Eric Zemmour, l'un de ces "chroniqueurs" dont la légitimité reste un grand mystère pour le commun des mortels, s'est fendu d'une remarque plus que douteuse quant au fait que les délinquants seraient surtout des Noirs et des Arabes. Philippe Bilger, avocat général à la cour de Paris, a pris sa défense sur son blog. L'un comme l'autre aurait non seulement besoin de quelques cours élémentaires de sociologie, mais aussi d'un bon rappel à la loi - ce qui pour le second est tout de même assez savoureux.
Reprenons la citation qui a valut à Zemmour une nouvelle volée de bois vert de la part de différentes organisations anti-racistes :
Pierre Bilger défend cette idée en écrivant sur son blog :
Je me permet donc d'inviter officiellement MM. Zemmour et Bilger à venir assister à un des cours en première Economique et Sociale. Je n'aurais même pas à prendre la parole : mes élèves se chargeront eux-mêmes de leur expliquer ce que je leur ai appris il y a quelques mois, lorsque nous avions ensemble abordé la sociologie de la déviance. A savoir que l'appareil judiciaire n'enregistre pas la délinquance telle qu'elle est, mais telle qu'elle est perçue par l'activité policière. S'il y a un biais dans l'activité de la police pour appréhender surtout des Noirs et des Arabes, alors les audiences correctionnelles et criminelles seront plus souvent peuplées de Noirs ou d'Arabes. En tirer des conclusions sur la délinquance en général, sans prendre aucune précaution méthodologique, est une faute grave qu'un élève de première attentif en cours sait éviter. Ce serait comme penser que le bâton est tordu puisque lorsque je le trempe dans l'eau il paraît l'être.
Maître Eolas, d'ailleurs, ne dit pas autre chose. Je regrette simplement qu'il se sente obligé de s'agenouiller devant la statue de commandeur de Freakonomics. Je ne saurais trop lui conseiller de lire cet excellent livre qu'est Outsiders d'Howard Becker : il se rendra alors compte combien l'approche sociologique a déjà dit tout cela et beaucoup plus - et beaucoup mieux. Le reste de son propos est par contre tout à fait exact, et je ne peux qu'y renvoyer mes lecteurs : Zemmour suggère simplement, dans la simplicité de sa formule, qu'il y a un lien direct entre le fait d'être Noir/Arabe et celui d'être délinquant ; or cela ne tient pas compte de toutes les autres variables qui interviennent dans la délinquance, a fortiori les caractéristiques socio-économiques des personnes. Pour valider le raisonnement zemmourien, il faudrait raisonner "toutes choses égales par ailleurs" : les Noirs/Arabes sont-ils plus délinquants que les Blancs/Autres à caractéristiques socio-économiques égales ?
C'est là qu'apparaît toute la mauvaise fois d'Eric Zemmour : il n'exprime pas le fond de sa pensée, mais joue sur le sous-entendu et présente comme un fait "brut" et incontestable ce qui est en fait déjà une interprétation de la réalité. La formulation a son importance, et faire croire que l'on peut laisser "parler les faits" pour eux-mêmes est toujours, comme le disait déjà Max Weber, absolument malhonnête : selon la façon dont on les organise, ils ne disent plus la même chose. Ce point rend l'hommage rendu par Philippe Bilger à "l'audace" de Zemmour totalement ridicule. Zemmour n'est pas audacieux : il est lâche et n'ose pas dire directement ce qu'il pense. L'usage de mauvais procédés rhétoriques n'a jamais été un signe de courage intellectuel.
Mais il y a plus grave : nos deux pourfendeurs de la "bien-pensance" ont simplement oublié la loi. Pour ce qui est du bouffon médiatique qu'est Eric Zemmour, tenu de raconter n'importe quoi de choquant pour que l'on parle de lui, ce n'est guère étonnant. C'est plus embêtant pour un avocat général. Reprenons, une fois de plus, la formulation de Zemmour en grassant un point trop facilement oublié, y compris par ses critiques :
Eric Zemmour justifie, en fait, les contrôles au faciès : ce qu'il nous dit, c'est qu'il est bien normal que la police contrôle plus les Noirs et les Arabes, puisque ceux-ci sont plus souvent délinquants. Passons sur le fait que ce raisonnement confine à la tautologie : les Noirs et les Arabes sont plus représentés dans l'activité de la police, il faut donc qu'il y soit encore plus représentés. Il y a quelques mois à peine, Fabien Jobard publiait une enquête révélant, sur la base d'une solide méthodologie, l'importance des contrôles au faciès, toutes choses égales par ailleurs, dans les transports en commun parisien - disponible sur le site de Laurent Mucchielli. Il rappelait alors dans les différents médias qui faisait appel à lui que l'on ne pouvait justifier ces pratiques par des questions d'efficacité : la loi interdit simplement les contrôles au faciès. Un contrôle doit s'effectuer parce que le comportement de la personne suggère qu'il peut avoir commis ou se prépare à commettre un acte délictueux. Etre Noir ou Arabe ne rentre pas - et c'est heureux - dans ce cas. Par conséquent, Eric Zemmour et ses défenseurs n'exercent pas un droit à dire des faits, mais encouragent un comportement contraire à la loi. Rien qu'une petite convocation dans un commissariat pour rappel à loi ne saurait arranger.
Reprenons la citation qui a valut à Zemmour une nouvelle volée de bois vert de la part de différentes organisations anti-racistes :
Les français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C'est un fait.
Pierre Bilger défend cette idée en écrivant sur son blog :
En effet, je propose à un citoyen de bonne foi de venir assister aux audiences correctionnelles et parfois criminelles à Paris et il ne pourra que constater la validité de ce "fait", la justesse de cette intuition qui, aujourd'hui, confirment un mouvement né il y a quelques années.
Je me permet donc d'inviter officiellement MM. Zemmour et Bilger à venir assister à un des cours en première Economique et Sociale. Je n'aurais même pas à prendre la parole : mes élèves se chargeront eux-mêmes de leur expliquer ce que je leur ai appris il y a quelques mois, lorsque nous avions ensemble abordé la sociologie de la déviance. A savoir que l'appareil judiciaire n'enregistre pas la délinquance telle qu'elle est, mais telle qu'elle est perçue par l'activité policière. S'il y a un biais dans l'activité de la police pour appréhender surtout des Noirs et des Arabes, alors les audiences correctionnelles et criminelles seront plus souvent peuplées de Noirs ou d'Arabes. En tirer des conclusions sur la délinquance en général, sans prendre aucune précaution méthodologique, est une faute grave qu'un élève de première attentif en cours sait éviter. Ce serait comme penser que le bâton est tordu puisque lorsque je le trempe dans l'eau il paraît l'être.
Maître Eolas, d'ailleurs, ne dit pas autre chose. Je regrette simplement qu'il se sente obligé de s'agenouiller devant la statue de commandeur de Freakonomics. Je ne saurais trop lui conseiller de lire cet excellent livre qu'est Outsiders d'Howard Becker : il se rendra alors compte combien l'approche sociologique a déjà dit tout cela et beaucoup plus - et beaucoup mieux. Le reste de son propos est par contre tout à fait exact, et je ne peux qu'y renvoyer mes lecteurs : Zemmour suggère simplement, dans la simplicité de sa formule, qu'il y a un lien direct entre le fait d'être Noir/Arabe et celui d'être délinquant ; or cela ne tient pas compte de toutes les autres variables qui interviennent dans la délinquance, a fortiori les caractéristiques socio-économiques des personnes. Pour valider le raisonnement zemmourien, il faudrait raisonner "toutes choses égales par ailleurs" : les Noirs/Arabes sont-ils plus délinquants que les Blancs/Autres à caractéristiques socio-économiques égales ?
C'est là qu'apparaît toute la mauvaise fois d'Eric Zemmour : il n'exprime pas le fond de sa pensée, mais joue sur le sous-entendu et présente comme un fait "brut" et incontestable ce qui est en fait déjà une interprétation de la réalité. La formulation a son importance, et faire croire que l'on peut laisser "parler les faits" pour eux-mêmes est toujours, comme le disait déjà Max Weber, absolument malhonnête : selon la façon dont on les organise, ils ne disent plus la même chose. Ce point rend l'hommage rendu par Philippe Bilger à "l'audace" de Zemmour totalement ridicule. Zemmour n'est pas audacieux : il est lâche et n'ose pas dire directement ce qu'il pense. L'usage de mauvais procédés rhétoriques n'a jamais été un signe de courage intellectuel.
Mais il y a plus grave : nos deux pourfendeurs de la "bien-pensance" ont simplement oublié la loi. Pour ce qui est du bouffon médiatique qu'est Eric Zemmour, tenu de raconter n'importe quoi de choquant pour que l'on parle de lui, ce n'est guère étonnant. C'est plus embêtant pour un avocat général. Reprenons, une fois de plus, la formulation de Zemmour en grassant un point trop facilement oublié, y compris par ses critiques :
Les français issus de l'immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C'est un fait
Eric Zemmour justifie, en fait, les contrôles au faciès : ce qu'il nous dit, c'est qu'il est bien normal que la police contrôle plus les Noirs et les Arabes, puisque ceux-ci sont plus souvent délinquants. Passons sur le fait que ce raisonnement confine à la tautologie : les Noirs et les Arabes sont plus représentés dans l'activité de la police, il faut donc qu'il y soit encore plus représentés. Il y a quelques mois à peine, Fabien Jobard publiait une enquête révélant, sur la base d'une solide méthodologie, l'importance des contrôles au faciès, toutes choses égales par ailleurs, dans les transports en commun parisien - disponible sur le site de Laurent Mucchielli. Il rappelait alors dans les différents médias qui faisait appel à lui que l'on ne pouvait justifier ces pratiques par des questions d'efficacité : la loi interdit simplement les contrôles au faciès. Un contrôle doit s'effectuer parce que le comportement de la personne suggère qu'il peut avoir commis ou se prépare à commettre un acte délictueux. Etre Noir ou Arabe ne rentre pas - et c'est heureux - dans ce cas. Par conséquent, Eric Zemmour et ses défenseurs n'exercent pas un droit à dire des faits, mais encouragent un comportement contraire à la loi. Rien qu'une petite convocation dans un commissariat pour rappel à loi ne saurait arranger.