Et voilà donc que Philippe Val s'en prend à la "vulgate sociologique" comme un "totalitarisme mou" dont les "déterminismes sociaux" opposés à la "responsabilité individuelle" aurait conduit à rien de moins que les assassinats des membres de Charlie Hedbo. Ben voyons. C'est manifestement complètement absurde, mais du genre d'absurdité qui s'installe tranquillement dans les médias. Le coup des "excuses sociologiques", ce n'est malheureusement pas nouveau, un grand classique même d'une certaine droite - suivez mon regard, oui, là, vers cette extrémité.
Voici donc la "pensée" de Val - je met des guillemets à "pensée" parce que, les médias français devraient le savoir depuis le temps, on a les intellectuels qu'on mérite. Un autre résumé peut être trouvé dans la lettre ouverte de l'historien Gabriel Galvez-Behar à l'animateur de l'émission de radio que je vous encourage vivement de lire dans son entièreté, une argumentation simple, claire et efficace :
Faisons un effort, un sacrifice intellectuel même : essayons de prendre un instant les propos de Val au sérieux. Je sais, c'est difficile, ça fait mal, mais soyez courageux avec moi. Pour qu'il y ait responsabilité, il faut qu'il y ait liberté : on me l'accordera sans peine, c'est l'une des bases de la pensée libérale moderne (libérale n'étant pas, ici, pris dans son sens économique - souvent péjoratif - courant). C'est d'ailleurs compris dans ce discours très banal sur les "excuses sociologiques" : les "déterminismes sociaux" seraient la négation de la liberté des individus et donc les déresponsabiliseraient.
Un problème se pose alors : qu'est-ce que la liberté ? Ou plutôt comment peut-on en rendre compte scientifiquement ? Une réponse peut se trouver dans l'ouvrage classique de Peter Berger Invitation à la sociologie (1963). Elle tient en quelques mots : "on ne peut pas". Scientifiquement, la liberté n'existe pas. C'est-à-dire que si l'on se donne pour objectif d'expliquer les comportements des individus, la liberté ne peut jamais constituer une explication satisfaisante. La démonstration de Berger étant aussi implacable que magnifiquement écrite, je ne la gâcherais pas plus avec mes maladresses et je vous laisse lire un extrait de son chapitre 6 :
On le voit : la liberté, et donc son corollaire, la responsabilité, est étrangère au discours scientifique, et par conséquent étrangère au discours sociologique. Dire que A est la cause de B ne signifie pas que A est responsable de la mort de B : la balle qui rentre dans votre cœur est la cause de votre mort, en est-elle responsable ? Le soldat qui a appuyé sur la gâchette est incontestablement une autre cause, mais l'ordre qu'il a reçu n'a-t-il rien à voir dans cette histoire ? Et cette ordre aurait-il été donné s'il n'y avait la guerre ? Et cette guerre n'a-t-elle pas elle aussi des causes ? On peut ainsi remonter la chaîne très loin. Attribuer une responsabilité, c'est faire un choix dans les causes, en élire une ou plusieurs à un statut particulier qui ne repose sur aucune base scientifique mais sur des questions éthiques, philosophiques et politiques. Fondamentalement, attribuer une responsabilité est une activité sociale : c'est à celle-ci que sont dédiées des institutions comme les tribunaux et la Justice.
La science a évidemment quelques conséquences sur l'attribution des responsabilités, il serait idiot le nier. Si nous pouvons aujourd'hui attribuer la responsabilité d'un ouragan aux activités polluantes des humains, c'est parce que notre connaissance des causalités à l’œuvre dans les phénomènes climatiques s'est considérablement améliorée - et que nous ne sommes plus obligés d'invoquer l'intervention divine, même si cela n'empêche pas certains d'essayer... Il en va de même pour la sociologie : en reconstituant les causes, nécessairement nombreuses, des phénomènes sociaux, y compris la délinquance et le terrorisme, elle ouvre notre réflexion et nous oblige à mieux penser aux réponses que nous apportons à ces phénomènes.
C'est que lorsque Val rejette les déterminismes sociaux au non de la responsabilité individuelle, il ne fait pas que rejeter la possibilité d'une démarche scientifique qui cherche des explications : il impose aussi certaines explications. Faisons pour le comprendre un petit raisonnement par l'absurde. Supposons, comme nous le suggère Philippe Val, que l'on ne considère que la responsabilité individuelle et que l'on exclut du champ des explications les "déterminismes sociaux". Posons-nous alors la question : qu'est-ce qui peut expliquer, par exemple, les meurtres à Charlie Hebdo ? La réponse que le pseudo-intellectuel voudrait attendre est "l'Islam radical". Mais ce serait là pécher par déterminisme social : après tout, les terroristes n'avaient qu'à résister à la radicalisation ! La seule réponse possible dans ce cadre de réflexion absurde, c'est qu'ils sont devenus terroristes par leur propre faute, parce qu'ils étaient fondamentalement mauvais... Le refus de l'explication sociologique conduit à embrasser d'autres explications qui placent le mal dans le cœur des individus. Par exemple, dans la biologie ou dans leur culture... on pourrait penser, alors, qu'ils font partie d'un groupe d'individus qui sont tous mauvais... et voilà comment en suivant le raisonnement de Val on retombe sur le racisme et l'antisémitisme qu'il pensait dénoncer...
"Si vous n'avez qu'un marteau, tous les problèmes ont la forme d'un clou" disait (approximativement) Abraham Maslow. Quand on n'a que la "responsabilité individuelle" comme explication, quand c'est le seul outil dont on dispose, il est difficile d'imaginer une autre réaction, une autre solution, que la sanction individuelle. Il est difficile de ne pas penser que certains individus sont simplement mauvais et que l'on ne peut rien faire d'autres que les punir... et s'il s'agit d'un groupe d'individus, on peut facilement imaginer où cela mène. Cela est difficile parce qu'on ne peut pas voir d'autres causes sur lesquelles agir, et faute de les voir, on se prive simplement de la possibilité d'agir sur elle.
La sociologie a vocation, au contraire, à enrichir notre boîte à outils de nombreux autres instruments. Elle rend visible des chaînes causales plus longues et plus complexes, et multiplie donc nos moyens d'agir. Suivant les mots fameux de Charles W. Mills, on peut, grâce à elle, à cesser de voir seulement des "problèmes individuels" pour penser les "enjeux collectifs". En étendant les chaînes de causalité au-delà du seul individu, la sociologie nous permet de nous interroger sur d'autres façons d'agir et de réagir, d'autres façons de faire face aux problèmes, et le plus souvent d'y faire face collectivement, en considérant, par exemple, que le chômage n'est pas juste le problème des chômeurs mais l'affaire de tous ou encore que le racisme ne se limite pas aux néonazis mais peut être le fait inconscient de tous. Elle a donc bel et bien des conséquences importantes sur la façon dont nous pensons la responsabilité. Mais, contrairement à ce que "pense" Val, elle nous permet d'être plus responsables, de nous-même et des autres. Elle nous responsabilise, littéralement, en nous obligeant à nous poser sérieusement certaines questions : "quelles sont les causes de ce phénomène ? comment pouvons-nous agir dessus ? que devons-nous faire de la responsabilité ?". Au contraire, l'affirmation qu'il n'y a que la responsabilité individuelle qui compte est, elle, deresponsabilisante : rien à faire, pas de question à se poser, c'est la faute des autres, du mal ou de "pas de chance".
C'est sans doute pour cela, et surtout pour faire face aux néo-réactionnaires comme Val, que nous avons besoin plus que jamais de "l'imagination sociologique". Si les chaînes causales peuvent parfois paraître impossibles à contrer, il arrive toujours un moment où l'on prend conscience que connaître leur existence est la condition nécessaire, même si pas suffisante, d'agir sur elles. Peter Berger n'écrivait pas autre chose, je vais donc lui laisser le dernier mot :
Selon Philippe Val, “cette pensée totalitaire molle”, cette "idée que l'individu n'est pas responsable mais que c'est la société qui l'est”, majoritaire depuis Rousseau, est “un mécanisme intellectuel qui aboutit toujours à un bouc-émissaire”, bien souvent les juifs.
Voici donc la "pensée" de Val - je met des guillemets à "pensée" parce que, les médias français devraient le savoir depuis le temps, on a les intellectuels qu'on mérite. Un autre résumé peut être trouvé dans la lettre ouverte de l'historien Gabriel Galvez-Behar à l'animateur de l'émission de radio que je vous encourage vivement de lire dans son entièreté, une argumentation simple, claire et efficace :
Nous commençons donc par écouter Philippe Val nous dire que la "vulgate sociologique", toujours prompte à mettre en avant les déterminismes sociaux au détriment de la responsabilité individuelle, est responsable de l’aveuglement qui a conduit aux atrocités de janvier, à la montée de l’antisémitisme et à celle de la barbarie. Philippe Val concède certes que Rousseau, d’où tout est parti, n’est pas responsable de Pol Pot mais on se demande bien ce qu’il pense des autres quand il parle de "totalitarisme mou".
Faisons un effort, un sacrifice intellectuel même : essayons de prendre un instant les propos de Val au sérieux. Je sais, c'est difficile, ça fait mal, mais soyez courageux avec moi. Pour qu'il y ait responsabilité, il faut qu'il y ait liberté : on me l'accordera sans peine, c'est l'une des bases de la pensée libérale moderne (libérale n'étant pas, ici, pris dans son sens économique - souvent péjoratif - courant). C'est d'ailleurs compris dans ce discours très banal sur les "excuses sociologiques" : les "déterminismes sociaux" seraient la négation de la liberté des individus et donc les déresponsabiliseraient.
Un problème se pose alors : qu'est-ce que la liberté ? Ou plutôt comment peut-on en rendre compte scientifiquement ? Une réponse peut se trouver dans l'ouvrage classique de Peter Berger Invitation à la sociologie (1963). Elle tient en quelques mots : "on ne peut pas". Scientifiquement, la liberté n'existe pas. C'est-à-dire que si l'on se donne pour objectif d'expliquer les comportements des individus, la liberté ne peut jamais constituer une explication satisfaisante. La démonstration de Berger étant aussi implacable que magnifiquement écrite, je ne la gâcherais pas plus avec mes maladresses et je vous laisse lire un extrait de son chapitre 6 :
On ne peut rendre compte empiriquement de la liberté. Plus précisément, alors que nous pouvons faire l'expérience de la liberté comme celle d'autres certitudes empiriques, elle n'est pas accessible à une démonstration par une méthode scientifique. Pour le dire comme Kant, la liberté n'est pas accessible rationnellement, c'est-à-dire qu'on ne peut la démontrer par des méthodes philosophiques reposant sur l'exercice de la raison pure. Du point de vue du constat empirique, le fait que la liberté échappe à la compréhension scientifique ne repose pas tant sur la nature indiciblement mystérieuse du phénomène (après tout, si la liberté est mystérieuse, le mystère se rencontre quotidiennement) que sur la stricte limitation de la portée des méthodes scientifiques. Une science empirique doit opérer à l'intérieur de certains présupposés, dont celui de la causalité universelle. Tout objet soumis à examen scientifique est présumé avoir une cause antérieure. Un objet ou un évènement qui st sa propre cause se tient en dehors de l'univers du discours scientifique. Or la liberté a précisément ce caractère. C'est pourquoi la recherche scientifique la plus poussée ne découvrira jamais un phénomène qu'on puisse caractériser comme libre. Tout ce qui peut apparaître comme libre dans une conscience individuelle trouvera sa place, dans le schéma de la science, comme un lien dans une chaîne de cause.
Liberté et causalité ne sont pas des termes logiquement contradictoires : ils appartiennent à des cadres de référence d'ordres différents. Il est donc oiseux d'attendre que des méthodes scientifiques puissent découvrir la liberté par quelque méthode d'élimination, accumulant cause sur cause jusqu'à aboutir à un phénomène résiduel semblant ne pas avoir de cause et pouvoir être proclamé comme libre. La liberté n'est pas ce qui n'est pas causé. De même, on ne peut déduire la liberté des cas où la prédiction scientifique échoue. La liberté n'est pas ce qui est imprédictible. Comme l'a montré Weber, si tel était le cas, le fou serait l'être le plus libre. L'individu conscient de sa propre liberté ne se tient pas en dehors du monde de la causalité, mais perçoit plutôt sa propre volition comme une catégorie très particulière de cause, différente des causes dont il doit tenir compte. Mais cette différence n'est pas sujette à démonstration scientifique. [...]
Avec la méthode des sciences sociales, on a affaire à une manière de penser qui pose a priori le monde humain comme un système causalement clos. La méthode ne serait pas scientifique autrement. La liberté comme cause de nature particulière est exclue a priori de ce système. Dans le domaine des phénomènes sociaux, le sociologue doit poser une régression indéfinie de causes, sans qu'aucune ne bénéficie d'un statut ontologique privilégié. S'il échoue à expliquer causalement un phénomène par un ensemble de catégorie sociologique, il en essaiera un autre. Si des causes politiques ne semblent pas satisfaisante, il testera des causes économiques. Et si tout l'appareil conceptuel de la sociologie semble inadapté à fournir une explication, il peut passer à un autre appareil, comme celui de la psychologie ou de la biologie. Ce faisant, il se déplace encore dans l'univers scientifique, c'est-à-dire qu'il découvrira de nouveaux ordres de causes, mais ne rencontrera pas la liberté. Il n'y a pas d'autres manières de percevoir la liberté, en soi-même ou dans un autre être humain, que de passer par une certitude intérieure qui se dissout dès qu'on l'attaque avec les outils de l'analyse scientifique.
On le voit : la liberté, et donc son corollaire, la responsabilité, est étrangère au discours scientifique, et par conséquent étrangère au discours sociologique. Dire que A est la cause de B ne signifie pas que A est responsable de la mort de B : la balle qui rentre dans votre cœur est la cause de votre mort, en est-elle responsable ? Le soldat qui a appuyé sur la gâchette est incontestablement une autre cause, mais l'ordre qu'il a reçu n'a-t-il rien à voir dans cette histoire ? Et cette ordre aurait-il été donné s'il n'y avait la guerre ? Et cette guerre n'a-t-elle pas elle aussi des causes ? On peut ainsi remonter la chaîne très loin. Attribuer une responsabilité, c'est faire un choix dans les causes, en élire une ou plusieurs à un statut particulier qui ne repose sur aucune base scientifique mais sur des questions éthiques, philosophiques et politiques. Fondamentalement, attribuer une responsabilité est une activité sociale : c'est à celle-ci que sont dédiées des institutions comme les tribunaux et la Justice.
La science a évidemment quelques conséquences sur l'attribution des responsabilités, il serait idiot le nier. Si nous pouvons aujourd'hui attribuer la responsabilité d'un ouragan aux activités polluantes des humains, c'est parce que notre connaissance des causalités à l’œuvre dans les phénomènes climatiques s'est considérablement améliorée - et que nous ne sommes plus obligés d'invoquer l'intervention divine, même si cela n'empêche pas certains d'essayer... Il en va de même pour la sociologie : en reconstituant les causes, nécessairement nombreuses, des phénomènes sociaux, y compris la délinquance et le terrorisme, elle ouvre notre réflexion et nous oblige à mieux penser aux réponses que nous apportons à ces phénomènes.
C'est que lorsque Val rejette les déterminismes sociaux au non de la responsabilité individuelle, il ne fait pas que rejeter la possibilité d'une démarche scientifique qui cherche des explications : il impose aussi certaines explications. Faisons pour le comprendre un petit raisonnement par l'absurde. Supposons, comme nous le suggère Philippe Val, que l'on ne considère que la responsabilité individuelle et que l'on exclut du champ des explications les "déterminismes sociaux". Posons-nous alors la question : qu'est-ce qui peut expliquer, par exemple, les meurtres à Charlie Hebdo ? La réponse que le pseudo-intellectuel voudrait attendre est "l'Islam radical". Mais ce serait là pécher par déterminisme social : après tout, les terroristes n'avaient qu'à résister à la radicalisation ! La seule réponse possible dans ce cadre de réflexion absurde, c'est qu'ils sont devenus terroristes par leur propre faute, parce qu'ils étaient fondamentalement mauvais... Le refus de l'explication sociologique conduit à embrasser d'autres explications qui placent le mal dans le cœur des individus. Par exemple, dans la biologie ou dans leur culture... on pourrait penser, alors, qu'ils font partie d'un groupe d'individus qui sont tous mauvais... et voilà comment en suivant le raisonnement de Val on retombe sur le racisme et l'antisémitisme qu'il pensait dénoncer...
"Si vous n'avez qu'un marteau, tous les problèmes ont la forme d'un clou" disait (approximativement) Abraham Maslow. Quand on n'a que la "responsabilité individuelle" comme explication, quand c'est le seul outil dont on dispose, il est difficile d'imaginer une autre réaction, une autre solution, que la sanction individuelle. Il est difficile de ne pas penser que certains individus sont simplement mauvais et que l'on ne peut rien faire d'autres que les punir... et s'il s'agit d'un groupe d'individus, on peut facilement imaginer où cela mène. Cela est difficile parce qu'on ne peut pas voir d'autres causes sur lesquelles agir, et faute de les voir, on se prive simplement de la possibilité d'agir sur elle.
La sociologie a vocation, au contraire, à enrichir notre boîte à outils de nombreux autres instruments. Elle rend visible des chaînes causales plus longues et plus complexes, et multiplie donc nos moyens d'agir. Suivant les mots fameux de Charles W. Mills, on peut, grâce à elle, à cesser de voir seulement des "problèmes individuels" pour penser les "enjeux collectifs". En étendant les chaînes de causalité au-delà du seul individu, la sociologie nous permet de nous interroger sur d'autres façons d'agir et de réagir, d'autres façons de faire face aux problèmes, et le plus souvent d'y faire face collectivement, en considérant, par exemple, que le chômage n'est pas juste le problème des chômeurs mais l'affaire de tous ou encore que le racisme ne se limite pas aux néonazis mais peut être le fait inconscient de tous. Elle a donc bel et bien des conséquences importantes sur la façon dont nous pensons la responsabilité. Mais, contrairement à ce que "pense" Val, elle nous permet d'être plus responsables, de nous-même et des autres. Elle nous responsabilise, littéralement, en nous obligeant à nous poser sérieusement certaines questions : "quelles sont les causes de ce phénomène ? comment pouvons-nous agir dessus ? que devons-nous faire de la responsabilité ?". Au contraire, l'affirmation qu'il n'y a que la responsabilité individuelle qui compte est, elle, deresponsabilisante : rien à faire, pas de question à se poser, c'est la faute des autres, du mal ou de "pas de chance".
C'est sans doute pour cela, et surtout pour faire face aux néo-réactionnaires comme Val, que nous avons besoin plus que jamais de "l'imagination sociologique". Si les chaînes causales peuvent parfois paraître impossibles à contrer, il arrive toujours un moment où l'on prend conscience que connaître leur existence est la condition nécessaire, même si pas suffisante, d'agir sur elles. Peter Berger n'écrivait pas autre chose, je vais donc lui laisser le dernier mot :
Revenons alors une dernière fois à notre image du théâtre de marionnettes. Les marionnettes se trémoussent sur leur scène minuscule, selon les mouvements des ficelles qui les tirent, suivant le cours prescrit de leurs différents petits rôles. On apprend à comprendre la logique de ce ce théâtre et l'on se retrouve soi-même dans ces mouvements. On se situe dans la société, on reconnaît sa propre position, qui nous tient par des liens subtils. L'espace d'un instant, on se voit vraiment comme une marionnette. Puis l'on saisit une différence capitale entre le théâtre de marionnettes et notre propre dramaturgie : à la différence des marionnettes, nous avons le pouvoir de nous arrêter dans notre mouvement, de regarder en haut et de voir la machinerie qui nous fait bouger. Ce geste est le premier pas vers la liberté et du même coup, il nous confirme que la sociologie a vraiment toute sa place comme discipline des humanités.