Il y a d'abord eu les attaques contre la théorie de l'évolution, à grand coup de constructions pseudo-scientifiques mais vraiment religieuses qui ne valent pas beaucoup mieux qu'un mauvais plat de spaghetti. Il y a, depuis peu, l'extension de ce "combat" contre l'astronomie, la condamnation renouvelée de Galilée et le retour tonitruant de la Terre au centre de l'Univers. Il y a eu, surtout, juste à côté de chez vous, la destruction d'une œuvre d'art dans une indifférence presque totale. Et, dernier épisode de cette triste série, ce sont les théories du genre, introduites dans les programmes d'éducation sexuelle du collège, qui font l'objet des assauts des néo-réactionnaires. A chaque fois, la même stratégie : occuper le terrain pour re-définir le monde à leur avantage. Et ce qui est inquiétant, c'est que ça marche.
C'est donc Christine Boutin, des "associations familiales chrétiennes", l'enseignement catholique et quelques autres qui ont décidé de s'en prendre aux théories du genre au moment où celles-ci apparaissent dans les cours d'éducation sexuelle du collège - bientôt, ils tomberont sur les manuels de sciences économiques et sociales et pousseront sans doute les mêmes cris d’orfraie.
L'objet de leur ire ? L'idée qu'il faut différencier le sexe du genre, en considérant le sexe comme une donnée biologique et le genre comme une construction sociale. Ce que l'on appelle également les gender studies, et autour desquelles se rassemblent des disciplines aussi variées que la philosophie, l'anthropologie ou la sociologie, s'attachent à montrer que ce que nous attribuons comme étant des caractéristiques "féminines" ou "masculines" - comme la douceur aux femmes et la force aux hommes, le romantisme fleur bleu aux premières et le sexe sans sentiments mais avec alcool aux seconds (voyez l'image suivante si vous ne me croyez pas...), etc. -, loin de reposer sur des différences de "nature" sont des constructions sociales. Et ces constructions sociales débouchent sur des traitements différenciés et des inégalités.
J'ai déjà longuement documentée cette approche sur ce blog. Il s'agit aujourd'hui de quelque chose de tout à fait classique pour les sciences sociales, à tel point que Science-Po Paris les a rendu obligatoire pour tous ses étudiants. Et c'est pas du luxe. Ces travaux montrent par exemple que les stéréotypes de genre sont très prégnants à l'école : à niveau égal, les enseignants ont des attentes plus fortes pour les garçons - dont on pense toujours qu'ils en ont "sous le pied" - que pour les filles - toujours perçues comme de bonnes petites travailleuses scolaires qui tournent à pleine capacité ; les sanctions au collège viennent raffermir la construction de la masculinité des garçons.
Il en va de même dans le domaine de la sexualité : le genre des individus ne peut se réduire à leur sexe. Que l'on pense par exemple à la façon dont l'homosexualité féminine est érotisée pour le regard masculin, au point de constituer une catégorie pornographique à part entière : on voit bien que les pratiques sexuelles, loin d'être fixées par une donnée biologique, sont un produit social. Si les femmes sont plus nombreuses à pouvoir se livrer occasionnellement à des pratiques lesbiennes - dans un récent numéro de Place de la Toile, Marie Bergstorm soulignait que sur les sites de rencontre libertins, les femmes se signalaient plus souvent que les hommes comme "bisexuelles" - c'est parce que la sexualité est une construction sociale. Le simple enfermement dans des catégories hermétiques, la bisexualité étant toujours perçues comme un mensonge à soi-même surtout si elle est masculine, témoigne déjà de ce que la société travaille nos comportements sexuels.
Evidemment, rien de tout cela ne trouve grâce aux yeux des intégristes chrétiens. L'objectif de ceux-là est de revenir coûte que coûte à une vision aussi naturalisante que possible de la sexualité. Notamment parce que celle-ci permet de dévaloriser et d'exclure l'homosexualité, bête noire de ce christianisme politique qui se donne à voir de plus en plus dans les médias.
On peut avoir un sentiment de malaise face à ces gesticulations : est-il bien utile de prendre la peine de répondre à des gens qui sont non seulement totalement incompétents à comprendre ce dont ils prétendent parler - comme nous allons le voir dans un instant - mais qui en outre ne constituent qu'un groupe minoritaire au sein de la société et, du moins je fais l'effort de l'espérer, au sein de ce qu'il faut bien appeler la communauté chrétienne ? N'y a-t-il pas une formidable perte de temps à essayer de répondre à des excités qui sont simplement incapables de mettre le nez hors de ce qu'ils croient être la vérité révélée ?
Ce que nous a enseigné l'affaire Piss Christ, ou, du moins, ce qu'elle aurait dû nous apprendre, c'est que ce qui n'est pas défendu finit par être détruit, y compris par des groupes minoritaires mais suffisamment excités pour occuper l'espace public. Personne n'a cherché à expliquer ce qu'était l'oeuvre "Piss Christ" d'Andres Serrano, ce qui a laissé toute la place à la bêtise des intégristes qui n'ont eu aucun mal à convaincre qu'il ne s'agissait que d'une provocation sans valeur dont la perte n'avait pas à être pleuré. Même un défenseur patenté de la liberté d'expression comme Daniel Schneidermann s'est fait avoir : dans un post publié quelques jours après, il moquait la photo en question, oubliant l'offense faite à la plus élémentaire liberté d'expression. Puisque c'est de l'art contemporain et qu'il ne l'apprécie - surtout si c'est de l'art qui se vend... - Daniel Schneidermann pense que tout cela n'est pas très grave... On se demande ce qu'il aurait dit si les mêmes intégristes s'en étaient pris à une oeuvre un peu plus légitime, comme un Caravage, qui, il fut un temps, ne soulevait pas de moins grandes indignations...
Il en va de même pour les théories du genre. la stratégie des intégristes est d'ailleurs la même : pour "Piss Christ", il s'agissait d'imposer une lecture unique de l’œuvre comme un blasphème ou une provocation volontaire, évacuant le sens chrétien et modeste que peut avoir l’œuvre ; pour les théories du genre, il s'agit d'évacuer pas moins que la valeur scientifique des travaux attaqués pour les ramener à une simple question d'opinion ou d'option plus ou moins philosophique, en fait purement personnelles. La lettre de Christine Boutin est particulièrement explicite là-dessus :
Ce qu'oublie la si fièrement "ancienne ministre", c'est que les travaux qu'elle stigmatise sont le produit d'enquêtes, qu'ils s'agit de résultats scientifiques, les exemples cités ci-dessus en témoignent. Ce qu'elle présente comme la "réalité" butte sur des faits étonnamment réels : il y a une variété de pratiques sexuelles chez les êtres humains qui dépassent très largement ce qu'un représentant de l'enseignement catholique appelle, dans le Figaro, "l'anthropologie chrétienne". Car l'anthropologie est une science, et donc parler d'anthropologie chrétienne est aussi crétin que de parler de "physique chrétienne" ou de "biologie musulmane".
Ce que cache donc cette attaque contre les théories du genre, c'est donc une attaque plus générale contre la science, la raison et, finalement, le plus bel héritage de la modernité. C'est une attaque réactionnaire. Elle se présente sous le masque du respect de la position de la chacun et de la "neutralité républicaine". C'est une attaque néo-réactionnaire.
"Définir la situation" est le mot clef : toutes ses attaques, même émanant de groupes minoritaires, ont pour objectif d'imposer une définition particulière des choses qui, une fois acceptées par des personnes moins convaincues par le cœur du discours intégristes, laisseront ceux-ci donner libre cours à leur haine. "Piss Christ" a été redéfini comme simple provocation. La "théorie de l'évolution" est redéfinie comme une simple hypothèse dont on est pas vraiment sûr, alors que l'évolution est un fait scientifique, confirmé par des milliers de fossiles, d'observations et d'indices, et que les théories de l'évolution, au pluriel, portent sur les explications à donner de ce fait (selon que l'on privilégie, par exemple, la sélection du plus adaptée ou la sélection sexuelle) et sont, elles aussi, solidement argumentées. Une fois que l'on a accepté ce premier message, qui, en invoquant le respect de la liberté de pensée de chacun, se veut présentable, on est amené à reconnaître le bien-fondé du reste de la position intégriste.
La stratégie néo-réactionnaire est complétée par un choix assez subtil des cibles contre lesquelles lancées des offensives : attaquer là où il se trouve peu de personne pour venir défendre les idées que l'on veut abattre. Il s'est trouvé peu de personnes pour défendre l'art contemporain attaqué au travers de "Piss Christ" parce que l'on n'a pas fait assez d'efforts pour diffuser et rendre accessible celui-ci. Les théories de l'évolution sont certes bien diffusées, mais peu de gens ont une connaissance un peu fine de la différence entre un fait et une théorie, et les thèses darwiniennes sont généralement mal connues ou saisies avec des biens importants, souvenez-vous. Avec des arguments un peu pédants, un créationniste peut semer le doute chez quelqu'un qui n'a qu'un très vague souvenir de ses cours de SVT de collège. Voilà pourquoi l'astronomie est, pour les plus motivés des intégristes, la nouvelle frontière : peu de gens connaissaient les démonstrations, parfois anciennes, du mouvement des astres et peuvent se laisser avoir par un discours un peu assuré et d'apparence cohérent même si le contenu est complètement délirant.
Et bien sûr, c'est exactement ce qui se passe avec les théories du genre. Celles-ci sont d'usage essentiellement universitaire, parfois militant du côté des féministes. Elles n'ont fait l'objet d'une vulgarisation au mieux limitée au pire franchement confidentielle. Il faut entretenir une certaine proximité avec les sciences sociales pour avoir été en contact avec elles. Et leur caractère contre-intuitif, leur refus du naturalisme primaire et leur goût pour l'utilisation des situations marginales pour éclairer les problèmes dominants - comme l'étude de la transexualité pour comprendre la construction de toutes les sexualités, y compris "hétéro" - achève de les rendre fragiles à une entreprise de "définition de la situation" menée avec suffisamment de conviction. Et comme il n'y a pas de petits artifices rhétoriques, on va les renommer "théories du gender" parce qu'un terme anglais fait encore plus peur et souligne bien que c'est un truc américain pas bien de chez nous...
Une fois ceci posé, on comprend qu'il est essentiel de prendre la défense des théories du genre contre les attaques des néo-réactionnaires, aussi minoritaires et fermés à la discussion soient-ils. C'est qu'un groupe minoritaire peut avoir un grand pouvoir s'il parvient à imposer sa définition de la situation, encore plus s'il parvient à s'approprier une "neutralité républicaine" dont il ne connait que le nom. Il arrivera toujours un moment où la science sera en désaccord avec les religions. Dans ce cas-là, le devoir d'un Etat qui se veut laïc au point de vouloir en faire le quatrième terme de sa devise nationale sera toujours de trancher du côté de la science. Car ce n'est qu'à cette condition qu'il peut réaliser la sacro-sainte laïcité, cette règle que l'Etat s'impose à lui-même de ne reconnaître aucune religion. On pourrait espérer que Luc Chatel adresse cette réponse à Christine Boutin. On pourrait même rêver que les nouveaux hérauts de la laïcité se manifeste plus ici que pour le moindre bout de tissu qui passe. Mais peut-être que l'on berce d'illusions...
C'est donc Christine Boutin, des "associations familiales chrétiennes", l'enseignement catholique et quelques autres qui ont décidé de s'en prendre aux théories du genre au moment où celles-ci apparaissent dans les cours d'éducation sexuelle du collège - bientôt, ils tomberont sur les manuels de sciences économiques et sociales et pousseront sans doute les mêmes cris d’orfraie.
L'objet de leur ire ? L'idée qu'il faut différencier le sexe du genre, en considérant le sexe comme une donnée biologique et le genre comme une construction sociale. Ce que l'on appelle également les gender studies, et autour desquelles se rassemblent des disciplines aussi variées que la philosophie, l'anthropologie ou la sociologie, s'attachent à montrer que ce que nous attribuons comme étant des caractéristiques "féminines" ou "masculines" - comme la douceur aux femmes et la force aux hommes, le romantisme fleur bleu aux premières et le sexe sans sentiments mais avec alcool aux seconds (voyez l'image suivante si vous ne me croyez pas...), etc. -, loin de reposer sur des différences de "nature" sont des constructions sociales. Et ces constructions sociales débouchent sur des traitements différenciés et des inégalités.
Un bel exemple de construction du genre : le "steak and blow job day", une soi-disante réponse masculine à la St-Valentin parce que, bien sûr, la fête des amoureux, c'est pour les gonzesses, les mecs, ça veut du sexe et de la bidoche... |
J'ai déjà longuement documentée cette approche sur ce blog. Il s'agit aujourd'hui de quelque chose de tout à fait classique pour les sciences sociales, à tel point que Science-Po Paris les a rendu obligatoire pour tous ses étudiants. Et c'est pas du luxe. Ces travaux montrent par exemple que les stéréotypes de genre sont très prégnants à l'école : à niveau égal, les enseignants ont des attentes plus fortes pour les garçons - dont on pense toujours qu'ils en ont "sous le pied" - que pour les filles - toujours perçues comme de bonnes petites travailleuses scolaires qui tournent à pleine capacité ; les sanctions au collège viennent raffermir la construction de la masculinité des garçons.
Il en va de même dans le domaine de la sexualité : le genre des individus ne peut se réduire à leur sexe. Que l'on pense par exemple à la façon dont l'homosexualité féminine est érotisée pour le regard masculin, au point de constituer une catégorie pornographique à part entière : on voit bien que les pratiques sexuelles, loin d'être fixées par une donnée biologique, sont un produit social. Si les femmes sont plus nombreuses à pouvoir se livrer occasionnellement à des pratiques lesbiennes - dans un récent numéro de Place de la Toile, Marie Bergstorm soulignait que sur les sites de rencontre libertins, les femmes se signalaient plus souvent que les hommes comme "bisexuelles" - c'est parce que la sexualité est une construction sociale. Le simple enfermement dans des catégories hermétiques, la bisexualité étant toujours perçues comme un mensonge à soi-même surtout si elle est masculine, témoigne déjà de ce que la société travaille nos comportements sexuels.
Evidemment, rien de tout cela ne trouve grâce aux yeux des intégristes chrétiens. L'objectif de ceux-là est de revenir coûte que coûte à une vision aussi naturalisante que possible de la sexualité. Notamment parce que celle-ci permet de dévaloriser et d'exclure l'homosexualité, bête noire de ce christianisme politique qui se donne à voir de plus en plus dans les médias.
On peut avoir un sentiment de malaise face à ces gesticulations : est-il bien utile de prendre la peine de répondre à des gens qui sont non seulement totalement incompétents à comprendre ce dont ils prétendent parler - comme nous allons le voir dans un instant - mais qui en outre ne constituent qu'un groupe minoritaire au sein de la société et, du moins je fais l'effort de l'espérer, au sein de ce qu'il faut bien appeler la communauté chrétienne ? N'y a-t-il pas une formidable perte de temps à essayer de répondre à des excités qui sont simplement incapables de mettre le nez hors de ce qu'ils croient être la vérité révélée ?
Ce que nous a enseigné l'affaire Piss Christ, ou, du moins, ce qu'elle aurait dû nous apprendre, c'est que ce qui n'est pas défendu finit par être détruit, y compris par des groupes minoritaires mais suffisamment excités pour occuper l'espace public. Personne n'a cherché à expliquer ce qu'était l'oeuvre "Piss Christ" d'Andres Serrano, ce qui a laissé toute la place à la bêtise des intégristes qui n'ont eu aucun mal à convaincre qu'il ne s'agissait que d'une provocation sans valeur dont la perte n'avait pas à être pleuré. Même un défenseur patenté de la liberté d'expression comme Daniel Schneidermann s'est fait avoir : dans un post publié quelques jours après, il moquait la photo en question, oubliant l'offense faite à la plus élémentaire liberté d'expression. Puisque c'est de l'art contemporain et qu'il ne l'apprécie - surtout si c'est de l'art qui se vend... - Daniel Schneidermann pense que tout cela n'est pas très grave... On se demande ce qu'il aurait dit si les mêmes intégristes s'en étaient pris à une oeuvre un peu plus légitime, comme un Caravage, qui, il fut un temps, ne soulevait pas de moins grandes indignations...
Il en va de même pour les théories du genre. la stratégie des intégristes est d'ailleurs la même : pour "Piss Christ", il s'agissait d'imposer une lecture unique de l’œuvre comme un blasphème ou une provocation volontaire, évacuant le sens chrétien et modeste que peut avoir l’œuvre ; pour les théories du genre, il s'agit d'évacuer pas moins que la valeur scientifique des travaux attaqués pour les ramener à une simple question d'opinion ou d'option plus ou moins philosophique, en fait purement personnelles. La lettre de Christine Boutin est particulièrement explicite là-dessus :
Comment ce qui n’est qu’une théorie, qu’un courant de pensée, peut-il faire partie d’un programme de sciences ? Comment peut-on présenter dans un manuel, qui se veut scientifique, une idéologie qui consiste à nier la réalité : l’altérité sexuelle de l’homme et la femme ? Cela relève de toute évidence d’une volonté d’imposer aux consciences de jeunes adolescents une certaine vision de l’homme et de la société, et je ne peux accepter que nous les trompions en leur présentant comme une explication scientifique ce qui relève d’un parti-pris idéologique.
Ce qu'oublie la si fièrement "ancienne ministre", c'est que les travaux qu'elle stigmatise sont le produit d'enquêtes, qu'ils s'agit de résultats scientifiques, les exemples cités ci-dessus en témoignent. Ce qu'elle présente comme la "réalité" butte sur des faits étonnamment réels : il y a une variété de pratiques sexuelles chez les êtres humains qui dépassent très largement ce qu'un représentant de l'enseignement catholique appelle, dans le Figaro, "l'anthropologie chrétienne". Car l'anthropologie est une science, et donc parler d'anthropologie chrétienne est aussi crétin que de parler de "physique chrétienne" ou de "biologie musulmane".
Ce que cache donc cette attaque contre les théories du genre, c'est donc une attaque plus générale contre la science, la raison et, finalement, le plus bel héritage de la modernité. C'est une attaque réactionnaire. Elle se présente sous le masque du respect de la position de la chacun et de la "neutralité républicaine". C'est une attaque néo-réactionnaire.
"Définir la situation" est le mot clef : toutes ses attaques, même émanant de groupes minoritaires, ont pour objectif d'imposer une définition particulière des choses qui, une fois acceptées par des personnes moins convaincues par le cœur du discours intégristes, laisseront ceux-ci donner libre cours à leur haine. "Piss Christ" a été redéfini comme simple provocation. La "théorie de l'évolution" est redéfinie comme une simple hypothèse dont on est pas vraiment sûr, alors que l'évolution est un fait scientifique, confirmé par des milliers de fossiles, d'observations et d'indices, et que les théories de l'évolution, au pluriel, portent sur les explications à donner de ce fait (selon que l'on privilégie, par exemple, la sélection du plus adaptée ou la sélection sexuelle) et sont, elles aussi, solidement argumentées. Une fois que l'on a accepté ce premier message, qui, en invoquant le respect de la liberté de pensée de chacun, se veut présentable, on est amené à reconnaître le bien-fondé du reste de la position intégriste.
La stratégie néo-réactionnaire est complétée par un choix assez subtil des cibles contre lesquelles lancées des offensives : attaquer là où il se trouve peu de personne pour venir défendre les idées que l'on veut abattre. Il s'est trouvé peu de personnes pour défendre l'art contemporain attaqué au travers de "Piss Christ" parce que l'on n'a pas fait assez d'efforts pour diffuser et rendre accessible celui-ci. Les théories de l'évolution sont certes bien diffusées, mais peu de gens ont une connaissance un peu fine de la différence entre un fait et une théorie, et les thèses darwiniennes sont généralement mal connues ou saisies avec des biens importants, souvenez-vous. Avec des arguments un peu pédants, un créationniste peut semer le doute chez quelqu'un qui n'a qu'un très vague souvenir de ses cours de SVT de collège. Voilà pourquoi l'astronomie est, pour les plus motivés des intégristes, la nouvelle frontière : peu de gens connaissaient les démonstrations, parfois anciennes, du mouvement des astres et peuvent se laisser avoir par un discours un peu assuré et d'apparence cohérent même si le contenu est complètement délirant.
Et bien sûr, c'est exactement ce qui se passe avec les théories du genre. Celles-ci sont d'usage essentiellement universitaire, parfois militant du côté des féministes. Elles n'ont fait l'objet d'une vulgarisation au mieux limitée au pire franchement confidentielle. Il faut entretenir une certaine proximité avec les sciences sociales pour avoir été en contact avec elles. Et leur caractère contre-intuitif, leur refus du naturalisme primaire et leur goût pour l'utilisation des situations marginales pour éclairer les problèmes dominants - comme l'étude de la transexualité pour comprendre la construction de toutes les sexualités, y compris "hétéro" - achève de les rendre fragiles à une entreprise de "définition de la situation" menée avec suffisamment de conviction. Et comme il n'y a pas de petits artifices rhétoriques, on va les renommer "théories du gender" parce qu'un terme anglais fait encore plus peur et souligne bien que c'est un truc américain pas bien de chez nous...
Une fois ceci posé, on comprend qu'il est essentiel de prendre la défense des théories du genre contre les attaques des néo-réactionnaires, aussi minoritaires et fermés à la discussion soient-ils. C'est qu'un groupe minoritaire peut avoir un grand pouvoir s'il parvient à imposer sa définition de la situation, encore plus s'il parvient à s'approprier une "neutralité républicaine" dont il ne connait que le nom. Il arrivera toujours un moment où la science sera en désaccord avec les religions. Dans ce cas-là, le devoir d'un Etat qui se veut laïc au point de vouloir en faire le quatrième terme de sa devise nationale sera toujours de trancher du côté de la science. Car ce n'est qu'à cette condition qu'il peut réaliser la sacro-sainte laïcité, cette règle que l'Etat s'impose à lui-même de ne reconnaître aucune religion. On pourrait espérer que Luc Chatel adresse cette réponse à Christine Boutin. On pourrait même rêver que les nouveaux hérauts de la laïcité se manifeste plus ici que pour le moindre bout de tissu qui passe. Mais peut-être que l'on berce d'illusions...
18 commentaires:
La critique des théories du genre par le monde catholique est assez ancienne. Un texte romain de 2005, rédigé par Anatrella, était déjà centré dessus. Eric Fassin avait décrypté ce texte dans une des séances de son séminaire.
C'était un peu retombé avec les accusations dont Anatrella a pu souffrir.
En 2005 donc, le "conseil pontifical pour la famille" et son "Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques" -- avec trois articles sur le genre (et contre Judith Butler), dont le dernier s'achève ainsi :
"Une définition renouvelée du genre, acceptable pour l'Eglise, pourrait être celle-ci : 'Dimension transcendante de la sexualité humaine, compatible avec tous les niveaux de la personne humaine, englobant le corps, la pensée, l'esprit et l'âme. Le genre est donc perméable aux influences sur la personne humaine, aussi bien intérieures qu'extérieures, mais il doit se conformer à l'ordre naturel qui est déjà donné dans le corps."
Il y a donc au moins 6 ans de mobilisation au sein du monde catholique conservateur, disons proche de Rome, et c'est maintenant que, suffisamment organisé en interne, la critique du genre passe à l'espace civil/laïque.
2e commentaire. En 2005 toujours :
COMMISSION GÉNÉRALE DE TERMINOLOGIE ET DE NÉOLOGIE
Recommandation sur les équivalents français du mot "gender"
NOR : CTNX0508542X
RLR : 104-7
RECOMMANDATION DU 22-7-2005 JO DU 22-7-2005
MCC
L'utilisation croissante du mot "genre" dans les médias et même les
documents administratifs, lorsqu'il est question de l'égalité entre
les hommes et les femmes, appelle une mise au point sur le plan
terminologique.
On constate en effet, notamment dans les ouvrages et articles de
sociologie, un usage abusif du mot "genre", emprunté à l'anglais
"gender", utilisé notamment en composition dans des expressions telles
"gender awareness, gender bias, gender disparities, gender studies…,"
toutes notions relatives à l'analyse des comportements sexistes et à
la promotion du droit des femmes. Le sens en est très large, et selon
l'UNESCO, "se réfère aux différences et aux relations sociales entre
les hommes et les femmes" et "comprend toujours la dynamique de
l'appartenance ethnique et de la classe sociale". Il semble délicat de
vouloir englober en un seul terme des notions aussi vastes.
En anglais, l'emploi de "gender" dans ces expressions constitue un
néologisme et correspond à une extension de sens du mot qui signifie
"genre grammatical". De plus, ce terme est souvent employé pour
désigner exclusivement les femmes ou fait référence à une distinction
selon le seul sexe biologique.
Or, en français, le mot sexe et ses dérivés sexiste et sexuel
s'avèrent parfaitement adaptés dans la plupart des cas pour exprimer
la différence entre hommes et femmes, y compris dans sa dimension
culturelle, avec les implications économiques, sociales et politiques
que cela suppose.
La substitution de "genre" à sexe ne répond donc pas à un besoin
linguistique et l'extension de sens du mot "genre" ne se justifie pas
en français. Dans cette acception particulière, des expressions
utilisant les mots "genre" et a fortiori l'adjectif "genré", ou encore
le terme "sexospécificité", sont à déconseiller.
Toutefois, pour rendre la construction adjective du mot "gende" (sic),
fréquente en anglais, on pourra préférer, suivant le contexte, des
locutions telles que hommes et femmes, masculin et féminin ; ainsi on
traduira "gender equality" par égalité entre hommes et femmes, ou
encore égalité entre les sexes.
La Commission générale de terminologie et de néologie recommande,
plutôt que de retenir une formulation unique, souvent peu
intelligible, d'apporter des solutions au cas par cas, en privilégiant
la clarté et la précision et en faisant appel aux ressources lexicales
existantes.
- - -
Note : la commission en 2005 n'était composée de 3 femmes sur 19 membres. Aucune
femme n'avait été choisie en tant que "personnalité qualifiée"
Merci encore pour cette fort utile mise au point (par contre, aucune citation d'Howard Becker, je suis un peu déçu ;=) ).
Rappelons aux bigots qui auraient la flemme de faire fonctionner leur cerveau (et à ceux qui ont une vision manichéenne des religions) que l'on peut être croyant ET trouver tout à fait pertinentes les théories du genre ET donc éprouver le plus grand scepticisme à l'évocation d'une quelconque "nature humaine" :
http://baroqueetfatigue.wordpress.com/2011/06/08/questions-de-genre/
3e commentaire...
sur l'anthropologie chrétienne, tu fais une erreur de compréhension.
Ce que les théologiens catholiques appellent l'anthropologie, c'est la conception de l'homme portée par les discours catholiques (ceux des grands théologiens, de la bible, des papes, etc...). L'Eglise propose une "anthropo-logie", certes normative, mais qui n'est pas une catholicisation de l'anthropologie levistraussienne. Il est bien possible, même, que les usages anciens de anthropologie (au XIXe) viennent des usages catholiques du terme.
Ceci dit, les penseurs catholiques conservateurs savent bien utiliser les sous-entendus et les doubles sens des termes. En associant le prestige social de l'anthropologie (structurale) à la religion, ils peuvent penser faire coup double.
Très bon article. Deux remarques cependant :
Je pense comme B. Coulmont que vous faites une erreur d'interprétation sur "anthropologie chrétienne". La notion d'anthropologie renvoie ici à une conception philosophique de l'homme (plus proche de l'anthropologie au sens de Kant que de la science sociale du même nom). Le terme ne pose pas de problème en soi. Ensuite, il pourrait être intéressant de voir si l'usage de cette expression, alors que bien d'autres auraient pu être utilisées pour signifier la même chose, s'inscrit dans une stratégie discursive particulière.
La seconde remarque concerne la délimitation de l'objet à défendre. Dès que la lettre de Boutin était paru, j'étais allé voir les nouveaux programmes de SVT parce qu'il me paraissait étonnant qu'ils évoquent en tant que tel leS théorieS du genre. En fait, il parle, en terme assez neutre, du fait que la biologie n'explique pas tout, cependant la dimension sociale n'est pas explicitement présente (http://artic.ac-besancon.fr/svt/inf_pro/progra/SVT_155219.pdf).
Il y a, à mon avis, une confusion sur ce que sont les gender studies. Pour celles-ci, la notion de genre (entenue largement comme construction socio-historique de "l'identité" sexuelle) est davantage un point de départ qu'un aboutissement. D'autres articles ont cité Butler ou Haraway pour expliquer ce qu'était cette théorie du genre. Mais, il me semble que ces auteurs vont quand même beaucoup plus loin que la simple distinction genre/sexe. Cette distinction est en fait bien plus ancienne, qu'on pense à Beauvoir, à Mead, et plus généralement, elle est déjà contenu dans le programme durkheimien de traiter le social par le social.
Il y a donc soit une méconnaissance profonde de l'histoire des sciences sociales, soit une stratégie explicite visant à s'attaquer, en apparence, à des résultats relativement récents et qui font encore débat (les théories les plus radicales issues des genders studies), alors que c'est l'ensemble du programme des sciences sociales, entendu comme dénaturalisation du social, qui est visé.
Brillant et documenté, merci.
Un commentaire cette méthode réactionnaire qui consiste à gagner la première bataille dans le langage, dans les définitions des termes, pour mieux ensuite gagner dans les faits : nous avons perdu, il y a peut-être 20 ou 30 ans de cela, une autre bataille, et en payons aujourd'hui le prix : c'est la "redéfinition" des termes économiques ou "capitaliste" a laissé sa place à "libéral" qui sous entends par exemple, de quel coté se situe la "liberté", et que s'y opposer est forcément être "contre la liberté" ... Si cela vous inspire pour un prochain billet ...
Merci à tous pour les commenaitaires ! Difficile de répondre à tout, surtout avec un peu de retard quand même. J'ai en tout cas pas mal, appris ne serait-ce que le sens du mot anthropologie chez les chrétiens.
Bien sûr, on compte parmi les catholiques méchants réactionnaires n'ayant rien compris à ce qu'il se passe. Pour autant, il faudrait arrêter d'être naïf. S'il est certain que les catholiques attaquent de manière schématique les théories du genre, il est non moins certain que ces mêmes théories sont utilisées par des intérêts tout aussi particuliers que les intérêts catholiques ("Celles-ci sont d'usage essentiellement universitaire, parfois militant du côté des féministes."). Ainsi les militants les plus radicaux des féministes n'en étant plus à la théorie du genre, mais celle du queer. Ce qui est une attaque en règle contre la conception catholique. Et c'est ça que les catholiques sentent confusément et maladroitement.
Quant à l'affaire Piss Christ que que je peux évoquer facilement vu que j'en ai parlé sur mon blog, vous semblez oublier deux-trois faits qui ne sont pas inintéressants comme par exemple, le fait qu'un blasphème envers un personnage important est, pour une certaine religion, une œuvre d'art, pour une autre religion, une insupportable attaque à caractère raciste et xénophobe. Sans parler de la facilité qu'il y a, à toujours revenir au même thème, comme si le blasphème était la seule façon de s'exprimer.
En outre, ce que vous omettez de remarquer, c'est la concurrence victimaire, initiées par les lois mémorielles. Vous critiquez les méthodes des catholiques, et pourtant vous n'évoquez pas les autres communautés qui agissent pourtant exactement de la même façon. Les catholiques ont été justement les derniers à s'y mettre.
Je ne comprends pas votre commentaire. Comme indiquer dans le billet, les théories du genre, dont la théorie queer fait partie, ont vocation scientifique. Elles ne visent pas à embêter les catholiques, mais à être vraies. Il faut donc les juger là-dessus. Votre propos revient à dire qu'on a inventé l'évolution pour embêter les catholiques...
Je ne comprends strictement rien à ce que vous dites sur Piss Christ.
Quant à votre dernier paragraphe, il est sans intérêt : je ne parle pas de victimation. Même si c'est vrai que c'est ce que vous semblez faire... Quant à justifier quelque chose par "c'est les autres qui ont commencé"...
Il me semble que vous n'avez pas compris l'ironie de Daniel Schneiderman et tout au moins fait un contresens.
La visualisation de l’émission consacrée à la marchandisation de l'art vous permettrait peut être de comprendre cet article.
Voici le lien vers l'émission :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=3948
Vous ne comprenez rien à ce que je dis sur Piss Christ ? Alors, on va le faire plus simplement, expliquez moi pourquoi un blasphème contre Mahomet est une insupportable attaque à caractère raciste et pourquoi un blasphème contre le Christ serait une œuvre d'art ? Qu'est ce qui fait la différence entre l'une et l'autre ?
Les théories du genre et du queer qui visent à la vérité ? Sur le papier, je veux bien, dans la réalité, c'est nettement plus complexe, n'avez-vous pas dit quelques lignes plus haut que les militantes féministes n'hésitaient pas à instrumentaliser ces travaux dans leur combat ? Croyez vous vraiment que c'est un signe d'indépendance d'esprit et d'impartialité ? Pour la faire brève, que l'identité sexuelle soit quelque chose de construit par la société est pour moi une évidence, mais que ce soit quelque chose qu'il faille remettre en cause, voire démolir consciencieusement comme on commence à le sentir, c'est pour moi de l'ordre du militantisme et de l'idéologie la plus radicale et dangereuse.
Quant à mon dernier paragraphe, il cherche juste à vous dire que votre protestation contre ces méthodes n'a strictement aucune valeur, si vous ne les condamnez pas également chez les autres communautés. Vu que ce sont les seules méthodes qui marchent aujourd'hui, les catholiques seraient bien idiots de s'en priver. Que ça vous plaise ou pas.
Et vous devriez d'ailleurs en parler aux militants gays et féministes qui ne sont pas les derniers à utiliser les mêmes méthodes. Mais je n'ai pas encore lu de billets de votre part à ce sujet. Il faudrait faire un billet intitulé "Sociologie des offensives néo-progressistes", je suis certain qu'il serait très intéressant.
Mais qui vous a dit qu'un blasphème contre Mahomet était une attaque à caractère raciste ?
Il y a bien des militant-e-s féministes qui utilisent les théories du genre. Et ils ont bien raisons, puisque ces théories sont fondées. Je pense qu'ils soutiennent aussi que la terre est ronde et tourne autour du soleil. Est-ce que je dois comprendre que, du coup, il faut cesser d'enseigner cela ? Qu'une idée soit utilisée par certaines personnes ne la rend pas fausse...
Quant à la fin de votre commentaire, excusez-moi mais je n'en perçois toujours pas le sens. Il est quand même malheureux que je doive vous inviter à relire la bible : Évangile de Luc, 6, 41 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ! Ou comment peux-tu dire à ton frère : Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton œil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l'œil de ton frère. »
"Mais qui vous a dit qu'un blasphème contre Mahomet était une attaque à caractère raciste ? "
Affaire des caricatures, des versets du Coran imprimés sur des vêtements, il y a toujours un progressiste pour dire que c'est intolérable.
Ensuite, je ne dis pas que la théorie du genre n'est pas fondée, je dis juste qu'elle ne me semble pas de nature à justifier les différentes initiatives des uns et des autres, notamment de déconstruction, sous prétexte que l'identité sexuelle aurait aussi une part construite. Parce qu'il ne faudrait pas nier la part naturelle de ces mêmes identités (ou alors il va falloir m'expliquer comment nos stéréotypes sociaux ont pu influer des jeunes singes chez qui on retrouve la même attirance pour les camions/objets guerriers pour les mâles, ou les poupées pour les femelles).
Sur votre dernier paragraphe, c'est de l'ordre du point Godwin, c'est à dire un recours lorsqu'on n'a plus rien à dire. Et si vous lisiez davantage la Bible, vous comprendriez que les catholiques soient en contradiction majeure avec notre société et qu'il est donc logique qu'ils s'opposent à ceux qui défendent une vision contraire à celle que développe la Bible.
Enfin, si vous la lisiez vraiment, au lieu de la citer.
Et donc vous concluez que, puisqu'il y a quelqu'un qui dit une bêtise, toutes les personnes avec qui vous n'êtes pas d'accord font de même ?
Vous citez cette fameuse étude sur les jeunes singes. Sauf que sa méthodologie est plus que discutable, notamment parce qu'a été considéré comme utilisation de baton comme poupée toute utilisation que les chercheurs ne parvenaient pas à classer ailleurs... Idem pour l'histoire des camions, où l'on a aucune preuve qu'il s'agit bien de l'objet lui-même et pas de sa forme ou de sa couleur... Et je passe sur la sur-interprétation de quelques tendances pour en faire des oppositions radicales. Bref. Tout cela a été très mal interprété, de façon on ne peut plus partisane, par des gens trop heureux d'y trouver validation de leurs propres préjugés. Donc la part naturelle... Si tant est qu'on puisse la séparer du culturel. La déconstruction est plus que jamais nécessaire, y compris dans la réception des recherches scientifiques.
Je passe sur le fait que vous détournez totalement le sens du point godwin. Je vais parler franchement : votre raisonnement est débile. Dire que la critique de X n'est pas valable parce que ne figure pas celle de Y est profondément idiot : cela n'excuse pas X. C'est bien ce que dit la phrase de la bible que j'ai cité (sacré bouquin d'ailleurs, que j'ai pris la peine de lire avec attention). Il ne s'agit pas d'une simple opposition à ceux qui serait en désaccord avec leur religion : il s'agit d'une tentative d'interdire de penser autrement qu'eux. Et ça, ce n'est pas acceptable.
Parlons en termes d'opinion dominante si vous préférez. L'idée étant que le catholicisme n'est clairement pas mis à la même enseigne que les autres religions.
Sur les singes, plusieurs études vont dans ce sens :
- celle du professeur Wallen, en 2008, du centre d'Atlanta
- celle du Dr Alexander, de l'université du Texas
- celle de Mme Kahlenberg et M. Wrangham
http://www.cell.com/current-biology/retrieve/pii/S0960982210014491
En un quart d'heure, j'en trouve
déjà trois. Je n'ai pas la compétence pour juger de la validité de ces études, peut-être que vos arguments sont recevables mais peut-être pas. Et s'ils l'étaient pour l'une d'entre elles, je doute qu'ils le soient pour toutes. Et il me semble que votre argument est parfaitement réversible. Si aucune étude n'allant pas dans votre sens est valide, alors qu'est ce qui prouve que celles y allant le seraient ? Sur le fond, un truc me chiffonne cependant, qu'est ce qui empêche de croire que l'identité sexuelle est à la fois innée, et acquise, dans des "proportions" variant pour chaque individu ? Que le taux de testostérone dans l'utérus a un impact sur la masculinité de l'enfant quelque soit son sexe, etc ? Ce qui n'enlève rien à toute l'importance de l'acquis. C'est juste que ce n'est pas le seul facteur.
Vous pouvez penser différemment de moi, peu importe. Ce que je vous reproche est de faire peu de cas de l'indépendance qui visiblement, dans le cadre de la recherche scientifique, vous tient tellement à cœur. Or, l'exemple sur les singes le montre, vous avez beau jeu de disqualifier tout ce qui n'irait pas dans votre sens. Exactement ce que je vous reproche. Car il me semble que nous sommes tous plus ou moins imbibés d'idéologie, catholiques, militantes féministes et scientifiques y compris. Et si la théorie du genre a une validité certaine, ce n'est pas pour autant qu'il faudrait déconstruire ou plutôt détruire les identités sexuelles. Surtout lorsque l'on voit les bêtises monumentales que sont capables de faire les féministes (dernier exploit en date, leur slogan).
Plus largement, ayons au moins l'honnêteté de reconnaitre que ce sont deux modèles de société qui se font face. Or, la crainte des catholiques n'est pas tant dans l'enseignement que l'identité sexuelle aurait une partie construite, que les conséquences politiques et sociales qui en découleraient, ce que, les militantes féministes ne s'en cachent pas, est clairement le but de leur mouvement. Il ne s'agit pas d'interdire de penser, il n'y a que vos fantasmes de scientifique martyrisé par des religieux qui le croient, il s'agit de refuser un projet social que les catholiques pensent être porteur d'un danger pour la société. Et c'est là que se situe le fond du débat.
Quelles identités sexuelles pour quels comportements, quels droits et devoirs face à ces attitudes, création d'un troisième genre, etc ? Ce sont ces questions qui sont le vrai fond du problème et rien d'autre.
Le débat scientifique, au fond, tout le monde s'en fiche, c'est le projet politique qui fait que les tensions sont aussi vives.
Effectivement, le catholicisme n'est pas à la même enseigne que les autres religions : si c'était des musulmans qui avaient détruit Piss Christ, nous aurions bien de défenseur de la laïcité qui, la main sur le coeur, se lamenteraient en se couvrant la tête de cendre, tandis que là, ils ont été bien silencieux...
Pour le reste, si je comprends biens votre "logique", être en désaccord avec un position que l'on trouve reposer sur une base fragile, c'est être idéologue ? Hé ben... Vous demandez "qu'est-ce qui empêche de penser que..." ? Et bien simplement le fait que les arguments pour soutenir ce genre de chose ne sont pas convaincants. Si vous avez des arguments convaincants présentez-les, rentrez dans les études, plutôt que de jouer sur le "vous n'êtes pas très gentil à ne pas reconnaître que j'ai raison"...
Pour le reste, le projet politique, c'est d'apprendre aux élèves des choses validées par la science, d'en faire des gens intelligents doués de sens critique, ce qui passe notamment par la capacité de prendre de la distance avec ce que l'on nous présente faussement comme "naturel". Les religieux qui attaquent les théories du genre ne veulent pas de cela : ils veulent que l'on ignore ce qui, dans la réalité, les dérangent. Et c'est cela qui n'est pas acceptable.
Défenseur de la laïcité à propos des musulmans ? Waouh, et bien on aimerait les entendre sur le financement des mosquées, etc.
L'idée, c'est qu'on fait tous comme M. Jourdain, nous sommes tous idéologues sans le savoir, à différente échelle, je vous le concède aisément. Et si je n'ai pas les outils pour analyser la validité des études dont je vous parle, je me demande bien qu'est ce qui fait que vous avez raison davantage que les auteurs de ces mêmes études, qui vont globalement toutes dans le même sens. Sachant que des choses aussi basiques que le taux de testostérone dans l'utérus ne soit probablement pas sans impact sur l'enfant, quel que soit son sexe.
Enfin, sur la suite, je suis d'accord si les enseignants ou l'institution n'en profite pas pour faire passer un message politique ou social derrière. Ce que malheureusement, l'Education Nationale ne se prive pas de faire.
Comment savoir ce qui fait que j'ai raison ? Et bien pour cela, il faut lire, réfléchir, comparer et peser les arguments, tout ça, tout ça... Ce que l'on voudrait bien enseigner aux élèves, mais que les lobbys de tout poil - pas que religieux - essayent d'empêcher...
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