Deux articles de Libération, deux hommes qui se disent féministes, deux dérapages sexistes. Face à cela, moi-même, féministe récent, mais pour de vrai - enfin, j'espère. Entre les deux, une question fondamentale : qu'est-ce que c'est d'être féministe lorsqu'on est un homme ? Et pourquoi est-ce aussi important, et aussi libérateur, de l'être ? Petit récit de ma conversion, qui doit beaucoup, si ce n'est tout, à la sociologie.
Commençons par le comment : deux articles de Libé, donc. Points communs : les deux sont écrits par des hommes ; les deux parlent de femmes ; les deux se prétendent féministes ; les deux sont sexistes. Le premier est écrit par Régis Jauffret, que je ne connaissais pas avant et que je n'ai pas plus envie de connaître après. Il parle de Marine Le Pen. L'article, sous forme d'une espère de récit au style passablement pédant, commence ainsi :
Bonheur que d'être écrivain et de pouvoir, sous couvert de style, écrire des horreurs sans avoir à les assumer. Quel est l'intérêt de cette remarque ? Aucun. Si ce n'est confondre le sexe et la haine, le sexe et la domination masculine. Parce que, visiblement, dans l'esprit de Régis Jauffret, coucher avec une femme, c'est l'humilier. Humilier Marine Le Pen, soyons clair, je suis pour. Mais je veux que cela se fasse dans le débat d'idée, par la confrontation, pas par les corps, pas par ce qui est, parait-il, un acte d'amour.
Deuxième article, à l'écho beaucoup plus important, celui de Philippe Caubère, que j'avoue avoir découvert également à cette occasion, et que je n'ai pas non plus envie de connaître plus. Le titre de son article brandi déjà son "féminisme" - oui, là, les guillemets sont nécessaires. C'est censé légitimer son point de vue apparemment. Le brave homme se livre à une critique de la proposition de Roselyne Bachelot de pénaliser les clients de prostituées. Et quelle critique, il mène notre acteur de gauche. Lisez plutôt :
Oui, vous avez bien lu : Caubère le féministe nous explique que si Roselyne Bachelot propose de pénaliser les clients des prostituées, c'est parce qu'en fait, c'est une obsédée frustrée qui trouve aussi son plaisir. Osons une traduction plus directe : c'est qu'elle est mal-baisée, la pauvre. Ce n'est pas que c'est un être rationnel, doué d'intelligence, qui défend une position parce qu'elle y croit, c'est juste qu'elle est handicapée par une sexualité insuffisante, sans quoi, bien évidemment, elle serait d'accord avec notre ami qui lui "ne représente pas vraiment le prototype du mec frustré, sexuellement ou sentimentalement" comme il dit. Autrement dit, il baise donc il peut avoir un avis éclairé.
Quel est le point commun entre ces deux références au féminisme ? Les deux le brandissent comme un bouclier contre les critiques à venir, une façon de dire : "vous ne pouvez pas nous attaquer là-dessus, nous sommes féministes !". Mais surtout les deux partagent une conception relativement simple du féminisme : une vague inclinaison, très vague même, pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Pour Regis Jauffret, c'est la parité. Pour Philippe Caubère, c'est que les femmes doivent travailler et ne pas dépendre d'un homme. Ici commence et s'arrête leur féminisme. C'est un féminisme qui s'applique aux femmes : jamais il n'en vient à affecter les hommes. Il faut que les femmes s'élèvent au niveau des hommes, pas que les hommes changent.
Longtemps, j'ai partagé cette vue du féminisme. Peut-être est-ce beaucoup dire : j'étais féministe par obligation, parce qu'il fallait bien se dire comme tel et parce que, oui, l'égalité, c'est quand même important. Ce n'est que très récemment que j'ai compris que le féminisme pouvait et devait être beaucoup plus. C'est aux approches sociologiques du genre, et à un certain nombre de blogs sociologiques américains car ce thème est beaucoup plus développé et dynamique de l'autre coté de l'Atlantique, que je dois cela.
Beaucoup de gens sont conscients, certes parfois de façon confuse, que les comportements que nous qualifions de féminins sont des constructions sociales qui n'ont rien de nécessaires. La lutte contre les discriminations, c'est précisément cela : lutter contre le fait que l'appartenance au sexe féminin aille de pair avec des traitements de moins bonne qualité. Mais la sociologie oblige à ne pas se limiter à ce point de vue : la masculinité est tout autant un construit que la féminité. C'est inévitable dès lors que l'on fait l'effort de penser scientifiquement le monde. Or il est encore courant de la considérer comme l'appareillage de base de l'humanité, comme le point de vue neutre. Comme disent les américains : "men = people ; women = women", soit "les hommes, c'est les gens ; les femmes, c'est les femmes".
On connaît toutes les injonctions faites aux filles et aux femmes : "être belle", "être sexy", "être passive", "être une princesse", etc. Et on sait tout le mal qu'elles font. On voit moins toutes les injonctions, non moins nombreuses, qui sont faites aux hommes : "être viril", "être dominateur", "être violent", "être le plus fort", "être sportif", etc. Les hommes, pour être des "vrais mecs", doivent se plier à certaines normes extrêmement pesantes. Un seul exemple : l'obligation d'être disposé à coucher avec n'importe qui, n'importe quand, sans sentiment. Souvenez-vous du premier épisode de Sex and the City : c'est ainsi qu'est définit "have sex as a man". Dans Friends, dans "The One With Joey's New Brain", Chandler révèle à une Monica étonnée qu'il ne s'inquiète pas de ne pas avoir l'occasion de coucher avec d'autres femmes une fois qu'ils seront mariés : pour lui, cela représente beaucoup de stress et d'anxiété. La surprise attendue sur laquelle repose le ressort comique de la situation souligne combien le désir sexuel sans objet est un trait naturalisé de la masculinité. En même temps, elle souligne combien ces incitations enferment les hommes : les obligations de performances masculines ne sont pas forcément plus faciles à vivre que l'obligation faite aux femmes de porter des talons hauts pour être féminine...
De la même façon, pensons au fait que l'expression "avoir des couilles" est devenue synonyme de courage et de force, comme si la possession de ces attributs suffisaient à garantir la force de caractère. Et l'on sera par conséquent admiratif des femmes "qui ont des couilles". On ne fera pourtant jamais un compliment que de dire à un homme ou à une femme qu'il ou elle a un "sacré vagin".
C'est cela qui se retrouve dans les deux articles pré-cités : une idéologie largement viriliste, où l'homme est incontestablement dominant, surtout quand il baise. Tout deux répondent à l'obligation pour un homme d'afficher une sexualité dominante et tout azimut et de s'affirmer au travers d'elle, à tel point que chez Philippe Caubère cela devient une caution que sa parole a de la valeur. Leur féminisme s'arrête à l'idée qu'il faut que les femmes se comportent de la même façon. C'est en cela qu'il ne sont pas féministes, si ce n'est un féminisme de façade. Pour un homme, être féministe ne peut signifier simplement considérer que les femmes doivent pouvoir accès avoir à ce que l'on attache à la masculinité. Il faut pousser plus loin le "trouble dans le genre" et poser la question de cette masculinité et de sa légitimité. Et les femmes féministes doivent également s'y intéresser.
Ce carcan masculiniste est d'autant plus puissant qu'il est valorisé : il est facile de mener une critique de la féminité et de défendre l'idée que les femmes doivent s'en extraire, dans la mesure où cette féminité est largement dévalorisée. Il est beaucoup plus difficile de le faire pour la masculinité : quelqu'un comme Philippe Caubère aura toujours beau jeu de dire que ma position féministe et ma critique de l'idéologie viriliste qu'il défend ne peut provenir que du fait que je suis un "mec frustré, sentimentalement ou sexuellement". De même, quelqu'un comme David Douillet pourra toujours dire que je suis un homme "qui ne s'assume pas", autrement dit, comme il le dit joliment, une "tapette".
C'est là sans doute que le féminisme a du travail. Ce mouvement a contribué à améliorer de façon significative la position des femmes. Le chemin reste encore long j'en conviens. Je suis cependant convaincu que la libération des femmes ne pourra se poursuivre qu'à la condition de libérer également les hommes de la tyrannie du genre, qu'à la condition qu'ils se sentent autorisés à exprimer des désirs, des envies et des attitudes que l'idéologie viriliste dominante leur interdit pour l'instant. Car la domination masculine blesse aussi les hommes, surtout lorsque les femmes y adhèrent également. La poursuite du féminisme passe par les hommes et les hommes ont besoin du féminisme comme discours critique. C'est du moins ce que la sociologie m'a permis de comprendre, et pour cela, je pense qu'elle valait bien une heure de peine.
Commençons par le comment : deux articles de Libé, donc. Points communs : les deux sont écrits par des hommes ; les deux parlent de femmes ; les deux se prétendent féministes ; les deux sont sexistes. Le premier est écrit par Régis Jauffret, que je ne connaissais pas avant et que je n'ai pas plus envie de connaître après. Il parle de Marine Le Pen. L'article, sous forme d'une espère de récit au style passablement pédant, commence ainsi :
Elle entre dans l’hôtel Saint-Aygulf (Var). Jeans, bottes à talons, plus sexy que son père. Si je n’étais pas féministe et partisan de la parité au Parlement, je me serais dit que c’est exactement le genre de fille qu’on a envie de sauter entre deux portes en espérant qu’elle vous demande de lui donner des baffes avant de jouir pour pouvoir se mettre un instant dans la peau d’un sans-papiers macho et irascible.
Bonheur que d'être écrivain et de pouvoir, sous couvert de style, écrire des horreurs sans avoir à les assumer. Quel est l'intérêt de cette remarque ? Aucun. Si ce n'est confondre le sexe et la haine, le sexe et la domination masculine. Parce que, visiblement, dans l'esprit de Régis Jauffret, coucher avec une femme, c'est l'humilier. Humilier Marine Le Pen, soyons clair, je suis pour. Mais je veux que cela se fasse dans le débat d'idée, par la confrontation, pas par les corps, pas par ce qui est, parait-il, un acte d'amour.
Deuxième article, à l'écho beaucoup plus important, celui de Philippe Caubère, que j'avoue avoir découvert également à cette occasion, et que je n'ai pas non plus envie de connaître plus. Le titre de son article brandi déjà son "féminisme" - oui, là, les guillemets sont nécessaires. C'est censé légitimer son point de vue apparemment. Le brave homme se livre à une critique de la proposition de Roselyne Bachelot de pénaliser les clients de prostituées. Et quelle critique, il mène notre acteur de gauche. Lisez plutôt :
Interdire, réprimer, ostraciser, humilier, frapper au plus intime, au plus secret, au plus fragile, dégrader enfin à travers le désir et le sexe, l’homme, la femme et en jouir. Et faire jouir. En toute tranquillité, toute bonne conscience. Voilà la vérité. J’avais de l’estime pour madame Bachelot. Mais je me souviens, comme d’une drôle d’histoire, d’un conflit qui l’avait opposé à un animateur de télévision qui, lors d’une soirée - où d’ailleurs, l’on se demandait un peu ce qu’elle foutait là… Que font les hommes ou femmes politiques dans de telles galères ?- s’était moqué de son rire, lui prêtant une connotation sexuelle. Sa réaction, très violente, dramatique même -elle était allée jusqu’à refuser les excuses publiques de cet animateur- m’avait paru compréhensible et légitime.
L’ayant vu l’autre soir à la télévision, les mâchoires serrées, le visage fermé, déclarer sa faveur pour ce texte répressif, dégradant, attentant de plein fouet aux libertés publiques, celle de se prostituer, comme celle de payer un service sexuel à un adulte consentant, j’ai pensé soudain que Laurent Ruquier avait du mettre le doigt (si j’ose dire…) sur un vrai problème. Que je connais. Ma mère avait le même. Il m’a fallu quelques années (et que je la joue dans de nombreux spectacles) pour le comprendre et l’assumer. Ma mère était une obsédée. Une vraie. Gravement perturbée, que sa frustration agitait parfois jusqu’à la démence, déclenchant en elle des accés d’une violence affreuse, castratrice et terriblement prédatrice. Pour ses enfants, pour son mari et surtout pour elle-même. Elle en a tout perdu, jusqu’à la vie.
Oui, vous avez bien lu : Caubère le féministe nous explique que si Roselyne Bachelot propose de pénaliser les clients des prostituées, c'est parce qu'en fait, c'est une obsédée frustrée qui trouve aussi son plaisir. Osons une traduction plus directe : c'est qu'elle est mal-baisée, la pauvre. Ce n'est pas que c'est un être rationnel, doué d'intelligence, qui défend une position parce qu'elle y croit, c'est juste qu'elle est handicapée par une sexualité insuffisante, sans quoi, bien évidemment, elle serait d'accord avec notre ami qui lui "ne représente pas vraiment le prototype du mec frustré, sexuellement ou sentimentalement" comme il dit. Autrement dit, il baise donc il peut avoir un avis éclairé.
Quel est le point commun entre ces deux références au féminisme ? Les deux le brandissent comme un bouclier contre les critiques à venir, une façon de dire : "vous ne pouvez pas nous attaquer là-dessus, nous sommes féministes !". Mais surtout les deux partagent une conception relativement simple du féminisme : une vague inclinaison, très vague même, pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Pour Regis Jauffret, c'est la parité. Pour Philippe Caubère, c'est que les femmes doivent travailler et ne pas dépendre d'un homme. Ici commence et s'arrête leur féminisme. C'est un féminisme qui s'applique aux femmes : jamais il n'en vient à affecter les hommes. Il faut que les femmes s'élèvent au niveau des hommes, pas que les hommes changent.
Longtemps, j'ai partagé cette vue du féminisme. Peut-être est-ce beaucoup dire : j'étais féministe par obligation, parce qu'il fallait bien se dire comme tel et parce que, oui, l'égalité, c'est quand même important. Ce n'est que très récemment que j'ai compris que le féminisme pouvait et devait être beaucoup plus. C'est aux approches sociologiques du genre, et à un certain nombre de blogs sociologiques américains car ce thème est beaucoup plus développé et dynamique de l'autre coté de l'Atlantique, que je dois cela.
Beaucoup de gens sont conscients, certes parfois de façon confuse, que les comportements que nous qualifions de féminins sont des constructions sociales qui n'ont rien de nécessaires. La lutte contre les discriminations, c'est précisément cela : lutter contre le fait que l'appartenance au sexe féminin aille de pair avec des traitements de moins bonne qualité. Mais la sociologie oblige à ne pas se limiter à ce point de vue : la masculinité est tout autant un construit que la féminité. C'est inévitable dès lors que l'on fait l'effort de penser scientifiquement le monde. Or il est encore courant de la considérer comme l'appareillage de base de l'humanité, comme le point de vue neutre. Comme disent les américains : "men = people ; women = women", soit "les hommes, c'est les gens ; les femmes, c'est les femmes".
On connaît toutes les injonctions faites aux filles et aux femmes : "être belle", "être sexy", "être passive", "être une princesse", etc. Et on sait tout le mal qu'elles font. On voit moins toutes les injonctions, non moins nombreuses, qui sont faites aux hommes : "être viril", "être dominateur", "être violent", "être le plus fort", "être sportif", etc. Les hommes, pour être des "vrais mecs", doivent se plier à certaines normes extrêmement pesantes. Un seul exemple : l'obligation d'être disposé à coucher avec n'importe qui, n'importe quand, sans sentiment. Souvenez-vous du premier épisode de Sex and the City : c'est ainsi qu'est définit "have sex as a man". Dans Friends, dans "The One With Joey's New Brain", Chandler révèle à une Monica étonnée qu'il ne s'inquiète pas de ne pas avoir l'occasion de coucher avec d'autres femmes une fois qu'ils seront mariés : pour lui, cela représente beaucoup de stress et d'anxiété. La surprise attendue sur laquelle repose le ressort comique de la situation souligne combien le désir sexuel sans objet est un trait naturalisé de la masculinité. En même temps, elle souligne combien ces incitations enferment les hommes : les obligations de performances masculines ne sont pas forcément plus faciles à vivre que l'obligation faite aux femmes de porter des talons hauts pour être féminine...
De la même façon, pensons au fait que l'expression "avoir des couilles" est devenue synonyme de courage et de force, comme si la possession de ces attributs suffisaient à garantir la force de caractère. Et l'on sera par conséquent admiratif des femmes "qui ont des couilles". On ne fera pourtant jamais un compliment que de dire à un homme ou à une femme qu'il ou elle a un "sacré vagin".
C'est cela qui se retrouve dans les deux articles pré-cités : une idéologie largement viriliste, où l'homme est incontestablement dominant, surtout quand il baise. Tout deux répondent à l'obligation pour un homme d'afficher une sexualité dominante et tout azimut et de s'affirmer au travers d'elle, à tel point que chez Philippe Caubère cela devient une caution que sa parole a de la valeur. Leur féminisme s'arrête à l'idée qu'il faut que les femmes se comportent de la même façon. C'est en cela qu'il ne sont pas féministes, si ce n'est un féminisme de façade. Pour un homme, être féministe ne peut signifier simplement considérer que les femmes doivent pouvoir accès avoir à ce que l'on attache à la masculinité. Il faut pousser plus loin le "trouble dans le genre" et poser la question de cette masculinité et de sa légitimité. Et les femmes féministes doivent également s'y intéresser.
Ce carcan masculiniste est d'autant plus puissant qu'il est valorisé : il est facile de mener une critique de la féminité et de défendre l'idée que les femmes doivent s'en extraire, dans la mesure où cette féminité est largement dévalorisée. Il est beaucoup plus difficile de le faire pour la masculinité : quelqu'un comme Philippe Caubère aura toujours beau jeu de dire que ma position féministe et ma critique de l'idéologie viriliste qu'il défend ne peut provenir que du fait que je suis un "mec frustré, sentimentalement ou sexuellement". De même, quelqu'un comme David Douillet pourra toujours dire que je suis un homme "qui ne s'assume pas", autrement dit, comme il le dit joliment, une "tapette".
C'est là sans doute que le féminisme a du travail. Ce mouvement a contribué à améliorer de façon significative la position des femmes. Le chemin reste encore long j'en conviens. Je suis cependant convaincu que la libération des femmes ne pourra se poursuivre qu'à la condition de libérer également les hommes de la tyrannie du genre, qu'à la condition qu'ils se sentent autorisés à exprimer des désirs, des envies et des attitudes que l'idéologie viriliste dominante leur interdit pour l'instant. Car la domination masculine blesse aussi les hommes, surtout lorsque les femmes y adhèrent également. La poursuite du féminisme passe par les hommes et les hommes ont besoin du féminisme comme discours critique. C'est du moins ce que la sociologie m'a permis de comprendre, et pour cela, je pense qu'elle valait bien une heure de peine.
14 commentaires:
j'ai bien aimé votre billet, évidemment, mais je reste un peu songeuse : j'espère qu'il ne faudra pas attendre que tous les hommes (et certaines femmes, voir mon billet ci-dessous) lisent/fassent de la sociologie pour penser l'égalité des sexes - la seule expérience de la vie devrait le permettre, enfin j'ai l'impression
sur deux autres articles de libé, écrits par des femmes, "aussi pires" que les vôtres : http://penseedudiscours.hypotheses.org/4698
dans ma galerie des "mais" (page du blog), il y a un joli "mais" sexiste qui concerne Beyoncé qui va vous amuser/désespérer
songer sérieusement à ne plus lire libé ?
Je suis d'accord (comme souvent, je remarque au passage) avec Marie-Anne : songer sérieusement à ne plus lire "Libé". Tout est dit. Le coût représenté par la lecture des jeux de mots pourris dans le titrage des articles n'est plus compensé par le contenu desdits "articles".
Objectivement, les exemples cités tiennent du torchon. La transformation des ennemies politiques en "pouffiasses" et en "salopes" était un temps réservée à Patrick Devedjian et à l'extrême-droite (l'un ayant appartenu à l'autre dans sa jeunesse).
J'avais écrit à "Libé" pour protester contre le fait que le journal avait entériné le livre-enquête à charge contre le "Canard enchaîné", en autorisant les auteurs à se revendiquer de leur statut de journalistes à "Libération" pour publier leur travail, qui ne vaut objectivement pas tripette. Joffrin m'avait rit au nez, réaction encore plus naïve et désabusée que la protestation initiale.
Il est malheureux de constater que rien ne vient faire mentir la thèse de Perry Anderson sur la régression des élites intellectuelles françaises. Quand Le Clézio a donné ses quelques interviews après son prix, j'ai cru pouvoir défendre l'inverse (retrouvez les archives, il est spectaculaire de simplicité et d'intelligence dans ses propos), mais depuis, j'attends.
Autre chose : la corruption totale des milieux artistiques. Cela va plus loin que DADVSI et Hadopi 1/2. Suite aux événements dans les pays arabo-musulmans, où sont les actes équivalents au déplacement improvisé de Rostropovitch après la chute du Mur de Berlin ? Où sont les concerts de soutien des progressistes engagé(e)s ? Non, rien, ni des artistes en général, ni des artistes d'origine étrangère, ni même de clique musicale initialement ralliée au sarkozysme (quelques noms de vedettes tombées dans l'oubli me reviennent).
En fait, je ne lis plus vraiment Libé, mais avec la magie des "réseaux sociaux", les articles continuent à m'arriver... Si je fais l'hypothèse que c'est ceux que les gens jugent le plus dignes d'être diffusé, je dois dire que ça donne une dimension particulièrement inquiétante à la thèse de Perry Anderson.
Quant à savoir si l'expérience de la vie suffit à penser l'égalité des sexes, honnêtement j'en doute. C'est l'expérience de la vie qui a conduit aux inégalités contemporaines. La sociologie n'est certes qu'une voix parmi d'autres pour provoquer une prise de conscience. C'est pour cela qu'il faudrait sans doute que les mouvements féministes s'intéressent à sensibiliser les hommes au poids du genre qu'eux-mêmes subissent. Tiens, ça me donne des idées pour un autre billet dans le même esprit.
d'accord avec l'essentiel du billet, j'avais été choqué par des lignes du même Caubère sur le même sujet, donnant comme exemple de la pénalisation du sexe l'affaire Cantat!
mais je ferais 2 reproches:
*ce que dit Jauffret n'entre pas dans la même catégorie que ce que dit Caubère. Chez Jauffret, on est dans la simple expression d'un fantasme masculin, sur un ton un peu provocateur. Alors certes, les fantasmes masculins ne sont pas souvent féministes, ni toujours jolis-jolis, mais la critique que vous en faites me semble un peu relever de la police de la pensée (ou du politiquement correct, pour employer une expression que je n'aime pas)
*on peut être étonné que vous ne connaissiez ni Jauffret, ni Caubère (il ne faut pas fréquenter uniquement les toilettes de Sciences Po!), mais on peut vous reprocher de vous appuyer sur leur propos pour affirmer ne pas vouloir les connaître. Ne faudrait-il pas dissocier l'oeuvre de la personne (je ne fais pas vous refaire le vieux coup de Céline)? et ne vous arrive-t-il pas de dire/écrire des bêtises?
Jauffret essaye de faire croire qu'il est féministe : quand on est féministe, on ne dit pas ce genre de chose. Quant à la "police de la pensée", comme le "politiquement correct", ce n'est qu'une bien pratique façon de réclamer le droit à raconter n'importe quoi sans subir de critique. Jauffret a bien le droit de dire ce qu'il dit. Il n'empêche que ce sont des bêtises.
Quant au fait que je ne connaisse ni Caubère ni Jauffret, je dirais tant d'abord que ce ne sont pas non plus des représentants majeurs de leur champ de compétence. Et si je n'ai pas envie de les lire, c'est qu'il y a des dizaines d'auteurs et d'acteurs de talent, que je n'aurais pas le temps de tous les connaître, et que c'est un moyen comme un autre de choisir.
ah si, je n'aime pas ce qu'écrit Jauffret, mais il est considéré comme un des plus importants écrivains français contemporains. après, on pourra discuter de ce que valent les écrivains français contemporains.
d'autre part, il n'a pas dit une bêtise, dans le sens où il n'exprime pas une pensée, mais donne accès à un fantasme qui lui traverse l'esprit. c'est en cela que je parle de politiquement correct, ce côté: vous n'avez pas le droit d'avoir ces fantasmes. bon, c'est peut-être parce que j'ai entendu marcella iacub il n'y a pas loongtemps que je réagis ainsi.
On pourrait discuter certes des écrivains français contemporains. Ma conclusion serait que hors de la SF, il n'y a pas grand chose à sauver. Et encore, de moins en moins.
Pour le reste, il a bien le droit de fantasmer sur ce qu'il veut. Moi aussi, j'ai des fantasmes. Mais je n'en fais pas étalage dans les journaux. A partir du moment où l'on décide de les rendre public, il faut assumer. Et si on se dit féministe, on ne tombe pas là-dedans.
Bonsoir,
lecteur assidu de votre blog depuis un moment déjà, et particulièrement intéressé par les questionnements liés au genre en général, pourriez vous donner les blogs et ouvrages que vous consultez (américains notamment, je suis bien d'accord avec vous sur le fait que c'est là bas que ça se passe sur ce thème!)?
Désolé si les commntaires ne sont pas le lieu pour cette demande, mais j'en profite pour dire tout le plaisir et l'intérêt que je trouve à vous lire :), merci beaucoup!
Jamais entendu parler de Jauffret, mais je ne lis que La Quinzaine de temps à autre. J'imagine que si la reconnaissance des auteurs contemporains fonctionne comme le marché de l'art contemporain, c'est qu'il s'agit juste d'un type avec un bon agent qui lui écoule beaucoup de son stock et lui assure sa réputation dans une demi-douzaine d'arrondissements (c'est objectif et pas anti-parisien pour un sou que de le constater).
"la masculinité est tout autant un construit que la féminité. C'est inévitable dès lors que l'on fait l'effort de penser scientifiquement le monde..."
Ce critère scientifique oblige à penser le pourquoi de cette construction et là, la pseudo-symétrie de votre argument ne tient pas. En effet, les auteurs de la construction étant les hommes -- fût-ce via les mères chargées de reproduire l'ordre dont ils avaient décidé --, les hommes se sont attribué très tôt les pouvoirs et les qualités qui faisaient de leur propre construction une panoplie d'AVANTAGES, artificiels certes en regard des fictions essentialistes, mais matériellement bien réels face aux femmes qui en étaient expropriées.
Quant aux contraintes que vous citez - comme la prétendue obligation de sauter tout ce qui bouge ou d'en prétendre le souhait - il y a pire et ce n'ets peut-être pas par 'honte' qu'on voit peu d'hommes s'en plaindre.
Quant au manque de virilité, il pesait peut-être à l'époque d'icônes comme Jean Gabin, Johnny Weissmuller et Rambo; mais si on regarde la brochette des vedettes et success stories des trente dernières années, l'argument est beaucoup moins convaincant. Cette contrainte ne pèse pas tant que bien des hommes n'arrivent pas à y aménager une foule de niches d'exception. Ils font virilité de tout bois puisqu'il suffit d'en avoir pour adouber toute attitude ou activité du label de qualité masculin.
Je vous suis dans la notion que le féminisme offre aux hommes la possibilité d'une déconstruction de cette virilité. Mais prétendre le faire non par souci de vérité ou d'équité mais pour libérer les hommes de quelque immense et équivalent fardeau équivaut à rester dans l'orbite des antiféministes comme celui de votre première illustration, pour qui les seules véritables contraintes subies par le shommes sont celles qu'un respect des droits des femmes imposerait à une licence masculine de plus en plus absolue, comme en témoignent les propos remplis de suffisance de Caubère et Jauffret.
Sur ces questions, je vous recommande Léo Thiers-Vidal, "De "L'Ennemi principal" aux principaux ennemis - Position vécue, subjectivité et conscience masculines de domination", L"Harmattan, 2010; et Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, "Le mouvement masculiniste au Québec, l'antiféminisme démasqué", Montréal, 2008, les éditions du remue-ménage.
P.S.: Je suis d'ailleurs surpris de voir ressurgir cette thèse lénifiante d'un carcan équivalent imposé aux hommes, à laquelle G. Falconnet et N. Lefaucheur mettaient déjà un bémol en 1975, dans "La fabrication des mâles" (Seuil) en notant que, contrairement aux femmes, les hommes disposaient tout de même du pouvoir pour changer ce qui les gênait.
@Martin Dufresne : il semble que vous n'ayez pas bien saisi mon propos. La symétrie que j'évoque est bien une symétrie de construction, pas une symétrie d'avantage : il est évident que la masculinité est aujourd'hui plus valorisée dans nos sociétés que la féminité. Et c'est ce qui explique que les hommes y adhèrent avec plus d'enthousiasme. Mais cela me semble justement critiquable, surtout lorsque pour valoriser une femme on se contente de lui accorder des valeurs "viriles" - cf. ma remarque sur l'expression "avoir des couilles".
Or je pense qu'il faut faire la critique de cette masculinité triomphante, à commencer par relever ce qu'elle peut avoir d'aliénante. Le fardeau que vous évoquez n'est d'ailleurs pas le mien : je devine que vous faites référence à l'idée que les hommes, les pauvres, devraient vivre avec le fardeau de devoir s'occuper de ramener à manger, d'assurer la sécurité, d'être actifs dans l'économie et autres bétîses des masculinistes. Ce n'est pas de cela dont je parle. C'est du fardeau qui nourrit l'homophobie (ou l'usage continuel des termes "pédés" - "fag" en anglais - et "enculés" comme insultes suprêmes), les bagarres et les moqueries blessantes dans les cours d'école (et de lycée...), l'exclusion des sociétés masculines de ceux qui ne se conforment pas à certaines règles, etc. dont je parle. "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités" disait le philosophe : de même les avantages de la masculinité vont de pairs avec une surveillance très forte de ceux qui ne s'y plient pas. C'est pour cela que votre remarque qui me rapproche des anti-féministes est au plus loin de ce que j'ai pu écrire. Si je comprends bien vous faites référence aux masculinistes quebecois : ceux-ci veulent libérer les hommes des femmes. Si vous me lisez bien, ce que je défends c'est l'idée que l'homme doit se libérer de la masculinité comme le féminisme a contribué à commencer à libérer la femme de la féminité.
Quant au fait que les modèles masculins ne seraient plus autant dans la virilité que dans le passé, je doute. Le métrosexuel n'a été qu'une invention de magazine pour se divertir le temps d'un été...
@Towelie : cherchez Sociological Images, Global Sociology Blog & The Grumpy Sociologist (tous dans mes liens, sauf erreurs)
Oui, la barbe !
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