Sur le blog de Gilles Raveaud, on peut trouver le futur programmes de seconde de l'enseignement d'exploration de Sciences Economiques et Sociales - rappelons que les élèves devront, si la réforme va jusqu'au bout, choisir obligatoirement entre SES et Principes fondamentaux de l'économie et de la gestion, avec possibilité de prendre les deux (1h30 par semaine chacun). Il circule depuis quelques jours entre enseignants, suite visiblement à une fuite du côté des auteurs de manuels. Je vous encourage vivement en en prendre connaissance.
Ce programme soulève une certaine méfiance chez un certain nombre d'enseignant, ce post sur le site de l'Idies essayant de synthétiser les critiques. Il a été confectionné par un groupe d'expert rassemblé pour l'occasion : Christian de Boissieu, Philippe Martin (tous deux économistes), François Dubet (sociologue), Sylvain David, président de l'APSES, Jean Etienne et Anne-Marie Dreiszker, tous deux inspecteurs. Dans un contexte difficile pour la discipline, je ne doute pas qu'ils aient fait tous les efforts nécessaires pour réaliser leur tâche au mieux.
Pourtant, à titre tout à fait personnel, je suis assez déçu par ce programme. Il y a des points qui me semblent positifs. Tout d'abord, les outils théoriques à mobiliser auprès des élèves s'avèrent un peu plus précis que dans l'ancien programme, ce qui rend les choses un peu plus claire pour l'enseignant, et souligne, pour le lecteur extérieur, la dimension scientifique de cet enseignement - laquelle ne fait en général pas de doutes pour ceux qui le pratiquent. Ensuite, certains des items choisis manquaient en seconde : aborder dès le début la question du marché est un choix judicieux, tant celui est central aujourd'hui dans nos sociétés et dans la pensée économique et sociologique.
Mais il y a bien des problèmes qui se posent lorsque l'on lit les choses dans le détail. Pour commencer, la sociologie se trouve réduite à la portion congrue : sur douze thèmes, elle n'en occupe véritablement que quatre, dont les deux derniers sont facultatifs (les enseignants sont tenus de traiter les dix premiers items). Dans le programme actuel, le thème de la famille permettait de développer véritablement une analyse sociologique dans toute sa richesse. Ici, ma discipline de prédilection est réduire au rang de petit "supplément d'âme" à l'économie. Or, nos élèves ont besoin de sociologie, non seulement parce que celle-ci leur permet de comprendre des questions qu'ils se posent, mais aussi parce que celle-ci permet de mieux comprendre l'économie. Ce choix de se centrer sur la seule économie me semble hautement contestable : nous sommes dans une formation générale, et les élèves ont besoin d'une vue plus large des sciences sociales que la seule économie.
Autre point d'achoppement à mon sens : le retrait de la plupart des questions un tant soit peu "problématiques". Exit la question de la valeur ajoutée et de son partage, exit la question de l'emploi et du chômage. Même les inégalités ne sont plus abordées qu'à partir des différences de pratiques culturelles Pourtant, ce sont des questions de premier plan aussi bien pour les scientifiques que pour les citoyens : une initiation à l'économie où l'on ne parle pas du chômage, c'est quand même étonnant quand on sait tout ce que les économistes et les sociologues ont à dire sur cette question qui interpelle les élèves. Un équilibre aurait pu être trouvé entre les précisions quant aux outils théoriques d'une part et les questions vives à traiter. C'était d'ailleurs l'une des recommandations du rapport Guesnerie. J'ai l'impression que, sur ce plan-là, les lobbys en faveur de l'économie bisounours ont marqué des points contre ce que proposait le dit rapport, et je le regrette fortement. Le communiqué de presse de l'Apses évoque à ce propos l'intervention directe du ministère dans la confection du programme : si les choses étaient avérées, ce serait très grave. Affaire à suivre.
Ce programme soulève une certaine méfiance chez un certain nombre d'enseignant, ce post sur le site de l'Idies essayant de synthétiser les critiques. Il a été confectionné par un groupe d'expert rassemblé pour l'occasion : Christian de Boissieu, Philippe Martin (tous deux économistes), François Dubet (sociologue), Sylvain David, président de l'APSES, Jean Etienne et Anne-Marie Dreiszker, tous deux inspecteurs. Dans un contexte difficile pour la discipline, je ne doute pas qu'ils aient fait tous les efforts nécessaires pour réaliser leur tâche au mieux.
Pourtant, à titre tout à fait personnel, je suis assez déçu par ce programme. Il y a des points qui me semblent positifs. Tout d'abord, les outils théoriques à mobiliser auprès des élèves s'avèrent un peu plus précis que dans l'ancien programme, ce qui rend les choses un peu plus claire pour l'enseignant, et souligne, pour le lecteur extérieur, la dimension scientifique de cet enseignement - laquelle ne fait en général pas de doutes pour ceux qui le pratiquent. Ensuite, certains des items choisis manquaient en seconde : aborder dès le début la question du marché est un choix judicieux, tant celui est central aujourd'hui dans nos sociétés et dans la pensée économique et sociologique.
Mais il y a bien des problèmes qui se posent lorsque l'on lit les choses dans le détail. Pour commencer, la sociologie se trouve réduite à la portion congrue : sur douze thèmes, elle n'en occupe véritablement que quatre, dont les deux derniers sont facultatifs (les enseignants sont tenus de traiter les dix premiers items). Dans le programme actuel, le thème de la famille permettait de développer véritablement une analyse sociologique dans toute sa richesse. Ici, ma discipline de prédilection est réduire au rang de petit "supplément d'âme" à l'économie. Or, nos élèves ont besoin de sociologie, non seulement parce que celle-ci leur permet de comprendre des questions qu'ils se posent, mais aussi parce que celle-ci permet de mieux comprendre l'économie. Ce choix de se centrer sur la seule économie me semble hautement contestable : nous sommes dans une formation générale, et les élèves ont besoin d'une vue plus large des sciences sociales que la seule économie.
Autre point d'achoppement à mon sens : le retrait de la plupart des questions un tant soit peu "problématiques". Exit la question de la valeur ajoutée et de son partage, exit la question de l'emploi et du chômage. Même les inégalités ne sont plus abordées qu'à partir des différences de pratiques culturelles Pourtant, ce sont des questions de premier plan aussi bien pour les scientifiques que pour les citoyens : une initiation à l'économie où l'on ne parle pas du chômage, c'est quand même étonnant quand on sait tout ce que les économistes et les sociologues ont à dire sur cette question qui interpelle les élèves. Un équilibre aurait pu être trouvé entre les précisions quant aux outils théoriques d'une part et les questions vives à traiter. C'était d'ailleurs l'une des recommandations du rapport Guesnerie. J'ai l'impression que, sur ce plan-là, les lobbys en faveur de l'économie bisounours ont marqué des points contre ce que proposait le dit rapport, et je le regrette fortement. Le communiqué de presse de l'Apses évoque à ce propos l'intervention directe du ministère dans la confection du programme : si les choses étaient avérées, ce serait très grave. Affaire à suivre.
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