequel fonctionne sur une logique toute différente.

L’intérêt des statistiques dites « ethniques » serait de démonter justement les catégories ethniques en mettant en avant d’autres procédures explicatives que l’ethnicité d’un individu. Mais il est douteux qu’un tel travail passe facilement les portes des laboratoires et des universités. Le risque existe que l’on retienne plus « X% des personnes de telle origine ethnique sont des délinquants ou des chômeurs » plutôt que « ce chiffre s’explique par une trajectoire historique X et une situation sociale Y ». Il faut bien reconnaître que, dans l’état actuel des choses, on ne sait pas ce que peut produire une telle enquête comme effets sociaux.

J’aimerais voir cet argument, qui n’est finalement qu’une version du principe de précaution – dont Bruno Latour vantait les mérites tout récemment encore – appliqué aux sciences sociales, mobilisé plus souvent par les adversaires de ces statistiques. D’une part, il est toujours bon de rappeler un minimum que la sociologie et les autres sciences influencent la société d’une façon ou d’une autre. D’autre part, cela serait nettement plus convaincant que des accusations à tout va de rupture d’un pacte républicain, de collusion de fait avec l’extrême droite, de pacte avec le diable ou je ne sais quoi. Le « néo-républicanisme » est sans doute l’une des choses les plus pénibles qu’ait à subir la France. Pour plus de précisions sur ce point, je conseille de se reporter à Michel Wieviorka (dir.), Une société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat [1996] ou au blog de Jean Baubérot.

2. Sortir du dilemme

Bref, une fois que tout cela a été dit, que fait-on ? Je pense qu’il est difficile de ne pas reconnaître que ces statistiques comportent un risque. La question est donc : le jeu en vaut-il la chandelle ? Faut-il prendre ce risque ? Ou, pour faire plaisir à mes collègues économistes, les gains sont-ils supérieurs aux coûts ?

La seule solution qui semble alors raisonnable est l’expérimentation : on essaye, à l’occasion d’une enquête comme « Trajectoires et origines », d’établir de telles statistiques et on verra bien ce qu’elles deviennent.

Cependant, une telle proposition doit être bien comprise : essayer, expérimenter, suppose que l’on se donne les moyens de vérifier, tester et comprendre le devenir social de cette enquête. Il faut pouvoir analyser sérieusement les utilisations sociales de l’enquête d’une part, et ses conséquences d’autre part. Il ne s’agit donc pas simplement de faire une enquête et de vérifier, après coup, que les discriminations n’ont pas explosé du fait de cette enquête, mais de s’intéresser à des phénomènes beaucoup plus subtils, beaucoup moins perceptibles, mais non moins réels.

Et c’est ici que la sociologie intervient. C’est du côté de la sociologie de la culture qu’il faut se tourner. En effet, depuis longtemps, celle-ci a élaboré des techniques pour étudier la réception des œuvres d’art et des biens culturels. Celle-ci est différente en fonction des milieux sociaux, dépend des capitaux des individus, peut être faite ou non de mise à distance par les individus, peut inclure des comportements plus ou moins stratégiques, etc. Or, c’est précisément ce qu’il faut faire pour une telle enquête : une sociologie de la réception.

A priori, je pense qu’il faudrait tester au moins trois choses : 1/ les utilisations de ces statistiques aux différents niveaux : dans la sphère publique (hommes politiques, journalistes) comme dans les relations privées (par exemple, les employeurs ne risquent-ils pas d’utiliser ces statistiques pour faire une sélection discriminante ?) ; 2/ la réception par les individus en général : y a-t-il renforcement des stéréotypes ? quels éléments de l’enquête sont retenus et quels éléments sont au contraire mis à distance ? il faudra alors prendre en compte les différences entre les groupes et les individus, en fonction de leurs positions sociales et de leurs ressources ; 3/ les effets sur les « minorités visibles » : deviennent-elles plus visibles ? se transforment-elles, et si oui, dans quel sens ? qu'en est-il, plus particulièrement, des répondants à l'enquête ?

Bien évidemment, je ne fais là que tracer un modeste canevas. Il faudrait une réflexion beaucoup plus longue et plus renseignée, incluant la construction d’un cadre théorique et des procédures de vérification empirique. Il faudrait alors envisager d’inclure ces problématiques dans l’enquête même, dès le moment où elle est conçue, mise en place et menée. Sans doute serait-il possible de recueillir certaines données dans ce sens dès l’enquête empirique proprement dite.

C’est d’ailleurs là un point que l’ensemble des recherches sociologiques, et plus généralement de tout travail en sciences sociales, devrait intégrer : il faudrait prévoir, pour chaque recherche, prévoir une sociologie de la réception de la sociologie (et, également, de l’économie, de la science politique, etc.). Pourquoi cela ? Parce qu’un discours sur le social est toujours susceptible d’exercer un effet sur ce social. C’est le sens de la « double hérméneutique des sciences sociales » d’Anthony Giddens, conséquence logique de la réflexivité des individus et des institutions (pour ma présentation de ces concepts, se reporter à ce récent billet) :

« […] dans son travail, le chercheur prend en compte la manière dont les sujets interprètent les situations ; par ailleurs les sujets prennent connaissance des interprétations des chercheurs et les intègrent dans leurs manières de voir et d’agir. Il existe donc entre le chercheur en sciences sociales et le sujet une "réciprocité d’interprétation, une double herméneutique". […]

Cette double herméneutique a pour conséquence que les sciences sociales ne sont pas isolées du monde qu’elles étudient, mais qu’elles entrent en quelque sorte dans la constitution de celui-ci : "toute réflexion […] sur des procès sociaux pénètre dans l’univers des procès sociaux, s’en dégage et y repénètre sans arrêt, alors que rien de tel ne se produit dans le monde des objets inanimés, qui sont indifférents à tout ce que les êtres humains peuvent prétendre connaître d’eux" » [Jean Nizet, La sociologie de Anthony Giddens, 2007 ; les parties en italique proviennent de Anthony Giddens, La constitution de la société, 1984]

Il est donc essentiel, du point de vue très pratique de l’utilité de la sociologie et des sciences sociales, voire même de l’éthique du chercheur, de connaître ces effets et ces conséquences, afin de mieux se situer par rapport à eux. Les statistiques ethniques offrent ici une illustration criante. On peut également penser aux dernières recherches de Robert Putnam, qui, nous raconte Laurent Eloi dans une critique passionnante, a essayé par tous les moyens, mais sans grand succès, de contrôler les conséquences de ses résultats.

Il ne s’agit pas, bien sûr, de s’interdire certaines recherches – le scientifique doit simplement être le plus libre possible, n’ayant comme seul objectif que la poursuite (sans fin) de la vérité – mais bien de se donner les moyens de s’assurer que les résultats de celles-ci ne sont ni déformées ni mal utilisés.

La proposition n’est pas totalement originale : elle m’a été inspiré par un article de François de Singly : « La sociologie, forme particulière de conscience » [in Bernard Lahire (dir.), A quoi sert la sociologie ?, 2004]. Celui-ci, s’interrogeant, dans le cadre général l’ouvrage, sur l’utilité de la sociologie, aborde le problème de la réalisation de l’objectif de dévoilement que se donne la sociologie critique, notamment bourdieusienne. Il écrit notamment :

« Tout comme la sociologie de la culture examine le profil socioculturel des visiteurs d’un musée ou des auditeurs d’un concert de musique contemporaine, la sociologie ne devrait-elle pas étudier l’identité des lecteurs des ouvrages de sociologie ? Pourquoi la sociologie échapperait-elle aux principes d’analyse qu’elle applique aux autres pratiques ? Si la valeur de toute consommation culturelle peut être approchée par la position des consommateurs dans l’espace social, les livres de sociologie peuvent alors être définis aussi par la position de leurs lecteurs. Le sens de la sociologie se réfractant également dans sa réception et ses usages, la sociologie des sciences, en l’occurrence la sociologie de la sociologie, devrait donc y prêter plus attention » [François de Singly, op. cit.] (souligné par moi)

La remarque me semble tellement juste qu’il me semblerait logique de l’étendre à l’ensemble des recherches, et ce, dès leur conception. Il s’agit en effet là non seulement d’une nécessité scientifique, qui permettrait d’apprendre beaucoup sur le thème de recherche et sur la sociologie des sciences (sociales, a priori), mais également d’une part importante du travail même de chercheur (ou de sociologue) qui, s’il ne doit pas chercher à transformer son travail en propagande politique, ne peut être totalement indifférent au devenir de sa recherche, ne serait-ce que pour éviter les mésinterprétations.

Quoiqu’il en soit, si l’Insee et l’INED n’ont plus le temps ou n’ont pas les moyens de mettre un protocole de recherche dans le sens, c’est sur la vigilance des chercheurs, impliqués ou non dans cette enquête, qu’il faudra compter, afin d’en tirer les conclusions. Ce qui manque, en effet, au débat actuel, c’est un travail scientifique permettant de guider quelque peu ce choix difficile.


7 commentaires:

Anonyme a dit…

"Cette enquête aura lieu à l’automne 2008 auprès de 24 000 personnes issues de l’immigration, des DOM TOM ainsi qu’auprès d’un groupe de contrôle constitué de personnes n’appartenant pas aux deux dernières catégories", selon Libertés réelles.

Un telle méthode est biaisée (et hautement discriminante de mon point de vue).

Dans le cadre de (bonnes) politiques de développement durable, chacun, donc sans classement a priori, peut être invité à se prononcer sur son ou ses "origines ethniques" (qui peuvent être multiples, personne n'étant tout blanc, ou tout noir).
Un lien :
http://www.population.govt.nz/info-by-subject/popn-structure/ethnicity.htm

Bertaga a dit…

Je pense que le problème de la lecture et de l'utilisation qui sera faite de ces "enquêtes ethniques" par les médias, les politiques et la population, n'est pas juste une chose à tester. C'est une chose à anticiper.

Combien de "catégories ethniques" faudra-t-il créer pour modéliser notre société ? Il y aura les enfants dont les 2 parents sont marocains, dont les 2 parents sont roumains, birmans, Biélorusses, sénégalais, etc (en tout 198 pays auxquels il faut visiblement ajouter les départements d'outre mer). Ensuite il y aura ceux dont les 2 parents ne sont pas de la même nationalité (environ 40 000 combinaisons si je ne ma trompe pas). Et puis il faudra peut-être aussi s'interroger sur l'origine des grands parents (on arrive à 1,6 milliards de combinaisons possibles). Ensuite on croise tout cela avec les données concernant les sentiments religieux (ben oui tout de même un algérien chrétien et un algérien musulman c'est pas pareil) et avec tout un tas d'autres données (âge, sexe, urbain, campagnard, niveau d'étude, orphelin à 6 ans, famille recomposée, adopté par une famille de "bons français", chômeur, depuis combien de temps ? etc.)

Je ne doute absolument pas de la capacité des chercheurs à créer un modèle cohérent (quoi que...) et à en analyser les données astronomiques qui en découleront mais par contre, je pense qu'il est totalement inconscient de faire confiance aux médias et aux politiques dans cette histoire (qu'auront-ils le temps de dire en 1mn37 durant un journal télévisé ?).

Sans compter que chacun aura intérêt (à droite comme à gauche) à interpréter ces résultats comme bon lui semble.

Que cette enquête permettent aux chercheurs de mieux comprendre la composition de la France d'aujourd'hui, c'est une chose. Mais de là à espérer qu'elle permette de lutter contre les discriminations... Non franchement je ne vois pas comment...

Denis Colombi a dit…

@Bertaga : dans l'enquête TeO, il n'est pas question de créer des catégories toutes faites, mais d'interroger les individus sur la façon dont ils se perçoivent et la façon dont ils pensent être perçus. Ce qui ne me semble pas illogique dans la mesure où l'on travaille bien sur les discriminations.

Sur la multiplicité des facteurs, si celle-ci était un obstacle réel à la sociologie, sa diffusion ou sa vulgarisation, alors il faudrait s'abstenir de toute recherche : même sans prendre en compte l'origine ethnique, il y a quelques centaines de facteurs qui peuvent expliquer les comportements... heureusement, on sait les manipuler et on dispose de théories efficaces pour les comprendre.

Ce qui signifie simplement que l'enjeu se situera bel et bien dans la diffusion et la vulgarisation des résultats. Journalistes et hommes politiques n'iront pas dépouiller la base de donnée de l'enquête - ils ne le font pas pour les enquêtes actuelles, pourquoi commenceraient-ils pour une qui s'annonce particulièrement complexe ? - mais se contenteront sûrement des rapports et publications des chercheurs (si ce n'est de résumés de celles-ci...). La formulation des résultats peut dès lors avoir son importance. Pourquoi ne pas tenter le coup pour être fixés ?

Unknown a dit…

"l'enjeu se situera bel et bien dans la diffusion et la vulgarisation des résultats" dans les medias.

C'est bien là le problème. On voit déjà ce qu'ils font des enquêtes emplois de l'INSEE et des chiffres de la Dares en ce qui concerne le chômage. Aucun recul, aucun débat aux heures de grande écoute, juste un chiffre donné comme irréfutable. Qui connait la définition des DEFM1 ?

Je suis dans la même position que celle que tu exprime au début de ta note. Beaucoup de mal, en tant que formé à la sociologie, à me faire une opinion claire et tranchée sur la mise en place de telles enquêtes (Encore que Téo me fait moins peur que ce que laissait entrevoir la loi Hortefeux, heureusement recalée sur ce point, malheureusement que sur ce point). Mais en même temps comment construire un raisonnement scientifique sur la discrimination si on ne peut recueillir des matériaux ??

Pour l'instant, cette question reste insoluble... En espérant que la suite des choses ne nous emmene pas vers des extrêmes dont on sait qu'ils sont aisément accessible : cf l'utilisation des statistiques ethniques outre-atlantique. Nous ne sommes pas (encore) dans un modèle de société multiculturel à l'anglo-saxonne...

Anonyme a dit…

Je ne suis pas d'accord sur deux points:

- le problème de la mauvaise utilisation n'est pas spécifique aux médias. Les chercheurs eux-mêmes n'ont pas leurs neurones protégés par une aura bienfaitrice: est-ce difficile d'imaginer qu'ils existent aussi de mauvais sociologues?

- il ne faut pas considérer les statistiques ethniques seulement d'un point de vue utilitariste, c'est aussi et surtout un choix (attention gros mot) idéologique.

Sur ce dernier point, je suis très heureux que le Conseil Constitutionnel est bouté ces statistiques hors la loi et si c'est ça le "républicanisme borné", c'est largement préférable au pragmatisme aveugle.

Denis Colombi a dit…

@ Anonyme : Pour répondre à vos poins :

- Oui, bien sûr, il existe de mauvais sociologues et des chercheurs peu scrupuleux. Mais on peut espérer que, dans le cadre du débat scientifique, les chercheurs peu scrupuleux se verront réfuter à chaque fois qu'ils avanceront une thèse fallacieuse. Je suis d'accord que cela ne marche pas toujours (il suffit de voir comment le Caliméro de la sociologie, bien que défendant des thèses dont la fragilité n'est même plus à démontrer, se retrouve au CNU), souvent parce que le pouvoir (ou les amitiés) politiques vient s'en mêler... Mais dans l'ensemble, j'accorde une certaine confiance au débat scientifique (peut-être naïve, certes...).

- Sur le deuxième point, je dois dire que je ne comprend, sans doute à cause du vague du mot "idéologique". Qu'est-ce que cela change au problème ? Imaginons que la mise en place de statistiques de la diversité n'engendre aucun effets négatifs (racialisation des rapports sociaux, enfermement des indvidus, racismes et autres) et serve effectivement à lutter contre les discriminations, faudrait-il les refuser sous un prétexte idéologique ? Et quel serait le prétexte alors ?

Sur votre conclusion, ce que je propose ne peut justement être qualifié, il me semble, de pragmatisme aveugle. Ma note propose justement d'estimer l'outil avant de l'accepter : c'est un pragmatisme qui se fait en connaissance de cause.

Je veux bien que le républicanisme borné vous semble préférable, mais il est dommage que vous ne donniez aucun argument...

Anonyme a dit…

Bonjour,

Quelques réflexion. L'idée d'utiliser les apports de la sociologie de la réception pour interroger ce type me semble bonne. Il y a dans un ouvrage d'Ethis, "Pour une po(i)étique du questionnaire en sociologie de la culture: le spectateur imaginé" l'idée que le questionnaire offre aux enquêtés une image d'eux-mêmes, image à laquelle il ne s'attendent peut-être pas. De plus si le questionnaire questionne l'imaginaire de l'enquêtés, il est aussi le résultat d'un certain imaginaire. Les remarques sur la diffusion et les interprétations rapides des résultats d'enquêtes sont vraies et on pourrait développer comme le fait Pierre Maura. Adoptant un autre point de vue, on peut ajouter que les problèmes commencent avec le questionnaire qui se fonde sur une question originelle. Comment se fait-il qu'aujourd'hui ce type de question (et donc de questionnaire) puisse être envisagée ? Quelle(s) image(s) de l'autre ("eux" et "nous" façon Hoggart) fabriquent ces questions ? Veut-on interroger les processus de discriminations ? Mais alors, pourquoi limiter les questions à "l'ethnie" ? Questionner c'est formaliser. Qu'est-ce qui se formalise de notre imaginaire à travers ce type de questionnement ?

Tout ça est dit trop rapidement, je pars travailler,

Albert

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