De la micro-économie et des bisounours

Je l'avais réclamé dans les commentaires de cette note de Pierre Maura : un économiste devait expliquer à la face du monde ébloui que, non, la microéconomie ne promeut pas une vision plus "positive", plus "optimiste" ou plus quoique ce soit que la macroéconomie ou la sociologie. Bref que la microéconomie n'est pas plus bisounours que le reste. Emmeline de Regards Croisés sur l'Economie se livre dans l'exercice dans une série de notes qui commence ici. Lecture essentielle.


En plus, elle me cite, ce qui en soit est déjà une preuve de bon goût et de vivacité intellectuelle (une façon à moi de dire merci). Et puis tant que vous y êtes lisez cette note aussi.

Deux remarques supplémentaires sur cette affaire :

Premièrement, Jean-Paul Fitoussi, était invité aux Matins de France-Culture vendredi dernier. L'affaire des manuels de SES a bien évidemment été évoquée. La discussion n'a pas forcément volé très haut - il faut dire qu'avec Alain-Gérard Slama dans la salle, toute élévation est difficile. Je suis cependant très déçu d'avoir attendu quelqu'un comme Fitoussi expliquer que l'économie s'enseigne toujours soit d'une façon favorable à l'Etat, soit d'une façon favorable aux entreprises... Voilà qui est à des kilomètres de ma conception de l'économie, et plus généralement d'une science, qui n'a pas à être favorable à quoique ce soit, ni à qui que ce soit. Dommage, vraiment. Ce matin, c'était Michel Rocard qui m'accompagnait sur le chemin de mon lycée. Comme le dit Mathieu P., malgré ses déclarations de bonnes intentions, il semble encore persuadé que la croissance trop faible s'explique par l'enseignement de l'économie...

Deuxièmement, ce qui est particulièrement énervant dans cette affaire, c'est que l'on ne parle que de l'économie. Et la sociologie alors ? Et les sciences politiques ? Sans doute le problème vient-il de la racine "socio" d'une part, et de l'adjectif "politique" de l'autre. Ces deux disciplines sont sans doute identifiées soit comme "socialiste", soit comme "apprentissage de la politique". Du coup, je redigerais prochainement une note sur les différents sens du mot "social", histoire de clarifier les choses.

A part ça, ma note sur les discriminations n'attend plus que relecture : ne vous inquiétez pas, ça vient.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me souviens d'un petit bourgeois brésilien (disons classe moyenne même s'il y en a peu) qui m'expliquait en s'arrachant le peu de cheveux qui lui restait que les indiens sont des gens impossibles ! Ils ne veulent pas travailler ou plutôt pas trop, pas "comme il le faudrait". Quand ils ont besoin d'argent (par exemple pour se faire soigner les dents ou acheter des médicaments), ils se présentent pour faire le jardin du petit bourgeois. Quand ils ont gagné assez d'argent, ils s'en vont acheter leurs médicaments et laisse le jardin en plan, les tubercules de tulipe au grand air, au grand désespoir du petit bourgeois : "on ne peut pas compter sur eux !" disait-il alors. Weber dirait, lui et peut-être, que cet indien ressemble au drapier vénitien du moyen-âge. Il "travaille" quand il en a besoin. Le reste du temps, il fait mille autre choses plus intéressantes pour lui; comme le drapier vénitiens préférait boire des cafés noirs en jouant au dames une fois ses draps vendus. Si je me souviens bien, il y a chez Weber l'idée que la rationalisation des conditions de des échanges (la nécessité de vendre toujours le même type de drap pour réaliser des profits à coup sûr et non au coup par coup) a conduit à une rationalisation des conditions de production par la volonté de s'attacher des ouvriers qui, comme leurs commanditaire ou comme les indiens brésiliens avaient tendance à travailler au "juste" nécessaire de leurs besoins. Les dérégulations actuelles du marché du travail conduiront peut-être à ce que nous nous comportions de plus en plus souvent comme des indiens ou des marchand de drap du 14ème : une fois que nous aurons suffisamment travaillé, comme le dit emmeline, nous irons manger des fruits ou boire de la bière.

Denis Colombi a dit…

Cher collègue,

Je saisis l'occasion de ton commentaire pour souligner le fait que je suis tout à fait ouvert aux critiques concernant les SES. J'en aurais moi-même quelques unes à formuler le cas échéant. Ce que je regrette par contre, c'est que nos actuels critiques n'aient pas pris la peine de se renseigner sur les finalités de notre enseignement, sur les programmes, et usent d'arguments fallacieux, faisant porter sur notre discipline le désamour supposé (mais non démontré) des jeunes avec l'entreprise. Ce n'est pas la critique qui me dérange, mais la critique incompétente.

Concernant l'aspect multi-pluri-disciplinaire de notre enseignement, mon point de vue est le suivant : l'objectif est moins de croiser les regards que d'en proposer plusieurs. Il me semble important de maintenir dans les SES les différentes disciplines - et d'éviter donc de les réduire à l'économie - parce que toutes les trois (économie, sociologie, science politique) sont utiles. Et surtout parce qu'elles présentent quand même toutes un fondement commun : le projet d'un regard scientifique sur des objets sociaux, quotidiens, proches. L'apprentissage de ce regard me semble déjà un projet imposant. Toutefois il me semble également préférable de bien présenter la spécificité de chacune des disciplines, en quoi elles forment des projets différents. Il n'est peut-être pas utile d'essayer de systématiquement les croiser. En un mot, je pense qu'il est important de conserver les différentes disciplines, mais qu'il faut abandonner l'espoir d'en faire une seule. Après tout, nos collègues d'histoire-géographie n'essayent pas d'enseigner la géohistoire.

Votre commentaire me fait également penser que je voulais mettre les liens à jour, notamment en rajoutant votre blog et quelques autres d'enseignant de SES. Je vais mettre à partie mes courtes vacances pour cela.

Cordialement.

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