L'entêtement thérapeutique comme nouvelle éthique politique

Sixième projet de loi sur l'immigration depuis 2002 et donc depuis le retour de Nicolas Sarkozy aux affaires. Je m'inquiétais il y a quelques jours de la transformation de l'éthique de responsabilité en une éthique de conviction complètement aveugle. En voici donc la parfaite, et malheureuse, illustration.

Tout le jeu autour de la "reprise en main" politique de l'immigration a consisté pour Nicolas Sarkozy et son camp à se présenter comme "responsables", c'est-à-dire à l'écoute des Français et de leurs problèmes, et n'ayant pas peur, contre le "politiquement correct" et la "bien-pensance" régulièrement dénoncé, de s'attaquer aux "vrais" problèmes. Ethique de la responsabilité weberienne, donc. Du moins, c'est sous ce masque que les choses se présentent.

Six projets de loi et une quantité formidable d'énergie politique dépensée plus tard, il devrait être clair pour tous qu'il n'y a là-dedans rien qui soit un tant soit peu responsable. Depuis que toutes ces modifications plus ou moins importantes mais toujours pesantes pour les étrangers en France et ceux qui les côtoient ont été apportées, qui oserait dire que les choses vont mieux, que la situation de tout un chacun s'est amélioré, que l'on vit mieux aujourd'hui que l'on ne le faisait avant 2002 ?

Imaginons un instant que la France soit un corps malade. Un médecin qui tenterait un premier traitement, verrait que ni les symptômes ni le mal ne recule et proposerait un nouveau diagnostic et un nouveau traitement pourrait sans doute être qualifié de responsable. Ayant une vue claire de ses objectifs, il les poursuit de la façon la plus rationnelle et la plus efficace possible. Par contre, un médecin qui s'acharnerait à appliquer des saignés à un patient de plus en plus faible, refusant de voir que son diagnostic était erroné, serait considéré comme fou et irresponsable. Il ne vaudrait pas mieux que les médecins de la pièce de Molière, préférant psalmodier quelques termes savamment latins et appliquer des recettes toutes faites plutôt que de se soucier du mal dont souffre son patient. L'entêtement thérapeutique ne nous apparaît pas comme un comportement responsable, bien au contraire. C'est pourtant le coup de force actuel que de l'avoir fait croire. Avec un succès qui ne devrait pas lasser d'étonner.

La responsabilité a été transformé en une pose, une attitude que l'on se donne plutôt qu'une éthique que l'on met en œuvre. Elle n'est pas très différente des chapeaux et des habits des médecins du temps de Molière : elle sert plus à imposer le respect qu'à soigner. Il s'agit, pour ceux qui s'en parent, de dire "Halte-là ! Nous, nous n'avons pas peur ! Nous, nous osons ! Nous, nous agissons ! Nous, nous sommes responsables !". En s'attirant la légitimé que l'on prête, encore un peu, à l'action rationnelle, ils espèrent détourner l'attention. Mais ce n'est là qu'un artifice rhétorique peut-être de moins en moins efficace.

C'est ainsi qu'il faut comprendre cette énième loi sur l'immigration : comme une pose. Comme la baguette du prestidigitateur, elle vise à détourner l'attention de l'audience vers un quelconque fétiche. Elle doit montrer que l'on agit, que l'on peut agir et faire des choses. A ceux qui protestent, on pourra toujours répondre "Vous préféreriez ne rien faire ? Nous, nous agissons !". Parce que les gouvernants ont souvent pêchés par inaction, il a été possible de faire croire qu'être responsable, c'était agir, peu importe au final ce que l'on fait. L'immigration s'est imposé comme le domaine par excellence où l'on peut "faire" quelque chose. Peu importe quoi, car agir est devenu le début et la fin de l'éthique. Reconduire des gens à la frontière est possible, alors on le fait, et puisqu'on le fait, on a un comportement éthique. Mais cette éthique n'est pas celle de la responsabilité. La responsabilité est aux gouvernants d'aujourd'hui ce que le chapeau et la robe étaient aux médecins d'hier : un moyen d'affirmer leur autorité en cachant qu'ils font n'importe quoi.

Considérons ainsi les dispositions de ce nouveau projet. Certains témoignent d'une croyance aveugle en la sanction en dehors de toute considération sur son efficacité : c'est le cas de la déchéance de la nationalité ou de l'alourdissement des peines pour les "mariages gris". Il ne s'agit pas de savoir si ces dispositions auront quelques efficacités : alourdir les peines, c'est agir, et agir, c'est bien. Ces deux modifications ont de plus l'avantage de d'attirer sur eux les feux des projecteurs, faisant ainsi disparaître de l'agenda médiatique les autres dispositions, non moins problématiques - une stratégie qui avait déjà fonctionné à l'époque des "tests ADN". Pendant ce temps, on réduit le périmètre d'action du juge des libertés et de la détention : c'est qu'il faut lutter contre le "laxisme" de ces juges qui entravent l'action. Car il faut agir, peu importe comment. De même il faut rendre plus d'étrangers expulsables, pour pouvoir agir plus, dans une fuite en avant où l'action devient sa propre justification, où l'expulsion devient la fin en soi.

Une éthique de l'action pour l'action que l'on essaye de nous faire passer pour une éthique de la responsabilité, alors que l'on ne fait qu'y obéir aveuglement à un principe général : "agir pour agir". Le plus inquiétant n'est peut-être pas qu'un tel artifice soit utilisé, mais qu'il soit si bien accepté. J'aimerais croire à ce que dessine Eric Fassin, qu'il existe un "seuil d'intolérance" où les Français vont se rendre compte du caractère superficiel et inacceptable des "solutions" qu'on leur propose. J'avoue demeurer un éternel pessimiste.
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Sociological Song Special : Aliénation et anomie dans la finance

Allez,c'est dimanche, le moment idéal pour une petite chanson à teneur sociologique. Puisque la mode est au "film de traders", pourquoi ne pas s'intéresser à une petite évocation très poétique de l'anomie qui menace ces derniers ? Bon, il faut interpréter un peu, mais c'est tout le plaisir...




Je pense qu'il est intéressant d'écouter cette chanson en ayant en tête l'idée d'anomie chère à Durkheim, et en considérant que c'est d'un trader (ou de tout autre "travailleurs de la finance" selon l'expression consacrée) qui s'exprime. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, semble-t-il, à voir les choses de cette façon.

Les références à la finance ou tout au moins à un univers marchand sont nombreuses : évidemment, il est question de "filer vers le bénéfice" et d'une "nappe de pétrole", symbole de la richesse, mais aussi des signes extérieurs de richesse qu'affectionnent ces milieux là ("sapé comme un prince") ou au caractère international des activités menées ("sans pouvoir ni province"). On s'étonnera peut-être dans ce contexte de la proposition "sans pouvoir" : les évènements récents, le fameux "précipice" vers lequel on file pendant toute la chanson, ont contribué à diffuser l'idée que les travailleurs de la finance avaient un pouvoir excessif. Louise Attaque a bien compris que ce n'était pas le cas : c'est la finance qui a du pouvoir, pas les financiers. Rappelons que pour Marx, l'aliénation n'est pas réservée aux seuls prolétaires : parce qu'elle consiste à la soumission de l'homme à un principe extérieur (qui est en fait sa création, que ce soit dieu ou le capitalisme, ce qui fait que l'aliénation est d'abord une inversion dans laquelle le créateur devient créature), les capitalistes en sont tout autant victimes. Le trader dont toute l'existence est vouée à la seule accumulation de richesse, au point d'user sa santé ("difficile de se détendre de s'allonger") et son intelligence n'est pas moins aliéné que l'ouvrier qui perd sa vie à la gagner.

Le commentaire de la chanson va cependant encore plus loin : la recherche continuelle du profit, l'accumulation pour elle-même dont Max Weber fait la marque même du capitalisme, révèle finalement toute son absurdité. Elle s'empare de toute la vie de l'individu à tel point qu'il ne regarde plus le monde qu'avec un oeil marchand ("je vois la mer qui n'a pas de prix"). Mais c'est l'exténuation qui domine la chanson, tant dans les paroles que dans la musique : la poursuite du bénéfice ne peut trouver de satisfaction totale, l'individu se trouve donc sans normes, sans règles pour limiter quelque peu ses désirs infinis qui en viennent à englober l'univers entier : "ce qui brille prendre mes doigts, l'étoile du Sud, la panthère rose, etc.". Voici donc le travailleur moderne dans une situation d'anomie, confronté à une absence totale de limites sociales à ses désirs, et donc destinés à ne jamais pouvoir les assouvir. Durkheim aurait adoré.

D'ailleurs, Louise Attaque avait traité pratiquement le même thème sur leur premier album. La chanson s'appelait alors "Vous avez l'heure s'il vous plaît ?" et évoquait plutôt la spéculation immobilière ("Je suis là pour l'appartement, moi j'investis dans l'immobilier"). Mais l'insatisfaction, ou plutôt l'impossibilité d'être satisfait qui se traduisait par la répétition à plusieurs reprises de la même scènette (un procédé repris dans "Sean Penn Mitchum") était déjà là : "Et le sourire de dépression, ça c'est con, quand ça vous prend là, ça vous colle au corps, ça vous gratte partout, tout l'temps". Le dénouement de cette anomie était également très durkeimienne... Allez, on se l'écoute en live pour finir.





Les paroles

Sapé comme un prince
au moment idéal
fils, fonce
je file vers le bénéfice
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
Ma quête d'identité
(dans) ma tête difficile
de se détendre
de s'allonger
ce qui brille
prendra mes doigts
L'étoile du sud
la panthère rose
etc...

Sapé comme un prince
Maverick dans mes rêves
l'exemple unique
Sean Penn Mitchum

Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde

Sapé comme un prince
au moment idéal
fils, fonce
je file vers le bénéfice
sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice

Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde

Assis sur une nappe de pétrole
il vaut cher
moi d'où je suis
sur mon banc assis
je vois la mer qui n'a pas de prix...

Assis sur une nappe de pétrole
il vaut cher
moi d'où je suis,
si mon banc décolle
il me libère

Sapé comme un prince
Maverick dans mes rêves
l'exemplaire l'unique

Que ma vie m'accorde une trêve...
Que ma vie s'accorde
Que mes nuits débordent de rêves
Que ma vie s'accorde

sans pouvoir ni province
le moral inégal
fils, fonce
je file vers le précipice
d'où je suis
sur mon banc magique
ce qui brille prendra mes doigts
des tissus, des couleurs
des impressions
et tout autour
l'étoile du sud
de la musique etc.


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Lorsque l'éthique de responsabilité devient une doctrine...

L'émission de France Culture Du grain à moudre de lundi dernier s'attaquait à la "question roms", laquelle commence, en France, à ressembler de plus en plus à une autre "question", venue des siècles passées et de sinistre mémoire. Sous l'impulsion du présentateur Brice Couturier, s'est opéré assez vite une mise en scène bien particulière du débat : d'un côté l'éthique de responsabilité, de l'autre l'éthique de conviction. Le problème, c'est que le sens de ces mots weberiens s'est visiblement complètement perdu dans la bataille.

Si on suit la présentation faite, en cours d'émission, par Brice Couturier, et acceptée avec un enthousiasme d'autant plus évident que cela a dû lui faire du bien à l'ego par Malika Sorel, voici comment se structure le débat : d'un côté, on trouve les partisans de l'éthique de conviction, plus ou moins "droit-de-l'hommiste" et bobos, qui s'inquiètent du sort des pauvres Roms et voudraient que l'Etat français s'en inquiète comme si c'était ses enfants, de l'autre, il y aurait les tenants de l'éthique de responsabilité qui auraient compris que la France, dans toute sa grandeur, ne peut pas accueillir "toute la misère du monde", fut-elle européenne, parce que celle-ci, évidemment, nuit aux (bons) citoyens dont elle a la responsabilité en pesant, bien évidemment, sur notre cher modèle de sécurité sociale et sur la sécurité de chacun.

Les expressions "éthique de responsabilité" et "éthique de conviction" viennent de Max Weber, dans sa fameuse conférence sur la vocation et le métier de politique (je ne rentrerais pas dans une discussion sur la "bonne traduction").

Il est indispensable que nous nous rendions clairement compte du fait suivant : toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité [verantwortungsethisch] ou selon l'éthique de la conviction [gesinnungsethisch]. Cela ne veut pas dire que l'éthique de conviction est identique à l'absence de responsabilité et l'éthique de responsabilité à l'absence de conviction. Il n'en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l'attitude de celui qui agit selon les maximes de l'éthique de conviction - dans un langage religieux nous dirions: « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l'action il s'en remet à Dieu » -, et l'attitude de celui qui agit selon l'éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. »

Force est de constater que le sens s'est quelque peu perdu en chemin. Lorsqu'il parlait d'éthique de responsabilité, Max Weber mettait en avant l'acceptation, par ceux qui y ont recours, des conséquences de leurs actes : il leur faut agir, non pas en référence à de grands principes qu'ils appliqueraient de façon doctrinaire, mais bien suivant une "rationalité en finalité", c'est-à-dire en adaptant leurs moyens d'action en fonction des objectifs.

Peut-on vraiment croire que l'expulsion des Roms correspond en quelques façons à ce modèle ? La réponse devrait être claire : il est évident que non. Qui peut croire que le renvoi de quelques milliers de Roms, avec tous les coûts en opération policière et en transport que celui-ci implique, ait quoi que ce soit à voir avec la responsabilité de la France quant à ses citoyens ? Brice Couturier semblait évoquer la question de la sécurité sociale : est-ce vraiment de l'éthique de la responsabilité d'affecter de croire que c'est là une quelconque solution aux problèmes que connaissent aujourd'hui les systèmes de protection sociale dans les grands pays européens ? Et lorsqu'on se souvient que cette "chasse aux Roms" fait suite à un fait divers qui n'avaient rien à voir avec ces derniers, peut-on soutenir avec tant d'assurance qu'il y a là une action "responsable" ?

Max Weber ne débordait pas d'enthousiasme quant à l'éthique de conviction - de la même façon qu'il nourrissait quelques doutes à peine voilés quant à la "légitimité charismatique". Sans vouloir faire parler le grand homme depuis sa dernière demeure, je ne peux m'empêcher de penser qu'il aurait sans doute lancé à l'époque actuelle quelques unes des critiques dont il avait le secret. Quoi qu'il en soit, il m'apparaît assez clairement que "l'éthique de responsabilité" dont se réclament certains dans les affaires courantes de la France a plus à voir avec le respect de certaines convictions bien ancrées plutôt qu'avec un quelconque sens des responsabilités : au contraire, les gouvernants français n'ont cessé d'essayer de nous expliquer qu'ils n'y étaient pour rien dans quoi que ce soit et que c'est toujours la faute de quelqu'un d'autre ou d'autres choses. Assumer ses choix serait sans doute le premier pas vers la responsabilité...

Cette remarque ne vaut pas que pour la panique morale anti-Roms qui nous sert de feuilleton politique depuis cet été. Considérons donc l'annonce faite à grands cris de retirer la nationalité aux Français "par acquisition" qui porteraient atteinte à la vie d'un représentant de l'Etat : qui, parmi ceux qui sont doté d'un minimum de capacité de réflexion, peut bien croire que cela réduirait de quelques façons que ce soit la criminalité ? Ethique de responsabilité ? Pas du tout : éthique de conviction, qui se voit dans la révérence faite à une représentation du "Français idéal". Il en est de même pour ce qui est des expulsions de Roms : il y a derrière la conviction inébranlable que certains hommes ne méritent aucune compassion. Ceux qui s'inquiètent du sort faits à des êtres fragiles, quand bien même ils se réfèrent à des droits de l'Homme qui semblent, aux belles âmes du "pragmatisme" à tout crins, trop abstraits et généraux, sont sans doute plus proches de la responsabilité : refuser des actes qui nous feraient porter la responsabilité d'un plus grand malheur, cela fait certes références à une conviction, mais prend garde, surtout, aux conséquences de nos décisions.

Malika Sorel, qui, dans l'émission, défendait le bon droit de la France et qui se gargarisait du mot "responsabilité" comme d'un fétiche ou d'un crucifix que l'on brandit sous le nez des impies, illustre d'ailleurs parfaitement la façon dont la référence continuelle à l'éthique de la responsabilité finit par vider complètement celle-ci de sa substance pour n'en faire d'un avatar doctrinaire de plus : lorsqu'on lui parlait des droits de l'Homme, elle ne cessait de dire qu'il ne fallait pas en tenir compte puisque, d'après elle, ceux-ci n'étaient de toutes façons pas appliqués en France - citant, comme on pouvait s'y attendre la situation des femmes dans les quartiers difficiles. Rhétorique de bas étage qui voudrait que l'on ne traite pas un problème là parce qu'il existe ici : il s'agit bien de rejeter ailleurs la responsabilité plutôt que de l'assumer. Ajoutons qu'elle justifiait du bon droit de la France à pratiquer les expulsions en se référant à la loi, tout en laissant entendre que tous les Roms étaient en situation irrégulière... Il ne suffit malheureusement d'afficher la responsabilité comme un grand idéal pour en être digne. Au contraire.
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Pourquoi je hais la Fnac

Je suis désolé, mais il y a des choses comme ça qui méritent la mort. Au bas mot. Disons au moins l'enfer.



Non, mais sérieux, quoi, Jean-Pierre Foucault en sociologie... Et pourquoi pas Maffesoli aussi tant qu'on y est ?

PS : Cher Christophe Cuvillier, je retire ce billet en échange d'une intégrale de Futurama envoyée sous pli discret.
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La France et l'étranger : je te suis, je te fuis

Fascinants usages de l'étranger dans les discours politiques depuis quelques jours : les gouvernants français et leurs alliés s'évertuent par tous les moyens à nous rappeler que ceux qui les critiquent ne sont pas de chez nous et n'ont rien à nous dire. Pire que cela, la situation n'est guère meilleure chez eux. Pourtant, lorsque l'on en vient à d'autres matières, écouter les conseils venus d'ailleurs, voire calquer nos actes et nos principes sur ce qui fait dans les autres pays est une impérieuse nécessité : c'est le cas lorsqu'il s'agit, exemple que je prends tout à fait au hasard et sans raison particulière, des retraites... ou encore de l'organisation des marchés du travail ou du retrait de l'Etat. Alors, écouter l'étranger, c'est bien ou c'est pas bien ? Difficile à dire, mais ça nous dit au moins deux-trois choses sur la mondialisation...

Il est notable que, dans certains domaines, l'étranger, l'ailleurs, soit devenus la mesure de la pertinence politique : il faut faire ce qu'ont fait les autres, suivre le mouvement, le sens de l'histoire, généralement donné par les pays anglo-saxons... Ou plutôt par ce que l'on suppose être les pays anglo-saxons. Car, lorsque les Etats-Unis mettent en place quelques (légers) filets de sécurité sociale, c'est en agitant leur exemple que l'on défait ce qui existaient en France depuis bien plus longtemps. C'est qu'il serait faux d'assimiler les orientations qui se font jour en France sous cette rhétorique comme une simple avancée d'un "capitalisme global" implacable, encore moins comme une offensive venue de l'extérieure. L'usage de la mondialisation comme principe de justification doit d'abord se comprendre dans le cadre national.

Au contraire, dans d'autres domaines, il apparaît depuis quelques jours de façon très clair que suivre les recommandations venant de l'étranger n'a pas la même force de légitimation. Au contraire, les gouvernants retombent dans le bon vieux tropisme du linge sale qui se lave en famille : en matière de politique d'immigration, il n'y a pas, visiblement, de grand lavomatique européen... Au contraire, on agite facilement la situation réputée "bien pire" de certains de nos grands voisins. Ce n'est guère nouveau : le "multiculturalisme" et le "communautarisme" de nos amis anglo-saxons demeurent un utile épouvantail quand il s'agit de refuser telle ou telle forme de solution, telle ou telle politique.

Deux utilisations différentes, donc, de l'exemple de l'étranger : le modèle et le repoussoir. Un contraste qui nous apprend beaucoup, en fait, des transformations en cours à l'heure de la mondialisation.

Dans quel domaine se fait en effet ce recours à l'exemple étranger ? Essentiellement dans le domaine économique, c'est-à-dire dans un domaine où les politiques françaises se sont avérées être pour la plupart décevantes depuis bien des années, en particulier en ce qui concerne le chômage. Mais aussi un domaine où, comme on le sait, il existe pour les nouveaux venus de forts blocages institutionnels. Je ne fais pas référence, ici, aux "blocages administratifs et étatiques" traditionnellement dénoncés à grands cris, mais plutôt au fait que les grandes entreprises et les postes prestigieux qu'elles offrent sont trustés par une élite relativement étroite, issue des grands écoles et des grands corps d'Etat. De ce fait, pour ceux qui désirent concurrencer quelques peu ces "insiders", la référence à l'étranger, le recours à un capital "international", est une bonne solution. Et c'est ainsi que se mène, dans ce domaine précis, une lutte pour s'approprier la légitimité de la référence à l'étranger.

Cette lutte, propre à la sphère économique, ne se retrouve pas avec la même force ailleurs. Le domaine des politiques souveraines en témoigne, d'autant plus dans le domaine de la régulation de l'immigration : s'ils sont concurrencés dans certains domaines, les Etats conservent comme privilège et spécificités le "monopole de la contrainte physique légitime" et donc le contrôle de la population. Il est possible, comme je l'ai déjà évoqué par ailleurs, que dans l'avenir, les Etats se convertissent en des agences de contrôle de la population. La politique menée depuis des années avec un acharnement certain par le gouvernement français pourrait donc être sombrement annonciatrice : désireux de montrer que la politique pouvait encore faire quelque chose, le président de la République s'est concentré sur, peut-être, la dernière question où, effectivement, on "peut" faire quelque chose - quitte à faire n'importe quoi : quand on veut expulser des gens, on en trouve toujours... Il s'agit dès lors de refuser les rappels à l'ordre des instances internationales parce que c'est là le seul domaine où, effectivement, l'Etat a encore la possibilité d'afficher sa force.

L'étranger comme modèle ou comme repoussoir sont cependant deux figures qui partagent une ressemblance d'importance : l'une et l'autre continuent à penser la mondialisation non comme un espace d'intégration croissante mais comme une juxtaposition de pays différenciés. Loin de l'image d'Epinal d'une fusion entre les différents pays, l'utilisation nationale des références à l'étranger montrent que, pour beaucoup, la mondialisation constitue plutôt une compétition généralisée entre les pays. Elle se joue beaucoup plus dans le fait que les pays s'observent, se jugent et s'évaluent, s'imitent parfois, se distinguent également, plutôt qu'ils ne marchent vers un effacement généralisé des frontières.
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Sociological songs special : mais pourquoi fait-on confiance à Eminem ?

C'est toujours la rentrée. Une bonne occasion pour exploiter quelques unes des idées de posts qui me sont venues pendant les vacances, mais qui, face à d'autres urgences, n'ont pas trouvé le temps d'être écrits. Et on va commencer par un petit sociological song special, ou pourquoi fait-on confiance aux chanteurs ?

C'est Sociological Images qui a attiré mon attention sur la dernière chanson de Eminem, featuring Rihanna - il valait mieux, parce que sinon il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller écouter ça (pour moi, le rap, ça restera toujours L'école du micro d'argent). Le thème ? Les amours violentes. Des paroles où alternent la haine et l'amour et des acteurs qui, alternativement, se tapent dessus et s'embrassent avec fougue (voire s'offrent des ours en peluche, acte suprême de l'amour si vous voulez mon avis). Regardez le clip pour commencer :



Le commentaire de Lisa, de Sociological Images, explicite ce que l'on peut en dire sociologiquement (ma traduction):

Ne vous méprenez pas, je pense que c'est une très belle chanson. La performance de Rihanna est magnifique : il est difficile de ne pas sentir sa sincérité en l'entendant. Et c'est ça le problème. C'est une puissante forme de socialisation. Le fait que l'on puisse intérioriser le message que l'amour passionné et la rage incontrôlable vont de pair est vraiment térrifiant. Cela ne suggère pas seulement que l'on doit accepter la violence interpersonnel mais aussi que, s'il n'y a pas de violence dans une relation, c'est peut-être qu'il n'y a pas vraiment d'amour. Et qu'il vaut peut-être mieux y mettre un terme et chercher quelqu'un de prêt à vous battre.

De son côté, le Grumpy Sociologist s'interroge très justement la réception de cette chanson, en contrastant particulièrement les commentaires d'une étudiante, qui y voit une glorification difficilement acceptable de la violence conjugale, et un animateur radio qui dit que, dans le clip, c'est le personnage joué par Megan Fox qui est la plus violente - c'est vrai que c'est elle qui se fait menacer, mais de son point de vue, elle l'a bien cherché... Même si les auteurs ont une intention critique vis-à-vis de la violence conjugale (et c'est le moins qu'on puisse espérer), celle-ci peut être complétement perdue pour leur auditoire.

Je voudrais ajouter à tout cela une interrogation un peu plus large : cette chanson peut effectivement devenir un acteur de la socialisation de différents individus, mais pourquoi lui faisons-nous confiance ? Qu'est-ce qui fait que nous allons croire que ce que disent Eminem et Rihanna dans cette chanson est plus "vrai" que, disons, ce que nous pouvons apprendre par nous-même dans la vie quotidienne (par exemple, qu'un coup de poing dans la gueule n'est pas vraiment un acte d'amour...) ? En un mot, d'où vient la puissance socialisatrice de cette chanson ?

La réponse est moins simple qu'il n'y paraît. On peut certes évoquer la légitimité des chanteurs : on n'aurait plus tendance à croire des individus qui occupent déjà une position particulière. Mais, d'une part, on peut se demander s'il est vraiment rationnel de faire confiance à quelqu'un comme Eminem (avec tout ce que l'on sait de lui) lorsqu'on en vient aux choses de l'amour, et d'autre part, et de façon plus sérieuse, le rappeur n'adopte pas vraiment, dans la chanson, la posture d'un mentor en train de délivrer une grande vérité. De plus, les cas cité par le Grumpy Sociologist rappellent que le message peut être compris de façons différentes, ce qui fait que le poids accordé au chanteur n'explique pas tout. Il faut sans doute évoquer une division du travail beaucoup plus générale : lorsque l'on en vient aux relations amoureuses, certains acteurs ont plus de poids que d'autres. Ce peut être les poètes et leurs versions modernes, dont les rappeurs font partie (pour le meilleur et pour le pire) ou les psychologues (essentiellement pour le pire). C'est sans doute pour cela que, dans ce domaine précis, la chanson peut avoir quelque pouvoir de socialisation. Si Eminem avait essayé par le même moyen de vous conseiller sur vos investissements immobiliers, il aurait sans doute eu moins de succès.

Mais on peut essayer d'aller un peu plus loin. Dans sa forme, la chanson est-elle très originale ? Pas vraiment. Des couplets rappés et des refrains chantées par une voix féminine. Je ne sais pas exactement à quand cela remonte, mais je me souviens avoir entendu NTM le faire à l'époque où j'étais encore de l'autre côté du bureau du prof. La facture générale est très classique et respecte l'ensemble des conventions du monde de l'art propre au rap grand public et au R'n'B de masse (oui, je lis Howard Becker en ce moment). Et c'est sans doute beaucoup plus sûrement de là que vient le pouvoir socialisateur d'une telle chanson : c'est parce qu'elle accepte de se présenter sous une forme déjà connue, ce qui la rend facilement abordable par le public et, surtout, "digne de confiance" si l'on peut dire. C'est moins la personnalité de ses interprètes et auteurs qui est en jeu - même si celle-ci intervient sans doute dans la diffusion de l'oeuvre - que son aspect très conventionnel qui lui permet de faire passer de façon "acceptable" un propos que l'on pourrait trouver, si l'on s'y pencher dans un autre contexte, au mieux fortement discutable. Si Eminem avait rajouté à sa chanson quelques innovations musicales, son propos se serait perdu. Ou plus simplement, s'il avait adopté une forme de rap beaucoup plus "hardcore", pour le dire vite, la puissance socialisatrice n'aurait pas été la même. Ajoutons que le clip s'appuie sur d'autres conventions artistiques, dans le jeu des acteurs, la mise en scène ou l'usage des métaphores - le feu qui dévore la maison pour représenter la passion qui dévore les personnages, c'est subtil comme un sketch de Jean-Marie Bigard.

En un mot, c'est l'aspect conventionnel de la chanson qui lui donne sa force, d'autant plus irrésistible qu'il est largement partagé. Comment y résister ? Peut-être faut-il utiliser les mêmes armes...
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Retour aux sources : généalogie, archives et vie privée

C'est la rentrée. Pour tout le monde. Avec son lot de nouveauté. Ou, dans le cas de la télévision, ce qui s'en rapproche le plus, c'est-à-dire l'adaptation d'émission étrangère. Via l'excellent twitter de e_archiviste, j'apprends le lancement, dès ce soir, de "Retour aux sources", une émission de généalogie sur France 2, version française de "Who do you think you are ?", un programme de la BBC. Non, ce n'est pas de la télé-réalité où des gens vivent en maillot de bain dans une sorte de piscine géante où ils se jettent des substances alimentaires douteuses au visage. De ce fait, l'émission n'aura sans doute droit qu'à un traitement médiatique limitée et sans doute assez plat. Et c'est dommage, car il y a bien des choses à en dire. Et elles ne sont pas forcément réjouissantes.

Lorsqu'une chaîne de télévision labellisé "chaîne pour d'jeuns" lance une énième émission de télé-réalité, il ne manque jamais de commentateurs, le plus souvent à la compétence aussi douteuse que le bon goût des émissions dont ils parlent, pour nous expliquer combien elles sont significativement révélatrices de quelques traits profonds et cachés de nos sociétés, combien les jeunes gens qui s'y agitent sont, en fait, le paradigme de l'individu post-moderne ou quelque chose comme ça - plus il y a de mots qui claquent, mieux c'est. Les explications plus fines, qui passerait notamment par quelques connaissances empiriques de la réception des dites émissions, sont la plupart du temps ignorés.

Mais lorsqu'une émission se propose de mettre en scène la recherche généalogique, l'essentiel des ressorts qui attirent les commentateurs - et qui sont exactement ceux sur lesquels la télé-réalité joue - n'est pas là, et les commentaires sont donc absent. Pourtant, que la généalogie arrive sur le petit écran n'est en rien étonnant tant on peut considérer celle-ci comme un symptôme de certaines des recompositions de la famille moderne.

La recherche généalogique est en effet une pratique qui a eu tendance à se développer et à s'étendre au-delà des seules arbres généalogiques aristocratiques et bourgeois, lesquels visaient essentiellement à la production et à l'entretien d'une lignée et du capital symbolique qui s'y rattache. Les pratiques les plus courantes des généalogistes amateurs - dont l'activité fait l'objet à la fois d'une documentation de plus en plus importantes (via de nombreux sites Internet dédiés) et d'un business juteux (on y reviendra) - se présente généralement comme une recherche de ses origines - c'est apparemment ce que fait l'émission en question (que je n'ai pas encore vu au moment où j'écris). Mais il s'agit en fait plus précisément de créer celles-ci :

Si toutes les lignées étaient remontées jusqu'au XVIe siècle, le généalogiste pourrait s'identifier à plusieurs centaines d'ancêtres... Dans la pratique, c'est impossible et une sélection s'impose de fait ; une lignée en vient à subsumer le foisonnement familial (M. Segalen, C. Michelat, "L'amour de la généalogie", in Jeux de Famille, 1991)

Autrement dit, l'individu engagé dans la recherche en vient à choisir ses ancêtres, et, par là, les personnes avec qui il va se trouver lier. Ce point manifeste de l'électivité des liens familiaux, qui est l'un des traits marquants des familles modernes : on choisit, de plus en plus et dans une certaine mesure, sa famille. Non pas que l'on puisse rompre avec, par exemple, ses parents, mais simplement que les relations avec eux sont moins vécues sur le monde de l'obligation qu'auparavant : il est devenu possible de se fâcher durablement avec un membre de sa famille sans risquer forcément la réprobation générale. Autrement dit, et pour cite François de Singly, "la manière dont [le généalogiste] répond à son besoin de parenté emprunte les chemins de la modernité sous les apparences de la nostalgie familiale" (Sociologie de la famille contemporaine, 2004).

L'émission télévisée en question manifeste ainsi de cette façon typiquement moderne que nous avons de nous reconstruire, ou plutôt de nous créer, une histoire familiale en se réappropriant de façon très subjective nos ancêtres et leur passé. Le "retour aux sources" ne doit donc pas se comprendre comme une fascination pour le passé, mais comme une reconstruction de celui-ci. L'émission pourrait donc avoir la vertu de donner un coup de projecteur sur ces pratiques par lesquels nous reconstruisons notre histoire. Au moment où l'histoire fait l'objet de bien des manipulations, il y aurait lieu de garder ce point en tête.

Car, dans un versant moins souriant, il ne faut pas oublier que les données et les sources sur lesquelles se basent les généalogistes ont été produites dans un objectif bien particulier : elles constituent l'un des piliers de l'activité étatique. C'est en effet par les archives qu'un Etat peut mener à bien la plupart de ces activités. Et celles qui permettent de suivre au travers des âges les lignées familiales - état civil, dossiers divers, etc. - sont autant de signes des pratiques de contrôle exercées sur la population. Pratiques sur lesquelles, en démocratie du moins, il faut également garder, donc, un certain contrôle...

Les archives sont importantes, et on a tendance à l'oublier. A l'heure où certains glosent à n'en plus finir sur la menace de Big Brother, qu'on présente le plus souvent les traits de Facebook et Google, on oublie un peu que, dans le roman en question, c'est par la manipulation des archives, à laquelle participe activement Winston, que l'Etat totalitaire parvient à manipuler sa population et à modifier le passé. La surveillance généralisée n'est qu'un aspect particulier du propos d'Orwell : le contrôle du passé y occupe une place au moins équivalente.

Dès lors, la diffusion de cette émission, qui en soi participe simplement à la vulgarisation de la généalogie, prend un jour nouveau lorsqu'on la met en perspective avec d'autres événements récents mais trop peu médiatisés. Il se trouve qu'une entreprise spécialisée dans la généalogie - dont l'une des branches genealogie.com se trouve sponsorisée "Retour aux sources"... - exige aujourd'hui des collectivités territoriales que soient mises à sa disposition de nombreuses archives, qui vont des fichiers d'état civil aux dossiers médicaux, en passant par d'autres de sinistre mémoire comme le fichier Juif de Vichy, pour qu'elle puisse les numériser, les indexer et les mettre à la disposition de ses clients. Evidemment, ces données sont déjà disponibles, mais les rassembler demandent un effort et un investissement important, et leur consultation oblige à laisser une trace auprès des différents services d'archive. Mais par le croisement informatique de ces données et leur mise à disposition sur le web, il serait possible de reconstituer très rapidement et sans effort ni contrôle toute l'histoire familiale de n'importe quelle personne - sans qu'il y ait possibilité, comme c'est le cas pour les sites de réseaux sociaux, d'y échapper en évitant de s'inscrire. Autrement dit, Facebook et ses photos de soirées trop arrosées fait franchement pâle figure ! L'Association des archivistes français s'en est récemment ému et a mis en garde contre les dérives possibles.

Si la concen­tra­tion des don­nées publi­ques nomi­na­ti­ves et leur indexa­tion sont auto­ri­sées, il sera pos­si­ble à terme, en payant un abon­ne­ment et à par­tir d’un nom tapé dans un moteur de recher­che, de connaî­tre les per­son­nes ayant porté ou por­tant encore ce nom et ayant connu, soit elles-mêmes, soit leurs ascen­dants directs, des ennuis judi­ciai­res, des mala­dies men­ta­les, des par­cours sociaux ou poli­ti­ques pou­vant leur être oppo­sés… Le pro­fil fami­lial d’un citoyen pourra ainsi être recons­ti­tué et rendu acces­si­ble à tous dans tou­tes ses facet­tes (ren­sei­gne­ments médi­caux, don­nées liées à la sexua­lité, ins­ta­bi­li­tés matri­mo­nia­les, inter­ne­ments psy­chia­tri­ques, incar­cé­ra­tions, posi­tions mili­tai­res…). Qu’en fera un employeur sol­li­cité par un can­di­dat à un emploi ? Qu’en fera un ban­quier ou un assu­reur face à la demande de prêt immo­bi­lier d’un par­ti­cu­lier ? Qu’en fera un indi­vidu tenté par l’usur­pa­tion d’iden­tité ? Un jaloux, un rival évincé ?

Ces réflexions devraient aussi amener les sociologues de l'Etat à se poser des questions sur les transformations auxquelles celui-ci fait face. Comme analysé sur le site Archives Online, cette réutilisation des données publiques constituent une forme originale de privatisation : l'Etat est ici contraint de privatiser une partie centrale de son activité, peut-être même la plus centrale, non pas parce que les dirigeants le décident, mais parce que des acteurs non-étatiques l'y obligent. Ce qui se joue ici ne doit certainement pas rester dans le seul monde des archivistes, car les archives nous concernent tous. Dans tous les sens du terme.

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