Entre les murs (2) : Quelle crise de l'école ?

Deuxième note consacré au film Entre les murs de Laurent Cantet : vous n'avez pas encore lu la première ? Allez-y vite ! J'y parlais de la violence symbolique brillamment mise en scène dans ce film, et de la façon dont s'y substitué lentement une violence physique au fur et à mesure que l'école rencontrait des difficultés. Voici maintenant la suite de mes réflexions : Entre les murs nous délivre aussi un message sur la crise de l'école. Une bonne occasion de préciser de quoi il s'agit.




Benoît Ladouceur, sociobloguant récemment, s'interrogeait sur cette expression de « crise de l'école », reprise dans le titre d'un récent numéro de revue, la jugeant trop « englobante ». Il a bien raison : parmi les réflexes professionnels du sociologue, le scepticisme face au mot « crise » devrait être en tête de peloton. Et ses doutes devraient même être proportionnels à la récurrence du terme dans les médias et les discours politiques. Inutile de dire que face à la « crise de l'école », il est de ce fait nécessaire d'avancer prudemment. Cela ne veut pas dire qu'il faut partir du principe que les acteurs se trompent – il paraîtrait même qu'il leur arrive d'avoir raison... – mais un terme vague et polysémique acquiert trop facilement un usage rituel et creux pour que l'on oublie de le retravailler et de le préciser. Donc acte.


Entre les murs est ici bien utile pour comprendre de quoi on parle. Je suis en effet, au contraire de mon sympathique collègue, convaincu qu'il y a une crise de l'école. Mais pas n'importe quelle crise, et beaucoup des discours qui utilisent, parfois jusqu'à la nausée, ce terme sont trop éloignés de ma position pour que j'y souscrive. Par contre, Entre les murs propose quelques scènes dont l'intérêt pédagogique est évident, développant finalement un message assez clair sur la nature de cette crise.


Mais commençons par le commencement : que peut signifier, sociologiquement parlant, une crise de l'école ? Pour répondre à cette question, il faut commencer par savoir ce qu'est l'école. Les sociologues la désigne comme une institution, ce qui ne devrait pas étonner grand monde, sauf qu'ils y mettent un sens assez précis derrière, distinct de l'usage courant de ce mot. Si on a pour habitude de dire, selon une formule de manuel, que « l'homme est un animal social », ce caractère n'est certainement pas aussi inné que l'on pourrait le croire. En naissant dans une société particulière, on doit apprendre cette société et en particulier ses valeurs, c'est-à-dire ce qu'elle considère comme désirable et qui oriente les actions des individus. C'est là qu'interviennent les institutions.


Selon la formule de François Dubet et Danilo Martucelli [1], les institutions sont des « appareils capables de transformer des valeurs en normes et des normes en personnalités individuelles ». Les normes sont des des principes, explicites ou implicites, qui prescrivent des conduites aux individus. Elles se repèrent à l'existence de sanctions se rapportant à leur non-respect. Dans le cas de l'école, par exemple, la valorisation de la lecture de type humaniste [2] – désintéressée, intellectuelles, etc. - (valeur) se traduit par des prescriptions précises en terme de lecture (lire certains livres, certains auteurs, connaître une certaine histoire de la littérature...) dont le respect ou le non-respect avantage ou désavantage l'élève (norme). La lecture du Journal d'Anne Frank dans le film peut illustrer ce principe. Mais le rôle de l'institution ne s'arrête pas à la formulation de ces normes. Elle a pour fonction – et doit donc être en mesure – de faire incorporer ces normes aux individus au point que celles-ci deviennent naturelles. L'idéal scolaire est que l'élève en viennent à lire par lui-même dans une position humaniste. Cette position peut être illustrée par le cas d'Esmeralda dans le film – une des deux délégués de classe : à plusieurs reprises, celles-ci fait des remarques négatives sur le travail de ses camarades, ce qui montre qu'elle a intégré les normes et valeurs scolaires (en particulier l'échelle de la légitimité scolaire). Cela ne pourrait être qu'une intégration de façade, mais à la fin du film, elle avoue avoir lu La République de Platon, et en joue encore pour se démarquer devenant, en quelques sortes, plus royaliste que le roi. On est bel et bien passé de « valeurs » à une « personnalité individuelle ».


D'une façon plus générale encore, l'école assure une partie de ce que l'on appelle la socialisation : il s'agit du processus par lequel les individus incorporent la société, ses normes, ses valeurs, leurs différents rôles et statuts dans celle-ci. Elle apprend, de manière à la fois explicite et implicite, la vie en société – d'une façon plus ou moins générale – et la vie dans cette société. Contrairement à des vues politiques trop courtes, qui y voient essentiellement une fonction économique (et souvent un poste budgétaire d'une lourdeur inacceptable...), elle ne peut se limiter, par sa nature même, à la simple formation professionnelle. De façon symétrique, certaines vues prophétiques qui en font le levier essentiel de la transformation de la société par elle-même, échouent à comprendre la relation de dépendance qui existe entre l'école et l'organisation sociale d'ensemble, qui fait d'elle un maillon dans une chaîne socialisatrice qui la dépasse.


Ces différentes remarques se retrouvent dans Entre les murs : la fonction socialisatrice de l'école est pour ainsi dire partout. La question de l'apprentissage de la vie en groupe transparaît à chacune des interactions entre élèves, que l'on découvre plus conflictuelles que l'on ne veut généralement se les représenter (je me suis d'ailleurs souvent demandé si certaines personnes n'étaient pas frappées de formes généralisées d'amnésie quand je me remémore mes propres années collèges...). Le film met ainsi l'accent sur le fait qu'à côté de la fonction proprement institutionnelle de l'école, il y a une part importante de la socialisation qui lui échappe : il y a certes les situations d'apprentissages explicitement construites par l'enseignant, mais il y a surtout pour les élèves les innombrables interactions avec leurs pairs – interactions qui leur sont imposées par la forme scolaire, mais que celle-ci ne maîtrise pas toujours. Ces occasions de se confronter aux autres peuvent, par exemple, servir à juger de sa propre légitimité ou illégitimité sur une échelle de valeur extérieure – l'échelle scolaire, déjà évoquée – ou autre. Ainsi, durant un entraînement à l'expression orale et à l'argumentation, les élèves vont s'affronter sur une échelle esthétique – l'élève gothique venant défendre son « style » contre ses camarades – et sur une échelle d'intégration – l'élève remettant en cause le goût de ses camarades pour les championnats africains et se voyant questionner en retour sur sa propre intégration nationale. Pendant un moment, les élèves opèrent une transgression de la finalité proprement scolaire de l'exercice en y investissant d'autres enjeux. L'enseignant semble alors avoir du mal à gérer cette intervention, métaphore d'une école dépassée par l'expérience de ses propres élèves.


On peut en effet imaginer tout ce que le point de vue adopté dans le film – celui de l'enseignant – ne peut saisir. Du fait de sa position, un prof n'a, bien évidemment, qu'un accès extrêmement limité aux interactions quotidiennes de ses élèves, alors que celles-ci sont pleinement constitutives de l'expérience de ces derniers. La fin du film nous montre comment ces interactions créent une solidarité entre élèves incompréhensible pour l'enseignant : Khoumba, blessée lors de la sortie de cours de Souleymane, s'avère être l'un de ses principaux soutiens contre le conseil de discipline. D'une façon générale, le film souligne le peu de contrôle qu'a l'enseignant sur ses élèves, vision plutôt réaliste tranchant avec l'idée d'une école toute puissante transformant implacablement les élèves. On devine, en filigrane, que le collège est un lieu de vie important


Le groupe formé par les élèves du film est particulièrement intéressant de ce point de vue. On sent, tout au long du film, un conflit et une violence latente entre eux et l'institution scolaire, incarnée par l'enseignant, puis par ses différents acteurs. Il s'avère que pour eux rien dans cette histoire ne va de soi : les savoirs que l'on cherche à leur transmettre ne servent à rien – la fameuse scène sur l'apprentissage de l'imparfait du subjonctif – si ce n'est à poursuivre leurs études, les règles sont remises en cause – la protestation contre le conseil de discipline – et perçues comme arbitraires et sans fondements, les activités d'apprentissage volontiers détournées – le questionnement sur la sexualité de l'enseignant. C'est dans ces entreprises constantes de transgression de l'ordre scolaire que se trouve la crise de l'école. Il s'avère en effet que celle-ci ne fonctionne plus tant comme une institution auprès des élèves : non pas qu'elle échoue systématiquement dans sa mission, loin de là, mais cette mission ne fait plus partie de ce qui « va de soi » et doit faire l'objet d'une perpétuelle négociation.


L'école connaît donc le « déclin de l'institution », tel que l'avait synthétisé François Dubet dans son ouvrage éponyme [3]. Dans celui-ci, le sociologue bordelais s'intéresse à certaines institutions relevant du « travail sur autrui » au travers des individus qui réalisent ce travail : infirmiers, travailleurs sociaux, et notamment enseignants. Il fait valoir que le sens prêté à cette activité de transformation des autres – qui ambitionnait tout à la fois de normer les comportements et d'émanciper vers l'autonomie – est de moins en moins clair pour ceux qui le pratique. Les « interventions sociologiques » réalisées par l'auteur selon la méthode tourainienne – entretiens collectifs visant à faire apparaître les conflits entre acteurs – montrent en effet une subjectivité importante dans l'investissement de ces travailleurs, qui se traduit souvent par une mise en jeu de soi plus importante. Le rôle que l'on est censé tenir n'allant plus de soi, il est nécessaire de le réinventer de façon plus locale, ce qui ouvre la voie à toutes sortes de négociation pour le faire valoir. Ce qui est en crise, c'est le « programme institutionnel » : divorce entre les acteurs et le systèmes, ceux-ci veulent de plus en plus faire entendre leurs voix contre la normativité des différentes institutions.


Autant d'éléments qui apparaissent assez clairement dans Entre les murs. Les doutes des enseignants quant au sens de leur activité sont nombreux, au point que l'on assiste à un « craquage » d'un enseignant de technologie en début de film. Les négociations nécessaires à l'activité normale de l'institution sont constantes dans la classe : accepter une conversation sortant du cadre du cours pour espérer raccrocher ensuite, nécessité de justifier auprès des élèves eux-mêmes à la fois les savoirs qu'on leur enseigne et la méthode qu'on utilise – jusqu'aux prénoms utilisés dans les exemples de construction grammaticale ! Ce dernier exemple est particulièrement significatif. Si on suit François Dubet, avant la crise, les institutions étaient les principaux pourvoyeurs de subjectivité chez les individus : c'était au travers d'elles, et notamment de l'école, que les individus acquéraient une identité faisant d'eux des sujets – capable par la suite, éventuellement, de rébellion ou de subversion. Mais dans une société où les cadres de socialisation se multiplient, la subjectivation ne se fait plus exclusivement au cours du travail institutionnel. Les élèves sont déjà en partie des sujets, avec leurs identités et leurs revendications. En particulier leur besoin de reconnaissance : ils ne vont pas chercher dans les exemples de l'enseignant une source d'identité mais ils vont les confronter à leurs propres identités, déjà inscrites dans des conflits plus généraux. Dès lors, se demandent-ils, pourquoi les prénoms utilisés ne ressemblent-ils pas aux nôtres ? Et voilà l'enseignant sommé de s'expliquer...


D'où peut venir cette transformation ? D'où vient cette crise de l'école ? Dans l'ouvrage cité, François Dubet [3] cite différents facteurs du déclin de l'institution : montée de l'individualisme, société pluri-normative, crise des vocations, prise de conscience des limites du programme institutionnel, etc. On peut cependant être plus précis dans le cas de l'école, et retenir deux facteurs particuliers.


Le premier renvoie à la démocratisation de l'école : depuis les années 80 et 90, les collèges et lycées accueillent des élèves issues de catégories qui, jusqu'à ce moment-là, n'avait qu'un accès beaucoup plus limité aux études. François Dubet – encore lui – a ainsi parlé des « nouveaux lycéens » [4]. Si le qualificatif de « nouveau » a perdu de sa pertinence, le phénomène décrit conserve une certaine portée : une partie des élèves que reçoivent aujourd'hui les établissements secondaires ne sont pas acculturés aux normes de fonctionnement de l'école. Pour eux, celle-ci « ne va pas de soi », contrairement à des élèves issus de catégories sociales plus favorisées, qui ont reçoivent l'expérience de l'école en guise d'héritage familial. Ces « nouveaux » élèves se caractérisent notamment pas un rapport très utilitaire à l'école et aux savoirs, ce qu'illustre la mise en question de l'utilité de l'imparfait du subjonctif dans le film. Sur ce point, si ces élèves sont encore « nouveaux », c'est que le système scolaire ne s'est pas suffisamment adapté à ce nouveau public, n'a pas toujours su introduire des innovations pédagogiques, de nouvelles façons d'enseigner pour répondre au défi qui lui était lancé. Le collège unique s'est ainsi limité à être un prélude au lycée, alors qu'il reçoit un public plus diversifié qu'auparavant dans ses attentes et ses ressources : « tout a donc conduit à "forcer" les élèves à se plier à un programme et à un modèle pédagogique conçus pour une minorité, élargie sans doute, mais certainement pas pour toute une classe d'âge » [5]. Le même constat vaut pour le lycée. Les événements fictifs mis en scène dans Entre les murs peuvent se lire comme une illustration critique de ces limites.


Deuxième cause de la désinstitutionnalisation de l'école : les transformations des modes de transmission et des relations entre les générations. J'ai évoqué précédemment le fait que les individus connaissaient une subjectivisation en dehors de celle du travail de l'institution. Une lecture rapide – et idéologiquement pré-orienté – pourrait y voir l'emprise des « communautés » sur notre belle jeunesse... Inutile d'aller aussi loin : les jeunes trouvent identités et ressources subjectives bien plus proche d'eux : dans la culture de masse à destination de la jeunesse. Rappelons que les jeunes ne sont devenus une catégorie sociale à part entière que de façon relativement récente, suite à un processus de construction sociale où les médias de masse joue un rôle central [6]. D'après Dominique Pasquier [7], un modèle de transmission horizontale – des pairs aux pairs, c'est-à-dire des jeunes aux jeunes – a pris la place d'un modèle vertical – des parents aux enfants – ce qui lui fait parler d'une « crise des transmissions ». Du fait de la multiplication des liens faibles, que permettent notamment les nouvelles technologies de la communication (omniprésente, d'ailleurs, dans Entre les murs), le contrôle social exercé par les pairs devient plus important que celui des parents, fournissant d'ailleurs des ressources aux jeunes pour mettre à distance les incitations familiales. Seules des situations sociales très particulières – comme le cas d'un grand lycée du centre-ville parisien – permettent de conserver un modèle d'héritiers proches de ce que décrivaient Bourdieu et Passeron. La possibilité de s'appuyer sur une culture jeune permet aux élèves de mettre plus facilement à distance les jugements et principes scolaires, en particulier si ceux-ci sont négatifs envers eux. Le rôle des vêtements ou du football, également évoqués de façon récurrente dans le film, illustre ce phénomène. Là encore, il ne s'agit pas de tomber dans une déploration nostalgique d'une époque où tout allait bien – en oubliant par exemple les importantes inégalités et la violence du système. Considérons plutôt que l'école a, une fois de plus, des difficultés à s'adapter à cette nouvelle donne. Non pas que les enseignants n'en ai pas pris acte, loin de là. Mais ils ont besoin de disposer des moyens institutionnels – au sens courant – pour le faire.


Crise de l'école : si on veut que ce terme est un sens, il est nécessaire de préciser ce que l'on entend par là. A mon sens, celle-ci désigne avant tout la perte de sens générale de l'école pour ceux qui y sont impliqués. Tant pour les enseignants que pour les élèves. Cette perte de sens trouve une illustration à la fois magistrale et violente dans la dernière scène du film : lorsque Khouma avoue ne rien avoir appris de son année scolaire. Mais c'est sa réplique suivante qui est la plus marquante sans doute : elle ne semble savoir qu'une seule chose, qu'elle ne veut pas aller en voie professionnelle. C'est tout le paradoxe de l'école qui se dévoile ici : si on n'en saisit pas le sens profond – ce que l'on y apprend, son utilité, etc. - on n'en est pas moins conscient de son immense importance dans la société française, et de la hiérarchie de ses différentes filières qui sont autant de stigmatisations positives et négatives. Une fois débarrassée de son sens, il ne reste de l'école que la violence et le sentiment d'arbitraire de ses classements et de leurs conséquences sur les trajectoires individuelles. Cette situation est bien sûr de nature à entretenir et à renforcer la crise en cours.


Voici donc quelles recherches sociologiques j'avais en tête en regardant Entre les murs. L'interprétation que j'en tire – qui n'est pas démontrée, mais illustrée par le film – est, on en conviendra, plutôt sombre. Ceci explique sans doute que je me sois trouvé assez étonné de voir, dans la presse, certaines interprétations enthousiastes du film, y voyant un formidable vent d'espoir ou une incontestable réussite éducative. Il me semblait pourtant que la dernière scène était sans ambiguïté en la matière. Cela n'augure sans doute rien de bon.


Bibliographie :

[1] François Dubet, Danilo Martucelli, Dans quelle société vivons-nous ?, 1998

[2] Cf. Christian Baudelot, Marie Cartier, Christine Detrez, Et pourtant ils lisent..., 1999

[3] François Dubet, Le déclin de l'institution, 2002

[4] François Dubet, Les lycéens, 1991

[5] François Dubet, L'école des chances. Qu'est-ce qu'une école juste ?,

[6] Olivier Galland, Les jeunes, 2002

[7] Dominique Pasquier, Cultures lycéennes. La tyrannie de la majorité, 2004



6 commentaires:

christophe foraison a dit…

C'est toujours un plaisir intellectuel de te lire...
(bon je ne vais répéter toujours ce que j'ai déjà écrit ^^)

Je n'ai pas vu le film (je sais, c'est mal, mais j'ai trop de boulot), je suis en accord avec tes analyses et les références citées (j'aurais juste rajouté François de Singly et ses différentes facettes de l'individualisme).


Quelques remarques

- interview de Marcel Gauchet dans le monde de l'éducation de ce mois-ci:
"la demande des parents est contradictoire. Ils ne récusent pas l'école, ils la souhaitent même dès l'âge de 2 ans. Leur demande de socialisation est très forte. Mais ils récusent la manière dont l'école le fait. Mon enfant est singulier et votre institution ne le comprend pas, disent-ils en substance, car elle fonctionne sur la base de règles impersonnelles, parce que valables pour tous. A cela, il convient d'ajouter un fait historique majeur: ce sont les familles populaires autrefois plus autoritaires que les familles bourgeoises qui peinent le plus à inculquer les règles sociales à leurs enfants."

Cette question des normes / valeurs est vraiment centrale.

Comment élaborer un cadre dans lequel le collectif peut fonctionner tout en permettant l'expressivité individuelle" ?

J'ai parfois l'impression que l'on continue à faire un peu trop de "fordisme" (forte discipline avec de multiples injonctions,cours standardisés, des contenus plaqués sans prendre en compte la demande ^^).
Tu racontes bien comment, à travers quelques scènes, ce qui est en jeu dans la relation avec les adultes et l'institution. C'est le triangle entre institution, règles/valeurs et individu.
Il ne s'agit pas de faire des cours particuliers à chacun (ou de mettre en place des règles uniquement pour un individu).

L'institution doit "lâcher un peu la bride" aux individus (en les reconnaissant davantage), elle n'en aura pas moins d'autorité, et le collectif ne sera pas non plus en miettes (François De Singly l'a bien montré, à travers l'évolution de la famille) que le processus d'individuation n'a pas conduit au chaos que certains craignaient (encore récemment avec le PACS accusé de briser la famille)


- autre élément de réflexion sur la crise de l'institution scolaire: François Dubet comme Marcel Gauchet l'interpréte comme la disparition du consensus collectif et institutionnel sur ce que l'on doit enseigner et comment le faire (voir les débats sur l'actuelle réforme des lycées et dans notre discipline). Ce flou produit des effets désastreux sur les familles et les élèves (cf "A quoi ça sert ?" ou "cela dépend des profs" en parlant des notes, du choix des chapitres ou des auteurs). La question du sens des savoirs scolaires doit être relégitimer, non pas pour faire un programme unique ou répondre encore une fois aux désirs des élèves.
Nous essayons, en classe, de redonner du sens, d'individualiser, de diversifier autant que possible, de traiter des aspects qui concernent les jeunes (jeux vidéo, web) non pas pour rentrer et être accepté dans leur univers culturel, mais pour y introduire des outils, mécanismes qui leur permettront d'un peu mieux se saisir de la complexité du réel.

conclusion: j'ai deux choses à faire:
1/ trouver un moment pour aller voir ce film en repensant à tes deux articles...
2/ acheter "Conditions de l'éducation", Stock 2008 de Marcel Gauchet, Marie Claude Blais et Dominique Ottavi (en même temps, je dois finir le "Faits d'école" de Dubet ^^)

Cordialement

Anonyme a dit…

Bonjour, encore bravo pour vos analyses et notamment celles de ce film que je ne suis pas encore allé voir. J'ai profité de cette seconde partie for intéressante pour relire la première d'ou je tire cette citation: "face à un élève que l'on ne parvient pas à acculturer suffisamment aux normes scolaires, (...) la seule solution qui reste à l'institution est de le « mettre dehors »". Afin d'illustrer ce propos vous parlez ensuite de l'Etat qui arrête les étrangers en situation irrégulière aux portes des établissements scolaires. Il me semble que vous oubliez l'exemple récent le plus emblématique de cette violence symbolique, d'on apparemment le film ne parle pas non plus, à savoir la loi raciste de 2004 contre le port du voile à l'école. Je crois que ce genre de loi, qui ne s'applique concrètement qu'à une partie non négligeable de la population (les musulmans), à qui l'on demande explicitement de s'acculturer en leur signifiant bien qu'aucune place ne leur sera faite, participe à ce manque de légitimité de l'école pour cette population. Voila et encore merci pour vos analyses.

Denis Colombi a dit…

@ Bidganza : "loi raciste", je pense que le terme est fort. Cette loi relève d'un débat fort complexe, et, si je suis personnellement sceptique par rapport à elle, je n'utiliserais pas cette expression. Pour le reste, je crois qu'il est nécessaire de souligner que l'éducation procède de toute façon à une acculturation : celle-ci est tout à fait normale. Par rapport aux musulmans, je pense que les articulations entre la religion et l'école sont forts complexes, et je ne suis même pas sûr que le manque de légitimité de l'école soit à relier à cette question. Bien d'autres choses jouent, de façon bien plus puissantes de la religion.

Anonyme a dit…

Bonjour, et merci de vos réponses Je suis d'accord avec vous lorsque vous affirmé que "bien d'autres choses jouent" et à mon sens cette loi de 2004 fait aussi parti de ces choses. je persiste à dire que la loi de 2004 est une loi raciste je vous invite donc à lire cet article de Pierre Tévanian qui remet en cause les propos tenu par le ministre des écoles de 2003. Un ministre avec lequel votre blog n'a pas toujours été tendre. http://lmsi.net/spip.php?article173

Anonyme a dit…

Bonjour, et merci de vos réponses Je suis d'accord avec vous lorsque vous affirmé que "bien d'autres choses jouent" et à mon sens cette loi de 2004 fait aussi parti de ces choses. Je persiste à dire que la loi de 2004 est une loi raciste je vous invite donc à lire cet article de Pierre Tévanian qui remet en cause les propos tenu par le ministre des écoles de 2003. Un ministre avec lequel votre blog n'a pas toujours été tendre. http://lmsi.net/spip.php?article173

Anonyme a dit…

Bonjour un autre texte de Pierre Bourdieu sur la question du racisme sous jacent à la question du port du foulard à l'école
http://lmsi.net/spip.php?article114

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