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21 octobre 2013

Assumer son humour (à la con)

Parfois, les sites de presse publient des infos. Parfois, ils publient des analyses. Et parfois, on ne sait pas trop ce qu'ils publient. C'est le cas avec cet article de Slate "Harry Potter et les zombies à la fac, ou l'overdose «des cours à la con» façon générateur". L'auteur y parle vaguement de l'arrivée de cours de Cultural Studies dans le monde académique français. Mais plutôt que d'expliquer de quoi il s'agit - le terme même de Cultural Studies n'apparaît nulle part... - ou de proposer une réflexion sur la chose, elle se contente de proposer un générateur de "cours à la con". Evidemment, des personnes engagées à divers degré dans les sciences sociales se sont énervées contre l'article, moi y compris. Et se sont vues répondre que c'était du second degré, et qu'il fallait avoir un peu d'humour. Ach... l'humour... Vous connaissez le reste. Mais prenons cela au sérieux (non, ce n'est pas une tentative de blague pourrie) : si c'est de l'humour, de qui se moque-t-on ? (ça non plus). Faisons une petite étude de cas.







Comme j'ai pu l'évoquer précédemment
, l'humour repose essentiellement sur un décalage : vous voyez un homme marcher dans la rue, il glisse sur une peau de banane, décalage, c'est drôle. Ce décalage peut être plus ou moins fort, et surtout peut être obtenu de diverses façons. Il ne s'agit pas forcément d'une rupture, comme dans l'humour non-sensique ou absurde : une exagération peut être également efficace, tout comme la révélation de quelque chose que tout le monde pense vrai mais ne dit pas - le fameux "c'est drôle parce que c'est vrai" (qui est souvent faux et simplement l'affirmation d'un pouvoir, mais j'ai déjà parlé de cela avant).

Partant de là, on peut comprendre comment l'humour de l'article en question peut fonctionner : il s'agit de jouer sur le décalage entre d'un côté le sérieux généralement prêté au monde académique et de l'autre le contenu inhabituel des cours en question. De là, on peut penser qu'il y a peut-être une volonté sincère d'être drôle derrière l'article. Disons qu'on peut lui accorder le bénéfice du doute.

Avant d'aller plus loin, notons que le résultat est parfois... étrange. Tenez, ce résultat, l'un des premiers sur lequel je suis tombé en lançant le générateur et qui, je dois le supposer, devrait m'apparaître décalé d'une façon ou d'une autre :


Il faudra peut-être expliquer à l'auteure que les recherches anthropologique sur la magie et la sorcellerie ne sont pas franchement nouvelles, y compris dans le contexte français : 1977 pour la publication de Les mots, la mort, les sorts, référence en la matière, et qui traite de la sorcellerie en Mayenne... Alors je suppose que c'est le "dans le monde numérique" qui doit provoquer en moi une certaine hilarité... Auquel cas je ne pourrais que conseiller la lecture du bouquin de Jeanne Favrett-Saada qui devrait nous mettre à l'abri de nos prétentions à penser que les croyances magies se sont retirées de notre monde moderne...

Mais je pinaille. Disons que c'est un hasard du générateur. Même si je me demande ce qui est drôle dans les intitulés suivants que le générateur m'a donné : "Rhétorique de la propagande visuelle dans le monde de l'Islam" (c'est où que c'est "à la con" au juste ?), "Comprendre la masculinité dans l'oeuvre de Nietzsche" (non sérieusement, vous croyez qu'on ne s'est jamais posé de questions sur Nietzsche ?), ou encore "Politique de la pensée constructiviste dans le monde numérique" (peut-être un peu post-moderniste, mais à quel moment je suis censé rire au juste ?)... Soyons honnête, je vois mieux l'intention humoristique dans "Géographie de la société et Oprah Winfrey", même si je n'en suis toujours pas à me rouler par terre en suffoquant.

Notons cependant qu'il existe (au moins) deux façons d'obtenir le décalage en question. On peut confronter le côté guindé de l'université française à la nouveauté d'objets de recherche réclamant un nouvel état d'esprit, et remettant en cause des frontières traditionnelles et désuètes. On peut au contraire confronter la légèreté des objets choisis, leur trivialité, au sérieux réclamé par l'université et l'enseignement supérieur. L'article fait clairement le choix de la deuxième option. Il n'y a aucun doute là-dessus. L'auteure prend même la peine d'enfoncer le clou en invoquant l'argument monétaire :

Mais ces cours ont-ils vraiment leur place dans la maquette pédagogique de grandes universités aux frais de scolarité très élevés –10.000 euros l’année à Sciences Po, 20.000 euros le semestre à NYU?

Comme pour toute interaction, l'humour réclame, comme le dirait Goffman, un cadre. Le cadre n'est pas seulement fixé par l'article qui vient expliquer pourquoi c'est drôle ("ahahah, regardez comment on gâche l'argent des étudiants !"), mais aussi par l'appel un cadre pré-existant. Le fait de simplement évoquer les titres des cours et de dire "regardez, c'est drôle !" suppose que l'on tienne pour acquis que les éléments contenus dans ces titres n'ont rien à faire à l'université, qu'ils ne sont pas à leur place, qu'ils sont décalés, et donc drôles... Autrement dit, il faut tenir pour acquis une hiérarchie culturelle bien précise. Si on ne pense pas que, par exemple, Harry Potter ou les Zombies, sont illégitimes, déjà ridicules, la blague ne peut tout simplement pas être drôle. Derrière cette blague, il y a donc le mépris culturel. Et ce mépris vise des pratiques populaires : si l'article met en avant, par son titre, Harry Potter et les Zombie, ce n'est pas par hasard. Certains des titres générés peuvent pourtant contenir le nom de Marcel Proust, mais cela gêne visiblement moins l'auteur qui écrit "une tendance très américaine, consistant à étudier au même titre que Proust et le néo-libéralisme des concepts qui, a priori, ne le méritent pas: les vampires, Star Trek, la magie noire ou Oprah Winfrey..." (notons donc que Proust mérite d'être étudié, mais la magie noire non... Non, je ne vois pas non plus la logique). Ce mépris culturel correspond à un mépris de classe. Enlevez-le, retirez ce contexte où certaines pratiques sont attribuées aux classes populaires et considérées comme de faible valeur, et il n'y a tout simplement plus lieu de rire. Si vous acceptez l'idée que Games Of Throne fait jeu égal avec Proust ou Zola, alors le titre suivant n'est plus drôle. Parce que l'on a pas attendu une "tendance américaine" pour s'interroger sur le genre dans l'oeuvre de Proust...


Il est important de comprendre que dans un tel humour, la question "de qui se moque-t-on ?" est une bonne question à se poser. Car on se moque bien de quelqu'un. L'humour sert d'arme critique. Ce n'est en rien nouveau : Aristophane, déjà, utilisait l'humour de cette façon. C'est pour cela qu'il est toujours étonnant de voir déjà expliquer que "ce n'est que de l'humour", "du second degré", et que ce n'est pas bien grave. On imagine difficilement Molière écrivant "bon, écoutez, le Tartuffe, c'était juste pour la déconne, je ne voulais critiquer personne, c'était du second degré". Non : il assumait de vouloir "corriger les mœurs par le rire". Plus proche de nous, un autre générateur de titre avait été crée il y a quelques temps par Libération : un générateur de titres de la presse hebdomadaire. Il aurait été bien étonnant de voir ses créateurs dire "non, mais on ne voulait pas critiquer le Point et l'Express, un peu d'humour quoi".

De ce fait, l'article en question consiste bien en une critique des cours cités. Que ce soit de l'humour n'y change rien. C'est un humour qui surfe sur une forme de mépris culturel et de mépris de classe. Sans ces éléments, une fois de plus, l'article ne pourrait de toutes façons pas exister. Qu'il s'agisse d'un humour critique n'est en soi pas un problème, puisqu'il s'agit de l'une des fonctions classiques de l'humour. Encore faut-il l'assumer. Malheureusement, c'est toujours là qu'intervient le fameux "mais c'est juste de l'humour !". Le problème est que, quand on fait de l'humour qui s'appuie sur un mépris culturel ou un mépris de classe, on peut se rendre compte qu'on ne fait pas rire les bonnes personnes : par exemple, on peut faire rire les conservateurs qui pensent que seule la culture classique a droit de cité dans l'université, tandis que l'on énervera ceux qui essayent de promouvoir les Cultural Studies en France. Cela me rappelle une vieille rengaine... Qu'est-ce que c'était déjà ? Ah oui... "On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui".
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24 commentaires:

  1. J'hésite par ailleurs entre deux interprétations concernant la mention des frais de scolarité et le prestige des universités.

    Il peut s'agir de dire que ceux qui s'inscrivent à de tels cours, chers qui plus est, sont décidément des gogos.

    Il peut s'agir d'une interrogation sur le bon usage des fonds publics (en admettant implicitement que ce serait moins grave dans une petite université de sciences humaines, sous entendu que de toute façon celle-ci dispense des cours sans intérêt avec des diplômes de toute façon sans valeur).

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  2. Tout ceci n'est pas sans rappeler certains reproches faits à Wikipedia, à savoir qu'il y a à la fois des articles de culture populaire et de culture savante (je ne parle même pas ici d'articles qui mêleraient les deux, juste de la juxtaposition dans le même corpus). On m'a affirmé que cela dévalorise la Culture dans un relativisme délétère, et que cela perd les élèves qui ne soient pas la différence entre p.ex. la déesse Diane et la princesse Diana.

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  3. « Il est important de comprendre que dans un tel humour, la question "de qui se moque-t-on ?" est une bonne question à se poser. » dis tu. Et tu conclues qu'on se moque des cours eux mêmes, et donc qu'il y a classisme. Mais n'est ce pas d'abord des profs et les étudiants qui les suivent, et dont il serait audacieux de dire qu'ils viennent de classes inférieures ? J'ai même l'intuition que les étudiants de classes inférieures auront plutôt tendance à se référer à des cours plus classiques, mais là, aucune donnée évidemment… (pour le reste, je pense aussi que les zombies ne sont pas du tout illégitimes…).

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  4. @G : on se moque sans doute des étudiants et des profs, mais aussi des classes populaires. Ce n'est pas l'un ou l'autre. Si les classes populaires sont les dommages collatéraux d'une lutte entre fractions de la classe dominante, cela ne me semble pas moins problématique...

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  5. Theorasc03:49

    Je crois qu'il y a, en effet, un mépris de classe, mais ce n'est pas du tout celui que certains imaginent... C'est le mépris de toute ces faux-intellectuels bobos-parigots bien-pensants, gavés de fric, devenus partisans des facs à 10.000 euros. C'est le mépris de ces néoconservateurs que sont devenus les petits vieux de mai 1968, qui distillent une soupe sous-culturelle en guise d'alibi progressiste pour couvrir leur conversion ultralibérale. C'est le mépris de tous ces arrivistes à la Richard Descoings qui illustrent comment le gauchisme bobo fut fongible dans l'ouverture sarkozyste.

    Un mépris de classe qu'auraient partagé sans hésiter les vrais communistes, je veux dire ceux d'avant la marie-georges-buffétisation du PC, ceux d'avant la coco-chanélisation du Colonel Fabien.

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  6. @Theorasc : Il faudrait alors, a minima, ne pas faire des classes populaires les victimes collatérales des luttes entre dominants... Je ne réponds pas au reste parce que je pense que, de toutes façons, vous n'avez aucune intention de discuter.

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  7. Anonyme09:48

    Juste une nuance : étudier deux oeuvres dans le même contexte ne signifie pas les mettre au même plan : au contraire, c'est grâce à leurs études qu'on voit leurs différences, et du coup se forger une opinion sur leur "valeur intrinsèque" qui soit fondée et pas juste du préjugé de classe (c'est des séries TV / c'est américain / c'est pour un public ado DONC c'est mauvais). Par exemple, étudier Buffy et Twilight en parallèle montrerait que "les fictions de vampires" ne sont pas toutes les mêmes.

    Sur l'humour d'universitaires, une des difficultés quand je fais de l'autodérision (généralement à base de "mon sujet de recherche est ultra spécialisé") c'est que mon domaine est totalement obscur que je suis obligée de transposer pour être comprise ("La virilité dans les romans courtois de la seconde moitié XIVème siècle de la communauté cathare d'Albi, 1363-1297", ça ne rend pas pareil que "les méta-heuristiques dans la configuration de produits surcontraints : fourmis et recuit-simulé"). Sauf qu'en transposant, je déplace le sujet d'humour de moi-même aux autres.

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  8. Pourtant @uncasit moi ca me fait bien rire ton titre, surtout le 1363-1297 : cela s'appelle prendre l'histoire à rebrousse poil ;-)

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  9. Merci pour cet article qui m'a rappelé l'existence du Prix Ig Nobel.

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  10. Tortuga17:28

    J'ai testé, j'ai trouvé les titres suivants :
    - Anthropologie de l'instinct cannibale sur Youtube
    - Rhétorique de la politique du regard dans Star Trek
    - Biologie de la post-pornographie et Whoopi Goldberg
    - Introduction à la communauté cyberporn et les prothèses mammaires
    - Approche psychanalytique de la théorie cartésienne dans l'oeuvre de Marcel Proust
    - Sociologie de la philosophie kantienne dans Top Chef

    Est-ce un hasard si moi je tombe sur des titres qui sont comme promis par le site "à la con" ?
    Et je pense que les élèves des cours "bullshit" ne sont pas dupes. J'ai croisé des étudiants avouant que leurs cours sont "du vent".

    Quant à Games of Throne et Zola, les deux ne parlent pas des mêmes classes sociales.
    Games Of Throne est une histoire de puissants qui se disputent entre eux, ignorant superbement les gens simples. Tout le contraire de Zola, qui lui décrit les pauvres de son temps.
    Soutenir Games Of Throne face à Zola, c'est être dans quel camp ?

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  11. @Tortuga : Votre commentaire commence mal... Mais passons, je vais être gentil.

    Que dites-vous ? Il y aurait des étudiants qui éprouveraient un certain mépris pour les cours qu'ils suivent ? Qui pensent que cela ne sert à rien ou que c'est du vent ? Mais dites-moi, c'est une découverte INCROYABLE ! Il faudra en discuter avec les étudiants des écoles de commerce... http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RFS_481_0037 ...ou avec ceux de Sciences Po qui disaient déjà ça lorsque j'y étais tout en n'envisageant jamais d'aller mettre le pied ailleurs... Bref... tout ça pour dire que le lien entre ce genre de jugement et le contenu des cours est à peu près nul... Et je suis toujours impressionné par tous ces gens qui peuvent passer des années à suivre des cours et qui disent qu'ils n'y ont rien appris... Cette capacité à ne pas apprendre a quelque chose de surhumain, il faut bien le dire..

    Pour votre remarque finale... Est-ce utile que je réponde à ce qui est manifestement un argument ad hoc ? Du moins j'en fais l'hypothèse parce que si vous le prenez sérieusement... Réfléchissez simplement à la différence entre le contenu et les lecteurs, et on en reparle.

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  12. Tortuga19:08

    Je persiste, un cours qui s'intitulerait "Sociologie de la philosophie kantienne dans Top Chef" est un cours à la con.
    Même chose pour "Rhétorique de la politique du regard dans Star Trek".

    J'ai la très nette impression que les exemples que vous avez donné ne sont pas représentatifs de ce que produit ce générateur.
    C'est un générateur aléatoire, il est donc normal que, de temps en temps, il produise des titres qui ne soient pas complètement "à la con". Choisir exprès les deux-trois cas qui marchent moins bien en oubliant tous les autres est méthodologiquement discutable.

    Concernant Game of Thrones : Lisez-les et regardez quelles valeurs sociales véhicule cette série de romans.

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  13. Sauf que ce ne serait pas un cours "à la con" parce qu'il y a "Top Chef" dedans, comme le suggère l'article que je critique, mais parce qu'il pose une mauvaise question... Et je ne vois pas quel serait le problème à s'intéresser à la mise en scène dans Star Trek et à ses aspects politiques... Pour le reste, ce que vous dites est tellement à côté de mon billet que je me demande si vous avez quelque chose à dire...

    Quant à Game of Thrones, ai-je besoin de vous donnez des auteurs que personne ne considérerait comme "à la con" et qui n'en développent pas moins des idées profondément classistes voire nauséabondes ? Ou est-ce que je peux laisser votre vaine rhétorique là où elle est ?

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  14. @Tortuga : je découvre donc que maintenant, étudier une œuvre c'est forcément être d'accord avec le discours qu'elle véhicule.

    Donc en tant qu'historien du christianisme, je ne devrais étudier que les œuvres pour lesquels j'ai un accord théologique. J'ai comme l'impression que cela risque de fausser un peu mon travail. Peut-être que je me trompe.

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  15. Ô grand maître de la sociologie, qui suis-je pour poster un commentaire défavorable, qui sera peut être démonté point par point lors d'une de vos prodigieuse démonstration de vérité dont vous avez le talent ? Oh mais je suis certain que vous prendrez en compte le fait que n'ai pas votre niveau de connaissance en la matière et par conséquent les arguments efficaces pour vous répondre.

    Je me moque un peu, car malgré que vous pointiez du doigt des choses véridiques, votre argumentation et vos réponses vous desservent parfois, selon moi.

    J'ai lu vos textes sur l'humour et pour commencer sur une note positive, je suis d'accord avec vos théories sur la domination par l'humour (c'est peut être mal résumé). Oui, mais dans la mesure où vous en faites l'unique logique de pensée je ne vous suis plus.

    Par exemple, pour reprendre vos propos dans cet article vous dites :
    " Le problème est que, quand on fait de l'humour qui s'appuie sur un mépris culturel ou un mépris de classe, on peut se rendre compte qu'on ne fait pas rire les bonnes personnes "

    Oui mais c'est vrai pour tout, un message malgré les efforts de son émetteur, peut être interprété de diverses façons (et il n'y a qu'à voir certains textes religieux). A ce moment là, doit-on s'en prendre à l'émetteur ou au récepteur ?
    Je ne peux pas vous accuser de voir le mal partout, car le mal est partout.

    Certes comme vous le citez plus haut "Star Trek et ses aspects politiques" n'est pas forcément un sujet inintéressant. Mais n'êtes vous pas d'accord que l'on puisse rire à cela ? Si, bien sûr puisque vous expliquez vous même sur quoi repose le comique de ce générateur.
    Sauf qu'ici "on" ne rit pas par mépris, pour se moquer de la culture populaire ou classique, mais "on" rit du décalage entre le sérieux de la problématique du cours et Star Trek un sujet un peu plus léger. (J'ai mis "on" entre guillemets, car vous allez me dire que c'est relatif).
    C'est la confrontation des deux qui prête à sourire car elle peut sembler incongrue au premier abord.

    Votre argumentation qui tend à prouver que ce générateur n'a pas le mérite d'être drôle, me semble donc légèrement biaisée par votre point de vue personnel. En effet vous dites :

    "Si on ne pense pas que, par exemple, Harry Potter ou les Zombies, sont illégitimes, déjà ridicules, la blague ne peut tout simplement pas être drôle"

    Or je suis moi même des cours sur la thématique "Relations Internationales et les Zombies". Ce sujet pose certes un cadre réflexion intéressant, mais ça n'empêche pas que je puisse trouver ça drôle à évoquer.

    Je reste tout de même nuancé sur certains cours que j'ai pu rencontrer comme "Sex and The City", dispensé sans autres explications alors que d'autres éléments spécifiques à ma formation sont totalement laissés de côté. Dans ce cas, vous comprendrez peut être que l'expression "ne rien apprendre" n'est pas toujours à prendre au sens littéraire.

    Mais comme je vous l'ai dit au début, je ne suis pas totalement en désaccord avec vous. Tout est une question de cadre. Si l'auteur se contente de se moquer de ces cours "à la con" et n'offre pas d'éléments permettant de juger de l'utilité de ces cours, le jugement du destinataire sera fortement biaisé. Surtout s'il ne dispose pas de l'ouverture d'esprit nécessaire pour dissocier l'humour de la réalité.

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  16. (Suite du message précedent)

    Pour compléter mon message et synthétiser ma pensée, je dirais que je ne suis pas d'accord avec vous principalement pour une raison.
    Minute Papillon #55 a d'ailleurs dressé de vous le portrait de quelqu'un qui sait de quoi on doit rire et de quoi on ne doit pas. Je ne penses pas que votre présomption soit celle-là, mais il est vrai qu'en vous lisant on peut aisément penser que vous nous dictez de quoi doit-on rire.

    Je pense que votre message serait mieux compris si au lieu de s'attaquer aux partisans du "on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui", vous leur expliquiez qu'on peut rire de tout, mais pas n'importe comment.

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  17. Dans le billet, je dis de façon assez claire que le décalage peut se lire, se "cadrer" de deux façons. Vous pouvez donc rire du décalage. Vous pouvez d'ailleurs rire de tout, et en rire n'importe comment. Ce que vous ne pouvez pas faire, c'est dire que ça n'a pas d'importance. Dans ces billets, je défends la puissance de l'humour, puissance critique qui seule peut lui donner une capacité emancipatrice. C'est cela qui déplaît à mes critiques. Car cela implique que l'humour peut aussi bien servir l'émancipation que la domination. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Et beaucoup veulent le pouvoir sans les responsabilités.

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  18. Bonjour Denis,

    Bon, je pinaille, mais : "l'humour repose essentiellement sur un décalage : vous voyez un homme marcher dans la rue, il glisse sur une peau de banane, décalage, c'est drôle" - ça, ce n'est pas l'humour mais le comique (tel qu'attribué à Bergson). Dans l'humour, en plus du décalage, il faut un sujet, un locuteur et un auditoire (et quelques autre choses aussi).

    Pour le reste, je n'ai qu'une chose à ajouter à ce que tu as dit : souvent, une personne qui défend son propos en arguant que "c'est de l'humour" voulait en fait dire que c'était une galéjade, des mots en l'air, prononcés pour faire rire, sans sérieux aucun ; non seulement l'excuse est bancale, mais elle trahit une méconnaissance de ce qu'est l'humour, lequel, justement, est du sérieux enveloppé dans de la légèreté -- deux attributs qui font en général défaut au propos mal défendu. :)

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  19. Gauvain18:17

    "Que ce soit de l'humour n'y change rien."

    Je trouve que c'est un peu le problème de votre théorie. Je me souviens avoir lu dans les commentaires à vos billets sur "L'humour est une chose trop sérieuse..." certaines remarques (de Mickey Cruel, je crois) selon lesquelles vous manquiez la spécificité de l'humour. Pareil pour le commentaire d'Albert Aribaud ci-dessus : quand il écrit que l'humour "est du sérieux enveloppé dans de la légèreté", il fait de l'humour une simple forme, une enveloppe, qui laisserait intact un discours sous-jacent - celui-ci étant supposé conserver sa puissance, et son éventuelle nocivité, malgré la forme qu'il prend. En gros votre propos repose sur une distinction entre le fond et la forme, qui fait bon marché des interactions possibles entre les deux. Si on ne voit pas ça, alors on finit par traiter une blague comme un tract politique, et évidemment on manque son objet.

    Je pense qu'on gagnerait à considérer l'humour comme une forme adéquate à son contenu. Dans le cas d'Anaïs Bordages, je crois qu'on a typiquement affaire à un humour dont la fonction est de modaliser un contenu. L'humour est fondé, effectivement, sur un refus de la responsabilité, sur l'idée qu'on dit quelque chose sans vraiment le penser ou sans pouvoir en être tenu pour comptable. Or je crois qu'il n'y a rien de plus fréquent chez l'être humain que d'avoir des idées dans la tête qui ne soient pas directement sous forme prédicative, sous la forme d'un "je pense que..." bien clair, bien net et bien carré, mais sous une forme un peu plus flottante ; éventuellement sous la forme d'opinions vagues dont on ne sait pas trop quelle valeur de vérité leur attribuer (on peut "penser" quelque chose à 70%, à 50%, à 20%... ou plutôt, on peut "penser" quelque chose sans trop savoir soi-même à quel degré on le pense). Et l'humour, il me semble que ça sert à exprimer ça : une idée qu'on a, qu'on a envie de partager parce qu'elle nous titille et nous paraît intéressante ou stimulante (mais "intéressante" ou "stimulante" ne veut pas forcément dire vraie), et qu'on va jeter sur le papier en l'enrobant, en effet, de cette chose qu'on appelle l'humour ; mais par machiavélisme ou par ruse, pas pour faire passer en douce des idées qu'on n'oserait pas faire passer autrement ; plutôt parce que dans un cas comme ça l'humour est la seule façon de restituer l'intégralité du message : un contenu explicite + un coefficient de vérité qui n'est pas égal à 100%...

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  20. Je pense que votre commentaire s'intéresse à quelque chose qui, pour ma part, me semble dénuer du plus total intérêt (j'exagère un peu) : les intentions de l'auteur. Ce ne sont pas les intentions, toujours pures, de ceux qui font de l'humour raciste, sexiste, classiste ou autre qui m'intéressent : ce sont ce qu'ils font. Et pour cela, je prends la peine de décortiquer le fonctionnement de leur humour, c'est-à-dire que je m'intéresse à ce que cette forme fait, sans l'ignorer - à l'inverse, donc, de l'attitude que vous me prêtez. Par contre, considérer que parce qu'une idée est mise dans la forme humour, elle n'a plus d'importance ni d'impact, cela revient à donner une primauté totale à la forme, sans chercher à voir ses articulations avec le fond. Et c'est bien cela qui me pose problème.

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  21. Gauvain20:07

    Je crois qu'en parlant d'"intentions de l'auteur", vous parlez de deux choses très différentes sans les distinguer. Vous avez raison de vous méfier des "intentions de l'auteur" en un certain sens, mais vous ne pouvez pas vous passez complètement de cette notion pour réfléchir sur ce qu'est un message.

    Il me semble que quand une personne noire, par exemple, lit un message raciste, elle va se sentir blessée ou offensée parce qu'elle reconstitue une "intention d'auteur" derrière le message. Ca ne veut pas dire qu'elle se dit "L'auteur a voulu être raciste", mais au minimum elle se dit "l'auteur a voulu dire ce qu'il/elle a dit". Si quelqu'un dit que l'islam est incompatible avec la démocratie, ça peut offenser des musulman-e-s, non pas certes parce que l'auteur du message a voulu être islamophobe (ça, on n'en sait rien), mais au minimum parce que l'auteur du message a *voulu dire* que l'islam était incompatible avec la démocratie.
    Si quelqu'un dit "l'islam est incompatible avec la démocratie" alors qu'il est clair qu'il ne le pense pas, la nocivité de la phrase me semble très diminuée, voire annulée. Ca peut être le cas lorsqu'il y a des marques suffisantes qu'on est dans un registre ironique ; ça peut être le cas lorsqu'on cite quelqu'un d'autre (par exemple si je dis : "Tartempion a dit : l'islam est incompatible avec la démocratie", je ne pense pas qu'un-e musulman-e sera blessé-e par mon propos, même s'il/elle peut l'être par celui de Tartempion), etc. Donc dans tous ces cas, on rapporte quand même le sentiment de l'offense à une "intention", vraie ou supposée, de l'auteur du message.

    Donc je veux bien admettre que je m'intéresse aux "intentions de l'auteur", mais uniquement dans la mesure où cela me semble non seulement légitime mais même indispensable de le faire. Je ne dis pas que l'auteure de l'article sur Slate a voulu être classiste, méprisante, ou quoi que ce soit : cela serait effectivement dénué d'intérêt. En revanche je pense qu'il est possible qu'elle ait voulu exprimer (même si ça n'est pas aussi conscient que cela) une idée qu'elle a eue tout en la déchargeant partiellement de sa dimension assertive via l'humour - d'où l'argument "c'est de l'humour", "c'est de l'ironie", qui n'est pas que de la mauvaise foi ! Après, il est possible que des gens soient en colère, non pas à cause du fait qu'une personne dise "les cultural studies c'est de la merde", mais à cause du fait qu'une personne ait vaguement l'idée que peut-être les cultural studies c'est de la merde, sans en être trop sûre, et même si éventuellement elle peut penser différemment à d'autres moments de la journée. Mais même dans ce cas je pense que c'est une erreur de rabattre le second message sur le premier ; et je n'ai pas d'opinion très tranchée quant à la légitimité de cette colère qui prend pour objet un message statutairement flou parce qu'il exprime du mieux possible, avec des outils linguistiques qui sont forcément imparfaits, une tendance naturelle de l'intelligence humaine : l'hésitation...

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  22. Il me semble qu'il y a un problème dans ce que vous dites. Prenons l'exemple traité dans le billet : j'ai essayé d'y montrer comment l'humour dans sa mécanique même en venait à être méprisant pour les classes populaires. L' hésitation n'apparaît pas dans ce mécanisme. Au contraire, pour être drôle, dans ce cas-là - je n'en fais pas une généralité - il faut être assuré.

    Le problème, me semble-t-il, c'est que vous rabattez la question à une relation entre deux personnes, un locuteur et un auditeur. La scène sociale est en fait bien plus complexe, et met en jeu non seulement un public plus grand, mais aussi des rapports sociaux qui disparaissent d'autant moins dans l'humour qu'ils en sont au fondement.

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  23. Bonjour,
    Je me suis arrêté sur cet article car j'ai moi même en faculté de Lettres étudié les comics de super-héros lors de mon master. Mon sujet de mémoire était "Métatextualité et transmutation dans les comics de super-héros".
    Et sans que ce mémoire ne soit parfait, loin de là, j'ai analysé avec rigueur et les outils que ma licence m'avait donné ce genre et ses évolutions. Et je dois dire que les plus réticents n'ont pas été les professeurs, qui même si le sujet peut prêter à sourire (on parle de mecs qui s'habillent en collant et mettent leur slip par dessus leur pantalon) ont vu que mon analyse était sérieuse, mais bien des autres élèves. Je viens d'un milieu populaire et j'aime cette culture car même si je pense que toutes les oeuvres d'art ne se valent pas, la culture populaire tout autant que la culture de l'élite a su accoucher de pépites...
    Les profs ont apprécié cette généralité et certains étudiants m'ont méprisé car les super-héros c'est bien connu c'est de la merde, même si aucuns d'eux n'avait jamais ouvert un comic book de toute leur vie.
    Donc oui j'ai fait une de ses études à la con avec un titre à la con et pédant à souhait même si il a un sens, mais je crois qu'avec un angle intelligent et un regard critique tout peut-être sujet d'étude. Le truc aussi c'est que la culture élitiste a été maintes fois analysée et que les chercheurs "cherchent" de nouveaux lieux inexplorés ce que je trouve assez rassurant en fait.

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  24. J'avais testé le générateur et... Dans environ 80% des cas, j'ai eu une réaction épidermique enthousiaste en mode "OH PURÉE JE VEUX SUIVRE CE COURS!"

    Ça m'a un peu déprimée du coup, car c'est une sacré claque au niveau prise de conscience d'à quel point les sujets ou les thèmes qui m’intéressent ou qui m'inspirent sont juste complètement obscurs et hors d'atteinte pour la majorité des gens... Et à quel point la force d'empêchement de réfléchir en rond sur ces thèmes était forte.

    Cela étant, si quelqu'un décide d'écrire un article sur l'anthropologie de la magie et de la sorcellerie sur le net, je veux bien participer (en temps que voyante et professionnelle de l’occultisme utilisant internet de manière régulière, je suis dans le sujet d'étude et j'assume mon potentiel d'exemple pour ce genre d'étude)

    Si quelqu'un écrit quelque chose sur la politique de la masculinité dans Game of Throne WANT WANT WANT WANT <3 <3 <3
    Encore plus si c'est sur l'étude de la figure féminine dans ce même Game Of Thrones, d'ailleurs.

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