Sexe, marchés et jeux vidéo

Sur le blog Sociological Images, un post s'intéresse à l'inflation poitrinaire de certaines héroïnes de jeux vidéo (pour voir l'image, cliquez sur "lire la suite", bande de pervers). On pourrait en conclure à un sexisme très fort dans les jeux vidéo. Mais alors comment expliquer que ce même univers ait pu fournir quelques exemples d'héroïnes féminines beaucoup plus "positives" ? Pour le comprendre, il faut se pencher sur l'organisation du marché (attention : ce qui est après le saut est No Safe for Work comme disent les anglo-saxons).


Si l'image ci-dessus peut avoir quelque chose de frappant, je doute pour autant qu'elle représente une transformation récente ou même une simple évolution dans le (plus si) petit univers des jeux vidéo. La mise en avant de personnages féminins plus ou moins sexualisés n'est pas franchement nouveau, et pourrait être considéré en la matière comme une tendance lourde. Il faudrait sans doute faire quelques statistiques, objectiver un peu tout cela, mais reconnaissons qu'il y a peu d'indices qui laissent à penser que ce soit là un phénomène récent.

On pourrait donc penser que le monde des jeux vidéo est un univers sexiste où le corps des femmes est exploité afin de séduire une audience que l'on suppose à la fois masculine et hétérosexuelle - les sociologues américains parlent d'hétéronormativité, une notion plus rare dans la littérature française (et c'est bien dommage). Mais quand on y pense, les jeux vidéo mettent également en avant des personnages féminins forts, assez éloignés des stéréotypes de passivité trop souvent attaché aux femmes. Il y a certes un bon lot de princesses à sauver, mais même des "enlevées" professionnelles comme Peach ou Zelda ont pu être mise en scène de façon plus "musclée" : dans la série des Super Smash Bros, par exemple, elles maravent graves des tronches.

Il est très difficile de trouver une image des deux personnages en train de combattre (pour la source de celle-ci, cliquez). On essayera de comprendre pourquoi plus loin dans le billet.

Evidemment, Peach ne nous épargne la rositude et les poses stéréotypes - jusqu'aux coups de poêle à frire assénés sur la tête de l'adversaire... Zelda a aussi tendance à prendre une place de plus en plus active dans sa série : de simple "objet à sauver à la fin du palais" dans les premiers, elle est devenu guide du héros (travestie, certes, en homme) dans Ocarina of Time ou chef d'un bateau pirate qui ne s'en laisse pas compter dans The Wind Waker.

Mais d'autres personnages évitent même ces stéréotypes. L'exemple le plus fameux est celui de Lara Croft : une archéologue qui crapahute joyeusement dans la jungle, flingue des espèces en voie de disparition à tout va, court, saute, résout des énigmes, et renverrait volontiers Indiana Jones au rang de petit rigolo avec un fouet. On me dira qu'elle porte un mini-short et a une poitrine généreuse. Certes. Mais le mini-short peut sans doute se justifier quand on se balade dans des zones tropicales. Et vue les stéréotypes attachés aux femmes poitrinairement avantagées, le fait que le joueur ne la contrôle ni pour se dégoter un mec, ni pour choisir une trente-sixième paire de talons aiguilles, c'est déjà pas mal.

Sans doute certains lecteurs se disent-ils, à ce stade, que je délire : considérer Lara Croft comme un personnage féministe ! Pourtant, dans le cadre du jeu, elle en a certains aspects. Dans le cadre du jeu. C'est ça qui est important. Parce que lorsque les médias mainstram se sont penchés (massivement qui plus est) sur le personnage, c'est ce genre d'image qui a été utilisé et diffusé :


Voici une Lara Croft ramenée au statut de simple mannequin de mode. Si les médias mainstream ont été très intéressés par le physique du personnage, ils ont été beaucoup moins empressés de se souvenir que pour être archéologue, il faut en avoir dans le ciboulot. Plus encore, l'attitude donnée au personnage dans ces représentations est beaucoup plus "sensible", ici avec un petit côté craintif : exit, donc, le côté aventurier et volontaire !

Pour m'en référer toujours à Howard Becker et à ses mondes de l'art, pour sortir du monde du jeu vidéo et s'intégrer à celui des médias de plus grandes audiences - le premier Tomb Raider date de 1997 rappelons-le - il a fallut se plier aux conventions de ceux-ci, aux règles et aux attendus de ceux qui peuvent contrôler l'accès des biens culturels à un public plus large : journalistes, presse, etc. Et ceux-ci ont été attiré et ont diffusé des images respectant les canons de la photo de mode et de la présentation sexualisé des femmes dans la presse, y compris la passivité des attitudes. Première leçon donc : l'exploitation du corps des femmes à des fins promotionnelles n'a pas à voir seulement avec une force "naturelle" de la sexualité sur les comportements d'achat, mais sur l'existence d'une structure et d'un système d'attentes de telles représentations dans le marché des biens culturels.

Ce n'est pas le cas seulement pour Lara Croft. Pensons au personnage de Dora l'exploratrice. Certes la série peut sembler irritante d'un point de vue adulte avec son univers sucré, ses chansons simplistes et sa façon de s'adresser au spectateur. Il n'en reste pas moins que c'est l'un des seuls personnages féminins destinés aux enfants qui ne soit pas ultra-féminisé : pas de talons hauts, pas de petites jupes ou de piercing au nombril, pas d'intérêt pour la mode et les frivolités, mais un look adapté à son activité principale - l'exploration - dans laquelle elle n'a rien à envier aux hommes. Franchement, à choisir entre ça et certaines autres séries, je sais ce que je préférerais que mes futures filles regardent... (de toutes façons, je leur lirais La Huitième Fille de Pratchett, elles apprendront vite). Pourtant combien de fois les médias ont-ils mis l'accent sur ce côté finalement assez féministe de Dora ? Une fois de plus, ce sont les jouets et les autres produits dérivés qui, pour attirer l'attention, ont dû se plier aux normes du sexisme.

Mais on peut aller plus loin. Regardons donc ce qui arrive à une autre héroïne du monde des jeux vidéo, pour le coup beaucoup plus ancienne que Lara Croft : j'ai nommé Samus Aran, héroïne de la série Metroid, peut-être l'une des figures les plus anciennement féministes en la matière. Samus est une chasseuse de prime de l'espace qui met régulièrement ses services à la disposition d'un gouvernement galactique en lutte contre les inquiétants Pirates de l'espace autour d'une race extraterrestres - les metroids - à exploiter à des fins militaires quand Samus serait plutôt prête à se débarrasser de cette menace. On le voit, on est très loin de Léa Passion Talons Aiguilles. D'ailleurs son apparence ne laisse aucun doute là-dessus : Samus n'est pas là pour la gaudriole. Voyez plutôt.


La série, d'ailleurs, s'abstient généralement de jouer sur la féminité de son héroïne. Celle-ci constituait une surprise dans le premier épisode de la série (sur NES), le joueur ne découvrant que dans une séquence finale où il fallait avancer sans l'armure, que le personnage qu'il contrôlait depuis le début était en fait une femme - ce qui interrogeait de façon très intéressante nos présupposés en la matière, puisque nous avons en effet tendance à penser qu'un personnage principal est, par défaut, un homme. Mais par la suite, il n'a pas été question de mettre en scène de façon caricaturale sa féminité : certains personnages l'appellent affectueusement "young lady" ou "princess" sans que cela ne conduisent à une dévalorisation puisqu'on la voit parler d'égale à égal avec eux, voire avec une position supérieure ; on ne lui a pas adjoint un petit copain ou un amoureux auquel elle serait prête à sacrifier sa vie de chasseuses de prime est son indépendance ; dans tous les épisodes, elle est le moteur de l'action et se caractérise par son sang-froid et son courage, pas par ses émotions "hystériques" (ce que Nintendo avait pourtant fait dans Super Princess Peach où les émotions de celles-ci, comme sa tendance à pleurer, étaient ses armes - image ci-dessous).


Certes, on me dira que, dans les premiers épisodes (en gros avant le passage à la 3D), Samus apparaissait en bikini dans les génériques de fin, pour peu que le joueur réalise certains objectifs (comme parvenir à la fin dans un temps donné), ce qui pouvait laisser penser qu'elle était une "récompense". Mais c'est assez secondaire par rapport à l'ensemble de la série. Et il faut remettre les choses dans leur contexte : je me souviens avoir toujours eu, à l'époque, une vraie attente vis-à-vis des scènes finales des jeux, espérant y voir, comme récompense, des images d'une qualité graphique supérieure à l'ensemble du jeu indépendamment de leurs contenus.

Mais ce personnage a fait l'objet de réappropriation de la part des joueurs. En tapant "Samus Aran" sous Google Image, on peut en voir un exemple très concret.

Ici, j'ai simplement tapé "Samus" (cliquez pour voir en plus grand).

Bon nombre des résultats sont des "fan-art", c'est-à-dire dans le jargon de la pop-culture, des dessins réalisés par des fans dans une perspective à la fois d'hommage et d'appropriation - les personnages pouvant être mis en scène dans des situations qui n'existent pas dans les œuvres originales. Concernant Samus, ceux-ci sont assez parlant. Reprenant parfois le personnage version "zero suit" (sans armure) tel qu'il apparaît à la fin de Samus Zero Mission (remake sur GameBoy Advance du premier jeu sur NES) et dans Super Smash Bros Brawl, parfois avec son armure, beaucoup de ces fan-art consistent en des "féminisation" d'une héroïne visiblement insuffisamment stéréotypés au goût des joueurs. Qu'on en juge :


On retrouve, comme chez Lara Croft, la même adaptation des poses des mannequins, identifiées comme typiquement féminines. Au visage souvent austère et grave que présente Samus dans la plupart des épisodes - il s'agit d'une orpheline qui consacre sa vie au combat et à la violence, elle n'a de toutes évidences que peu l'occasion de se bidonner franchement - est substitué un air beaucoup plus avenant et séducteur, recherchant visiblement le regard d'un spectateur, probablement masculin. D'autres images transforment certaines de ses caractéristiques les plus guerrières en arguments érotiques :


Pour les ignares qui n'ont jamais joué à un Metroid, il faut savoir que l'armure de Samus lui permet de se réduire en boule ("morphball" dans le jeu) et ainsi d'accéder à des lieux difficiles d'accès ou de déposer des bombes dévastatrices. Ici, c'est juste une occasion de spéculer sur sa vie sexuelle. D'autres choses existent avec son armure, qui se trouve elle aussi pouvoir être sexualisée.

D'autres représentations sont plus radicales encore dans la sexualisation - et je n'ai pas voulut aller voir ce qui se passe sur des sites plus particulièrement pornographiques... En se tenant à une simple recherche sur Google, on trouve déjà plusieurs situations où elle apparaît attachée et ligotée (un parallèle à faire avec Fantômette ?).

Image trouvée ici : évidemment, pour montrer qu'elle est l'une des "filles les plus sexy", il faut la montrer comme ça...

Ce dernier cas est particulièrement éclairant. Samus apparaît incontestablement comme un personnage féminin fort, ayant même des caractères généralement attribués au masculin (le courage, la détermination, un certain refus des règles, une forte indépendance). Par certains aspects, on pourrait la juger comme "dominante". Mais ce n'est apparemment pas cet aspect qui est érotisée. Au contraire, c'est précisément par une re-féminisation, une "mise à sa place" en d'autres termes, que les "fans" (je met les guillemets parce que je trouve ce traitement d'un aussi beau personnage très décevant) se la réapproprient. Pour qu'elle puisse être classée parmi les "héroïnes les plus sexy", il faut qu'elle soit attachée : une femme ne peut pas être active et sexy à la fois...

Voilà donc une deuxième leçon : la sexualisation des héroïnes n'est pas seulement le fait des producteurs de jeux vidéo ou des médias qui les entourent, mais également du public lui-même et de la façon dont il reçoit les biens qui lui sont proposés.

Essayons maintenant de répondre à cette question : pourquoi utiliser la sexualité (celle des femmes donc) pour vendre des jeux vidéo ? Sur Sociological Images, l'explication est la suivante : c'est un moyen d'attirer le regard dans le flux continu de publicité que reçoit chaque jour le spectateur moyen. C'est donc la concurrence entre les différents produits - et la structure du marché - qui explique ce recours au sexe. Mais voilà : pourquoi recourir à cela et pas à autre chose ? Pourquoi ce choix particulier ? On pourrait passer par l'humour, par la violence - j'avais déjà analysé l'utilisation de la violence dans les jeux vidéo ici - ou autre chose.

Pour le comprendre, je pense qu'il faut regarder le marché du jeu vidéo d'un œil sociologique. Cela signifie qu'il ne faut pas penser le marché comme la simple rencontre d'un offreur et d'un demandeur le temps d'un échange - ou ici la tentative de séduction d'un acheteur isolé par l'usage d'une imagerie sexuelle - mais tenir compte des relations qui peuvent exister entre les différents offreurs d'un côté, les différents demandeurs de l'autre, et entre les uns et les autres. Sur le marché du jeu vidéo, les biens font l'objet, une fois distribués, d'une intense circulation entre demandeurs. Ils sont objets de discussions et supports de relations : on joue ensemble, on se rassemble entre fans, on discute. Ces relations contribuent à reconstruire sans cesse le sens des biens : comme ces relations se sont historiquement d'abord établies entre garçons - pour toutes sortes de raisons sur lesquelles il serait trop long de revenir ici - elles sont un terreau favorable à la sexualisation illustrée par le cas de Samus Aran.

Cette circulation des biens culturels ne demeure pas silencieuse. Elle s'exprime au contraire de différentes façons, se donne à voir, et ce de plus en plus via Internet qui contribue à la rendre publique. Les producteurs peuvent facilement l'observer. Il faut ainsi tenir compte de la façon dont les offreurs prennent connaissance de la demande. Dans le cas des jeux vidéo, il serait intéressant d'étudier ce qui se passe dans les nombreux salons de jeux où il semble bien exister une ségrégation sexuelle relativement marquée, puisque les femmes y apparaissent, au moins dans les compte-rendus fait par la presse, essentiellement comme danseuses ou potiches aguicheuses, tandis que les hommes pourraient bien être sur-représentés dans les visiteurs et les journalistes (je ne parle même pas des équipes de production, de promotion et de distribution).

C'est donc là, dans l'ensemble du fonctionnement du marché, que peut se trouver l'origine du sexisme dans les jeux vidéo et de son maintien. Les joueurs, loin d'être les consommateurs passifs d'une imagerie venus d'en haut, y contribuent activement. Tout comme l'ensemble des médias, y compris les plus mainstream, y compris, peut-être, ceux dont on pourrait attendre une plus grande vigilance en la matière - combien de magazines grand public ont consacré des pages à une Lara Croft érotisée ? Loin donc de se limiter à un évènement isolé ou à la dérive d'une industrie prête à tout même à l'exploitation du corps des femmes pour maximiser ses profits, le sexisme dans les jeux vidéo devrait nous faire réfléchir tous à ce que nous faisons et à la façon dont nous y contribuons.
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14 commentaires:

Maitresinh a dit…

Oui, mais il me semble que l'on peut formuler cela de cette maniere :les jeux videos, comme d'autres domaines, sont un refuge de la construction identitaire masculine.

D'un autre coté je doute que les femmes ( les vrais, sur les salons ou autre) "subissent" le phénomene, bien au contraire elles l'on récuperé (voir la troiseme femme de Lipovetsky). Pour comprendre cela dans le cadre des jeux videos, il ne faut pas perdre de vue l'influence structurante de la culture pop nippone, que A. Gomarasca étudie depuis longtemps ( certes, ce n'est pas un économiste...)

http://www.babelio.com/livres/Gomarasca-Poupees-robots-la-culture-pop-japonaise/124634

Pour ce qui est de la femme, il montre la révolution à l'oeuvre dans le retournement/réappropriation identitaire sexué. En résumé, les héroines japonaises sont de petites filles fragiles, et c'est de cette maniere qu'elles réussissent les épreuves (non par la castagne). Le grand exemple est l'uniforme d'écoliere, dont les filles se sont réappropirés l'ambiguité.

Justement, la différence est patente avec Laracroft, personnage masculin virilisé qui n'est pas un personnage nippon, et obéit a une imagerie occidentale plus traditionnelle ( une fille en apparence seulement - et encore, la poitrine-, mais au comportement "viril")

Apres, c'est sur que le déplacement de l'asie à l'occident influence la maniere dont ces personnages sont interpretés, mais Gomarasca montre aussi que pour la 1ere fois dans l'histoire de la culture pop, dans le mouvement "japonais", ce sont les filles qui sont dans leur immense majorité icones et acteurs ( comme dans la j-pop), y compris comme modele pour les hommes (contrairement aux mouvements -et artistes, rock, hippie, punk, etc...)

C'est un peu lapidaire, mais bon, je pense que ça valait le cout d'etre mentionné...

coulmont a dit…

Pour continuer à faire dans le "relationnel / structurel", il me semble que les héros masculins sont aussi transformés et virilisés (taille des biceps, des pectoraux, et probablement aussi, du "bulge" - l'excroissance moulée de l'entrejambe).
Et il doit y avoir du fan-art dénudé, là aussi, probablement pas sous la forme du bondage.

Unknown a dit…

Très intéressant comme article.

Un autre personnage qui tend à également à nuancer le tableau est Sarah Kerrigan qui apparaît dans la série Starcraft.

Denis Colombi a dit…

@Maitresinh : c'est intéressant (et que vous citiez quelqu'un qui n'est pas économiste n'est pas grave : je ne le suis pas non plus, je suis sociologue). Néanmoins, il faut bien souligner que Samus Aran est un personnage de création japonaise. Et justement il a fait l'objet d'une certaine "re-féminisation" dans le dernier volet (Metroid : Other M) où son indépendance et son courage s'est vu subitement diminué (alors que, dans le monde du jeu, c'est la cinquième fois que Samus affronte son arch-ennemy - Ripley, qui a tué ses parents - c'est la première fois qu'elle exprime de la peur !)

Il me semble aussi que si les femmes sont au cœur de la culture pop nippone, y compris comme modèle pour certains garçons, ce n'est pas évident qu'elles en sortent pour autant grandie. Au contraire, leur sacralisation peut être très discriminante et très pesante pour celles qui ne parviennent à se conformer à l'image idéalisée renvoyée par cette culture pop. Comme en occident quoi.

@coulmont : en utilisant la même technique que pour Samus - google image... - j'ai trouvé ça : http://mario.fulguro.com/index.php?post/2008/06/18/43-il-etait-une-fois-au-royaume-des-champignons-partie-2-

Intéressant de noter qu'il y en a moins que pour Samus. Intéressant aussi de noter que ces représentations "masculinisées" sont adressés aux gays. Il y aurait matière à une autre note.

@Paul : j'ai pas mal zappé les jeux sur PC. Je me demande s'il y a une différence avec les consoles.

Nathalie a dit…

Certes, dans nombre de cas, l'héroïne est sexualisée. Pourtant, il existe quelques contre-exemples.
Vous avez cité Dora l'exploratrice et Laura Croft. Je voudrais attirer votre attention sur Barsa la lancière, héroïne de la série "Seirei no moribito" pas encore licenciée en France mais qu'on peut trouver en fan-sub.
On a là une héroïne courageuse, intelligente, active, indépendante, douée d'un haut sens moral (elle a fait voeux de sauver 8 vies sans en prendre pour racheter les 8 qui ont dû être prise pour la sauver quand elle était enfant). En plus de ces aspects elle est aussi féminine : elle est aimée et aime en retour, même si c'est avec une certaine réserve, elle prend un enfant en charge, veille sur lui et assure son éducation, son bien-être et son épanouissement, tant matériel que moral ou affectif, elle a des formes harmonieuses qui ne sont ni dissimulées par une armure ni exhibées, simplement un corps de danseuse ou de guerrière, ce qu'elle est.

Romain a dit…

Le lien que vous avez mis en réponse à Baptiste Coulmont est assez intéressant. Je me demande si ça ne fait pas aussi partie du folklore typiquement japonais d'emprunter au registre gay quand il s'agit de personnages masculins.
Je pense notamment au yaoi (ce genre de manga décrivant des histoires d'amour entre hommes homosexuels à destination d'un lectorat féminin et principalement réalisé par des femmes aussi) ou au comique Hard Gay célèbre dans l'Archipel. Ce ne sont que deux exemples et je serais bien incapable de fonder une explication à chaud, mais peut-être peut-on en dire quelque chose...

Guillaume a dit…

Je partage votre point de vue quant à la méfiance qu’il faut avoir sur les idées que véhiculent certaines images et notamment les images des jeux vidéos. Mais le sexisme de la surenchère et la sexualisation à outrance des personnages féminins est-il l’essence des jeux vidéos ou simplement la fine couche marketing de la publicité de certains ? Vous l’avez déjà développé mais j’insiste, il me semble qu’à l’instar des films fantastiques (Alien, Terminator, Kill Bill...) les jeux vidéos font également la part belles aux femmes « fortes » et cassent la représentation sexiste que de nombreux autres médias diffusent allègrement. En citant les personnages de Lara Croft et de Samus Aran, vous proposez deux contre-exemples, Paul et Nathalie également et nous pourrions en allonger la liste en parlant des héroïnes de Résident Evil, Metal Gear Solid, Final Fantasy ou encore Mirror’s Edge pour des jeux très connus (sans compter les jeux qui laissent le choix d’incarner un homme ou une femme).

Lorsque vous proposez l’hypothèse d’une tentative de « re-féminisation » du personnage de Samus Aran dans le dernier volet de Metroid, on peut également soumettre l’idée d’une volonté d’« humanisation » et de construction d’une psychologie sur un personnage qui a pu être un peu trop « basique et parfait » dans les premiers jeux. Il arrive également que certains personnages masculins éprouvent des doutes, de la peur, de la faiblesse... sans pour autant les amener à une refonte de leur identité sexuelle à la fin du jeu.

Denis Colombi a dit…

@Nathalie : sans doute faudra-t-il surveillé les fan-art. Une sexualisation est aussi à craindre de ce côté-là...

@Romain : Je m'y connais moins - donc vous pourrez sans doute m'en dire plus et me corriger - mais il me semblait que le Yaoi ne s'appuyait pas sur des versions aussi "masculinisés" de leurs héros, mais plutôt des corps "féminisés".

@Guillaume : peut-être avez-vous raison pour le dernier volet de Metroid, mais dans l'intention alors. On aurait pu, je pense, ré-humaniser le personnage sans tomber dans certains des travers de celui-ci (à commencer par cette fameuse scène contre Ridley : la vraie Samus n'aurait jamais reculé !). On aurait pu la montrer se confrontant aux normes relatives aux femmes plutôt qu'en la reféminisant. On aurait pu mettre l'accent sur son côté bountyhunter et la rendre un peu plus "tête brulée" - ce qu'elle est dans d'autres jeux. On aurait pu faire beaucoup de chose, à commencer par écrire un scénario et des dialogues solides (sinon, les scènes de jeu sont vachement cool).

Denis Colombi a dit…

@Baptiste : effectivement l'évolution dans le temps est assez claire ! Cependant, je me pose une question : dans le monde des Comics, on a vu une évolution sensiblement différente, passant d'un Superman "gros tas de muscles" à un Spiderman beaucoup plus fluet (même si lui aussi il malaxe des faces à longueur de pages). On peut aussi comparer ce dernier à Wolverine pour rester chez Marvel (et comparer le Wolverine original à Hugh Jackman dans les films). Il semble qu'il y ait un double mouvement assez intéressant.

@Antonin : merci pour les liens. Ce qui serait intéressant, ce serait de connaître la réception du Yaoi en dehors du Japon.

ozerbib a dit…

D'accord pour ce qui est de la (re)construction des stéréotypes de genres par l'industrie des jeux vidéos, et éventuellement la remise en cause partielle de ces derniers par l'importation de modèles non occidentaux (yaori, etc.).

Je pense par contre qu'il faut tenir compte de la capacité qu'ont les joueur... à jouer, précisément, de ces stéréotypes. A les déjouer, pour partie, aussi.

Que signifie, pour un adolescent masculin, le choix d'incarner un personnage féminin, parfois pour une longue durée comme dans des jeux tels que World of Warcraft ?

Même chez les plus jeunes, il est frappant de constater à quel point le choix d'un personnage peut constituer une phase délibérative questionnant, précisément, ces frontières entre genres. Mario est-il trop féminin ? Peach trop manièrée ? Warrio pas assez subtil ? etc.

Si l'on pense le marché du jeu vidéo sur un modèle coopératif, alors il faut prendre en compte les sociabilités qui définissent la réception de ces produits par les joueurs... et leur conférer des capacités interprétatives et réflexives qui dépassent la simple intégration de valeurs venues d'"en haut".
Pour le dire plus simplement, je pense que les jeux vidéos contribuent bien davantage à questionner les stéréotypes sexuels qu'à les reproduire, justement.

Nicopompus a dit…

C'est toujours un énorme plaisir que de lire tes analyses fines, Denis! Keep writing!
David K. Nouvel

Denis Colombi a dit…

@ozerbib : avez-vous bien lu le billet ? Il s'agit justement de se pencher sur la façon dont les joueurs ré-interprètent "ce qui vient d'en haut". Simplement, l'exemple de la "pornification" de Samus montre qu'ils ne sont pas forcément moins sexistes... Je veux bien croire qu'il existe d'autres modalités de réception. Mais cela signifie que les joueurs ne sont pas un ensemble homogène, et qu'il faudrait s'intéresser aux différences de réception, aux luttes, etc.

@Nicopompus : merci !

Maitresinh a dit…

@ Denis Colombani

"Au contraire, leur sacralisation peut être très discriminante et très pesante pour celles qui ne parviennent à se conformer à l'image idéalisée renvoyée par cette culture pop. Comme en occident quoi."

C'est quand meme assez normatif comme point de vue. Comme si on etait toujours axiologiquement dans la seule perspective "beauvoir".

Tout le probleme est la à mon avis, celui de l'altérité de la culture japonaise -et pas la culture traditionnelle, la moderne: le "féminisme" japonais est probablement plus en phase avec la post-modernité, d'ou le succes de la culture pop nippone.."ici".

Mais bon, ceci dit, je ne suis pas consommateur de jeux videos ( en tout cas, depuis bien longtemps deja) et encore moins de Jpop...

Denis Colombi a dit…

@Maitresinh : quand même, quand vous commentez un billet de blog, vous pourriez faire l'effort d'écrire correctement le nom du propriétaire des lieux :)

Je ne comprends pas votre référence à Beauvoir. Dire qu'il existe des modèles et qu'il peut être difficile pour les individus de s'y conformer, ça vous semble problématique axiologiiquement ? Pourtant, il existe des modèles masculins qui n'en sont pas moins pesants pour les individus qui ne peuvent ou qui ne souhaitent s'y conformer. Allez demandé aux pratiquants de danse classique...

Je ne vous dirais pas ce que je pense de la "post-modernité", concept creux et dénué de sens. Quant à inférer le succès de la culture japonaise ici et maintenant au fait qu'elle serait "en phase" avec quelque chose, c'est négliger toutes les relectures, réinterprétations et transformations que subit cette culture ici.

Succès de la culture pop nippone qui est d'ailleurs à relativiser : les mangas sans doute. Mais rien que la musique, c'est déjà beaucoup plus limité...

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