[Une heure de lecture #4] En attendant mon retour…

Vacances studieuses, comme je l’avais annoncé. Mais je prends quand même un peu de temps pour vous proposer une nouvelle fournée de liens, commentés par mes soins – ma petite touche personnelle. Il faut dire qu’après avoir reçu l’approbation du maître en la matière je ne peux qu’être encouragé à poursuivre la formule. Et même à l’étendre : cette fois, il y aura plus de trois thèmes ! Allez, c’est parti.




1. Enquête PISA : quelques explications

Sur l’excellent site de La vie des idées, on trouve un excellent article sur les enquêtes PISA qui ont fait couler beaucoup d’encre, peut-être plus à l’étranger qu’en France. Julien Grenet apporte beaucoup de précisions sur le fonctionnement de l’enquête et le mode de lecture des résultats, ce qui manque gravement dans les articles de presse sur le sujet. D’ailleurs, c’est la première fois que je trouve une véritable présentation des résultats…

En tout cas, certains passages de l’article ne peuvent que rappeler sa propre expérience à un jeune enseignant. Celui-ci par exemple :

« Dans le domaine de la culture scientifique, les résultats de la dernière enquête PISA révèlent que les résultats des élèves français sont supérieurs à la moyenne lorsqu’il s’agit de prélever des informations dans des supports habituellement utilisés dans l’enseignement scientifique (graphiques, tableaux, croquis) mais que les jeunes français de 15 ans ont des difficultés à mobiliser leurs connaissances pour expliquer des phénomènes de manière scientifique dans des situations de la vie courante non évoquées en classe. »

Les SES, malgré les critiques dont elles font l’objet, donnent souvent l’occasion de travailler à partir de cas quotidiens, de situations de la vie courante. Ce qui semble souvent apprécié des élèves. Mais les amener à mobiliser leurs cours pour comprendre ces situations est l’une des choses les plus ardues auxquelles j’ai jamais été confronté. Il me semble que le lycéen moyen parvient très facilement à compartimenter ses expériences, mettant d’un côté ce qu’on lui apprend, de l’autre la « vraie » vie. L’un des défis auxquels on ne se confronte peut-être pas assez est de relier les deux.

Autre passage intéressant, qui doit être particulièrement violent pour beaucoup de défenseurs de l’éducation française :

« Moins souvent confrontés à des exercices s’inspirant de situations rencontrées dans la vie quotidienne, rarement sollicités pour débattre oralement, les élèves français ne sont sans doute pas suffisamment initiés au débat contradictoire, à l’élaboration de réponses argumentées et se retrouvent plus souvent démunis lorsqu’on fait appel à leur avis personnel ou à leur expérience propre. Ce phénomène pourrait expliquer le taux plus élevé de non réponse aux questions appelant des réponses longues et la difficulté à envisager un document d’un point de vue critique. »

L’une des fiertés françaises est le développement de l’esprit critique des élèves. Il n’est sans doute pas très agréable de se voir remettre un mauvais point dans la matière… Je pense que le problème est le même que précédemment : nos élèves mettent-ils du sens dans ce que nous leur apprenons ? En voient-ils la finalité, l’intérêt, au-delà de la sacro-sainte note ? Il est possible que ce soit trop rarement le cas… Les SES ont essayé, depuis longtemps, de remédier à ces problèmes : en proposant un enseignement ancré sur l’actualité et une pédagogie ouverte au débat contradictoire. Il est sans doute nécessaire d’en faire plus dans ce sens.


2. Chaud et froid


Tiens, d’ailleurs, pendant ce temps, Enro, scientifique et citoyen, nous parle de science chaude et de science froide : ici, , puis encore ici et à nouveau . De quoi s’agit-il ? La science froide renvoie à une représentation de la science comme simple ensemble de résultats à transmettre tels quels, avec un brin de dogmatisme, tandis que la science chaude insiste sur la production des faits scientifiques, les débats, l’activité de recherche. L’influence de Bruno Latour se fait à peine sentir

Là encore, les SES ne sont pas si loin : dans la dernière note en question, il est question de « scientific litteracy », qui, pour ce que j’en retiens, consiste à donner aux élèves les moyens de comprendre les débats scientifiques, de se positionner en leurs seins, de comprendre les controverses et de critiquer ce que l’on leur propose. Ce n’est pas très éloigné de l’objectif que je proposais pour les SES.


3. Penser en sociologue


D’ailleurs, tant que je traînais sur le blog d’Enro, je suis tombé sur cette ancienne note, que je trouve assez intéressante : Enro nous y explique à quel moment il s’est mis à penser en sociologue. Cela m’a rappelé un de mes propres projets de billet, pour l’instant en stand-by : j’y essayais de dégager quelques règles simples « pour penser en sociologue ». J’étais parvenu à en dégager quatre, dans lesquelles les anecdotes d’Enro trouveraient facilement leurs places. Du coup, je pense que je vais retravailler la chose…


4. Pour un American Pie français


J’avoue ne pas toujours arriver à lire complètement les notes d’Emmanuel Ethis. Pourtant, elles sont souvent plus courtes que les miennes… Mais j’ai trouvé celle-ci simplement brillante. Un passage clef :

« Si l’on considère, comme le font généralement les sociologues, que les sujets sur lesquels sont bâties les fictions cinématographiques et télévisuelles d’une société donnée disent beaucoup des préoccupations dominantes de ladite société, alors on peut commencer à penser, en creux, la considération que tel ou tel pays a symboliquement pour son enseignement supérieur, ses enseignants-chercheurs, ses étudiants, ses campus et les moments de vie qui sont attachés à cette période cruciale pour la formation des individus dans le pays considéré en regardant les oeuvres audiovisuelles qui y sont produites »

A la base, donc, une proposition simple : l’absence de cinéma centré sur l’université n’aurait-il pas à voir avec les problèmes de celle-ci en France ? Une fois dit, ça a l’air tout bête, mais on ferait bien d’y réfléchir.


5. Dessins


Mais les blogs ne se résument pas aux sciences sociales, heureusement. Il existe un autre réseau sur lequel j’erre régulièrement : celui des dessinateurs. J’aime beaucoup celui de Martin Vidberg, alias Everland, dont le Journal d’un Remplaçant mériterait une place en IUFM. Allez donc voir cette note : un peu d'humour dans un monde de réformes.


6. Démocratie


Et tandis que sur le blog d’Econoclaste, on s’interroge sur la différence entre un argument démocratique et un argument anti-démocratique, l’Antisophiste s’interroge « Pourquoi la démocratie ? ». La réponse réside sans doute dans l’une des sept raisons avancées…

« La démocratie n’est pas seulement un processus de gouvernement, elle est aussi un système de droits. Prenez « la participation effective » : ce critère implique que l’on reconnaisse aux citoyens le droit d’exprimer leurs opinions, de discuter des affaires publiques avec d’autres citoyens... »


7. Lecture en F


Christophe Foraison nous parle de la lecture en F : quand vous lisez sur votre écran, vous commencez par un mouvement vertical, de haut en bas, et vous passez à l’horizontal lorsque vous trouvez quelque chose qui vous intéresse. Et tout ça, comme Monsieur Jourdan : sans le savoir. C’est d’ailleurs probablement ce que vous êtes en train de faire en ce moment.

Cette information n’a l’air de rien, mais elle explique finalement bien des choses : les trolls par exemple. « Qu’est-ce qu’un troll ? » me demanderont les newbies. Voici ce que dit Wikipédia, toujours aussi pertinent lorsqu’il s’agit de geek :

« On parle de troll pour un message dont le caractère est susceptible de générer des polémiques ou étant excessivement provocateur, sans chercher à être constructif, ou auquel on ne veut pas répondre et que l’on tente de discréditer en le nommant ainsi. »

Beaucoup de trolls – terme qui désigne aussi la discussion stérile qui va suivre le message en question – découle d’une mauvaise lecture d’un propos initial. Sans doute à cause de cette fameuse lecture en F : le regard du lecteur ne retient qu’une partie du message sur laquelle il va commencer à polémiquer sans prendre en compte le reste du propos. Ce site a en été récemment la victime. Faire une sociologie du troll est également l’un de mes projets : ça viendra, un jour ou l’autre.



7 commentaires:

David a dit…

Ton dernier lien "victime" pointe vers Wikipedia, définition de geek. J'imagine un copier-coller un peu rapide...

Moi aussi j'ai lu en F. Parmi ce qui a retenu mon attention, dans cette "lecture en diagonale" (finalement mal nommée), ton point 4. Un American Pie en France, ça donnerait quoi ? La simplicité et la nouveauté de la question m'interpellent...

Denis Colombi a dit…

@ David : le lien est réparé !

Anonyme a dit…

Je suis d'accord avec toi sur le blog d'Ethis, rien que le capslock des titres donne une impresison de pédantisme qui m'enlève toute envie de cliquer.

Comme toi, j'ai lu cette note, et je suis moins convaincu de sa thèse. Pour plusieurs raisons : déjà les professeurs d'université sont des personnages plus fréquents qu'il ne le dit. Rien que comme ça, je pense à des films de Bacri-Jaoui, à Desplechin (je me souviens d'une scène de rupture devant les amphis de Nanterre, dans "Comment je me suis disputé"). Bon, ça n'est pas du cinéma populaire, ok (en télé, il y avait quand même Hélène et les Garçons, qui nous a tous fait rêver aux moments que nous passerions plus tard à la cafèt' et à jouer de la guitare ;<). Mais les professeurs et les étudiants sont représentés, même si c'est rarement dans le lieu même de l'université.

D'où une explication plus simple : le campus n'a pas d'existence propre comme lieu de vie en France. Il y a des Cité U, évidemment, mais l'expérience de la plupart des étudiants est la séparation entre le lieu des cours et le lieu de vie, alors que le campus américain règle toute la vie de la plupart de ses membres pendant quatre ans. Une scène dans un amphi est nettement moins "cinématographique" que dans les lieux de vie. D'autant plus que simplement quantitativement, la proportion d'Américains passés par le supérieur est nettement plus grande que pour la France, jusque dans les années 1990 me semble-t-il. Ces deux facteurs (pour parler en caricature d'économiste : une "demande" de souvenirs de fac, et une "offre" de scènes intéressantes hors des salles de cours) me semblent plus crédibles que la crise de l'université.

Denis Colombi a dit…

@ Markss : tout à fait d'accord. En y rajoutant l'idée avancée par Ethis que les réalisateurs, scénaristes, et autres ne sont pas passés par les bancs des universités.

En fait, ce qui m'intéresse peut être plus, c'est la façon dont cette absence manifeste, finalement, l'absence "d'expérience" universitaire en France : l'université n'est pas un lieu de vie significatif. L'essentiel de la vie étudiante se fait en dehors de ses murs. D'ailleurs, dans l'un des rares films qui abordent un tant doit peu l'université, "L'auberge espagnole", on ne voit presque rien de l'université, mis à part que c'est un "bordel monstre". Bon, en même temps, c'est aussi sans doute très révélateurs de ce qu'est une année Erasmus...

Après, évidemment, on transformera pas les universitaires en ensembles intégrés et vivants juste en tournant un American Pie à la française (surtout qu'on y mettra probablement Christian Clavier...).

On pourrait essayer de chercher des corrélations entre la production de film de campus et le nombre d'étudiant, le type d'études dominants, l'organisation des universités, etc. dans les différents pays : ça aurait au moins le mérite d'être marrant.

Bon, et sinon, c'est quand que Libertés Réelles est mis à jour ? :D

Anonyme a dit…

Hmm... Question suivante? ;)

Anonyme a dit…

Pour David : j'étais au Québec quand Américan Pie (le I ou le II, je ne sais plus) est sorti en Amérique du Nord et le titre francisé (les Québecois le font systématiquement, c'est une obligation légale) était "Festivités de graduation" !!!

Sinon, faut pas pousser mémé dans les orties, il y a quand même quelques soutenance de thèse et passage d'agrégation dans nos chefs d'oeuvre du 7e art que sont Un air de famille et - dans un autre style - L'étudiante (ah sophie marceau et vincent lindon dans un téléphérique... quel romantisme). Après Benny B et L'étudiante, tout le monde va savoir que j'ai des gouts de chiottes maintenant.

Anonyme a dit…

hmmm , j'ai écrit trop vite. Il me semble que c'est plutôt dans On connait la chanson qu'Agnes Jaoui interprète une guide-doctorante en Histoire qui soutient une thèse sur les chevaliers paysans de l'an mil au lac de paladru.

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